1 euro 50 le demi au Syphax Café. C’est étonnant. Tellement que j’ai eu l’irrépressible envie de tester cet endroit, chroniqué dans le dernier Papier-Culture du mag’. Quelques stations de métro plus tard, j’arrive devant le spot. Je rentre, commande un demi. Dans la sono résonne « Smack my bitch up » des Prodigy (mais oui bien sûr !). Je jette un œil autour de moi, et je remarque beaucoup de gens propres, bien habillés. Bref, une milice privée de fashionistas. Je cherche du regard le pilier du bar, l’habitué, celui qui a décidé de poser sa tente à côté du zinc, mais je ne le trouve pas. Une place se libère, pile devant le comptoir. Je m’installe, m’allume une clope.
Pour le prix, la bière est loin d’être imbuvable. Une rangée de pouf à ma gauche commence à chantonner en chœur les premières mesures d’Underworld, des Daft Punk. La plus proche –et la plus blonde aussi, porte un tee-shirt dont le dos est floqué d’un gros « LOVE IS A GAME INSERT COIN. GOOD LUCK ! ». Il ne se passe rien. On ne semble pas être dans un bar où l’on peut immédiatement parler à son voisin sans susciter la méfiance de son prochain à la première phrase. Y’a pas de doutes, c’est un bar pour ceux qui savent se tenir. J’attend qu’un miracle se produise, après tout, je ne suis ici que depuis un quart d’heure. J’enquille mon demi, et choppe Joe le serveur à la volée, pendant qu’il fait les cent pas. Pour recommander, il m’explique sans blaguer qu’il faut que je retourne au bar. Au Syphax Café, le serveur sert, ça ne marche pas en sens inverse.
Mouais bon, je me lève, je commande une pinte à trois euros –ça ne se loupe pas, et me rassied derechef. Il fait vachement Orange/Violet au Syphax, c’est un endroit très bien tenu. Les filles sont jolies, et mis à part un nez en toboggan par ici, pas un seul boudin. Un type, pas loin en face, décide aussi d’aller commander. Il pare sa casquette, se lève et se gratte le menton. Il ne porte qu’une seule mitaine. Il commande deux pintes, et retourne s’asseoir. Je n’ai jamais vu quelqu’un porter deux pintes de bière avec autant de style. La classe absolue. Le troupeau de pouf se casse, les retardataires s’installent et Underworld repasse pour la seconde fois dans la sono.
Je cherche du coin de l’œil un type qui draguerait une meuf, voir si c’est le style de la maison. Manifestement, c’est dur. Ici, il faut venir avec des gens. Je décrète intérieurement que c’est un scandale qu’un bar aussi économique soit squatté par toute cette population. Le prix finira de me convaincre de m’humecter le gosier une dernière fois. Mis à part les tauliers de l’endroit, carrément polis, l’atmosphère du lieu m’a complètement déprimé. Mais j’y retournerais avec des potes. Un soir où les poches seront plus vides qu’à l’accoutumée.