Je vous propose d'inaugurer une nouvelle sous-rubrique de Jurigeek. Après les pilules rouges et Jurigeek Strips, voici les réquisitoires.
L'affaire du jour relève de la politique fiction et pourtant, c'est arrivé. Tandis que le projet de loi HADOPI venait d'être validé et durci par la commission mixte paritaire, on attendait un vote massif et définitif de l'assemblée nationale, qui se trouvait toute prête à avaliser ce texte, si cher à notre gouvernement.
Et voilà que l'impensable a eu lieu : le texte a été rejeté ! Par un vote de 21 voix socialistes contre 15 favorables de l'UMP. Même si l'on ne peut qu'approuver la défaite, temporaire, mais quand même, d'un texte aux multiples hérésies juridiques, on peut légitimement se poser la question de savoir comment on a pu en arriver là.
Aujourd'hui donc, sur le banc des accusés : Laëtita Casta. Ah non ! Pardon, c'est Marianne en fait. Elle est pas belle, la France ?
Lieu du crime: l'assemblée nationale
Date du crime: le 9 avril
Victime(s): 302 députés UMP disparus
Complice(s): 21 ninjas socialistes
Mesdames et Messieurs les soi-disant jurés
Chères canes, chers canards,
Chère Marianne, et je pèse mes impôts,
Vous êtes allée trop loin. Beaucoup trop loin. Pourtant, je fais tout pour vous aimer. J'apprécie vos prairies duveteuses et vos monts dont même les phoques sur leur banquise rêvent de titiller le sommet et je ferme les yeux sur votre caractère difficile qui vous pousse à grogner souvent, pour un oui ou pour un non. Mais là, c'est trop !
Je sais que les étangs sont difficiles, comme disent les requins de la finance, mais quand même, on ne peut pas tout tolérer. D'accord, rien ne vous a été épargné. L'entourage d'un criminel peut expliquer le passage à l'acte, et ces dernières années, nul ne peut nier que vous avez mal choisi vos relations. Après vous être laisser séduire par un bouquet de roses, vous avez craqué pour le premier venu qui vous offrait des pommes. Déjà, c'était pas reluisant. Mais aujourd'hui, c'est le pompon. Vous vous êtes laissés éblouir par cet amant indélicat, comme une midinette impressionnée par les rolex et les yachts, alors, faut pas se plaindre après de se réveiller un beau matin avec la cocarde au beurre noir. Il vous bouscule, ce malandrin, il vous fait mal, vous qui aviez une constitution si forte, la voilà abîmée.
Et pourtant, force est de constater que le mobile du crime est si bête ! Ce roturier bling bling a voulu changer toute la décoration de votre intérieur, voilà tout. Bon ! Pourquoi pas après tout ? Changer de style, ça peut être bien. Certains disaient même qu'il était temps, et sur le principe, vous n'y voyiez pas d'inconvénient. Il vous montrait ses projets d'impulsif notoire, et ma foi, si tout ne vous plaisait pas, l'important était que les gens s'y retrouvent. Mais voilà, ! Ce coquin ne s'est pas maîtrisé, et il a commencé à taper dans les fondations. Voir les bulldozers retourner vos articles de lois, certains séculaires, en tous sens, ça ne peut que pousser à la révolte, j'en conviens.
Alors, à l'annonce d'un de ses projets consistant à inviter, chez vous, en permanence, son pote HADOPI, ça vous a fait une double peine. Vous avez décidé de lutter, ce que personne ne peut vous reprocher. Mais quand même, de là à fomenter un coup pareil ! Mais revenons sur le crime en lui-même.
Le 9 avril, le projet de votre coco, pas muniste pour deux sous, paraissait acquis. Le texte, voté en commission mixte paritaire, n'avait plus besoin que de l'aval des parlementaires, ça ne pouvait poser aucun problème. Les députés UMP, persuadés de la chose, ne se sont guère mobilisés, il faut bien reconnaître qu'il faisait beau ce jour là et qu'il y avait des pâtes au pistou à la cantine. Mais vous, vous avez organisé un véritable coup d'éclat. Vous avez caché une vingtaine de députés socialistes derrière des rideaux ! Il est 13H00, une poignée de députés UMP arrive, ils voient qu'il n'y a presque aucun socialiste, l'affaire est réglée, pas besoin d'aller chercher les copains. Le texte est mis au vote quand surgit des couloirs la douzaine de députés socialistes ninjas qui arrivent pour voter. Les UMP paniquent ; mais il est trop tard pour rameuter d'autres députés UMP. Une fois la mécanique enclenchée, plus moyen d'interrompre la séance, les retardataires ne peuvent que rester dehors.
Voilà comment on peut obtenir un vote avec seulement 36 députés sur...577 ! Sachant que l'article 68 du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale prévoit qu'une majorité simple suffit pour valider le vote, c'est à dire que le vote peut être valable, quel que soit le (faible) nombre de votants, c'est la victoire.
Bien sur, il y a des garde-fous contre ces manœuvres, mais vous aviez tout prévu, Marianne. Certaines personnalités (secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement et chefs des groupes parlementaires) peuvent demander de faire une pause ou de faire repousser le vote ou appeler au rassemblement mais ils n'étaient pas là, trop occupés à saucer le pistou.
Alors Marianne, je comprends l'utilité de votre stratégie, qui vous permet de tenir à l'écart le pote HADOPI. Mais d'une part c'est une victoire temporaire, vous savez que votre coco, pas lectif pour deux sous, n'acceptera pas d'en rester là. Et puis, quelle tristesse quand même. En êtes-vous vraiment réduit à ces extrémités ? Sommes-nous obligés de faire appel à de telles stratégies pour mettre à bas un texte honteux d'un point de vue juridique ? Les arguments solidement étayés, les discussions éclairées et les réflexions dépassionnées sont-elles des choses du passé ?
Laisse-moi vous dire, Marianne, que vous ne sortez pas grandie de cette affaire. Pardon ? ça vous arrange car il est petit et que vous ne voudriez pas lui faire de l'ombre ? Ah ! la la, vous êtes perdue Marianne, l'amour vous aveugle mais c'est sans doute tant mieux pour vous, car tout ceci n'est pas beau à voir.
J'ai longtemps cherché la peine la plus sévère à requérir à votre encontre, mais voilà, je n'en ai rien trouvé de pire que de vous laisser entre ses mains à gourmettes et bagouses en or massif. Mais bon, que je ne vous y reprenne plus.
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