Une affaire Crédit Lyonnais mondiale
Par Hervé Nathan. La manière dont les pouvoirs publics américains reprennent à leur charge les créances douteuses des fameux subprimes rappelle l'affaire du Crédit Lyonnais en France. Les profits sont toujours privés, mais les pertes deviennent parfois curieusement publiques.
Pour répondre à la crise financière gigantesque, le gouvernement américain s'apprête à créer un énorme fond de « défaisance ». Il s'agirait, selon les informations dont on dispose à l'heure actuelle, de permettre aux banques de se « défaire » des créances douteuses, à base de subprimes, qu'elles ne peuvent vendre sur le marché, auprès d'une structure publique. Ce dispositif rappellera quelque chose aux Français : c'est ce que le gouvernement d'Edouard Balladur a mis en place, en 1993, pour faire face à la faillite du Crédit lyonnais. La France avait créé le Consortium de réalisation (CDR), qui avait hérité des dettes et des actifs du Lyonnais (immobilier, filiales, siège, etc…).
Une autre analogie est possible entre la mésaventure du Lyonnais et la crise des subprimes. Dans les deux cas, les politiques ont tout fait pour renforcer artificiellement la croissance. Dans les années 90, le gouvernement socialiste de Pierre Bérégovoy avait expressément demandé aux dirigeants du Crédit lyonnais de soutenir l'économie. Ils se sont exécuté en commentant d'innombrables et invraisemblables bévues. Avec les subprimes, l'administration Bush trouvait formidable que les marchés se chargent de permettre aux pauvres d'accéder à la propriété, ce qui évite de lever des impôts pour construire de HLM. Les illusions sont toujours dangereuses. Quatorze années plus tard, la facture finale (passif) pour le contribuable français est évaluée entre 1 et 1,6 milliard d'euros.
1.300 milliards de dollars
Pour les Etats-Unis, les enjeux sont monstrueux. On estime que les subprimes représentent 1300 milliards de dollars. Quant aux « swaps » (sortes de contrats assurances) entre banques, ils se monteraient à 2000 milliards de dollars. S'il s'agit de couvrir de telles masses, on comprend pourquoi le président Bush en s'adressant aux américains a prévenu : « Ces mesures réclament que nous engagions un montant considérable sur les dollars du contribuable (…) Cela comporte des risques. » George W. a le sens de la litote.
Ce n'est pas une première outre-Atlantique. Dans les années 80, une solution de ce type avait été mise en place pour sauver les caisses d'épargne de la faillite. De toute façon, le contribuable paye déjà. « Marianne » (numéro en vente samedi) a évalué les engagements pris par le gouvernement, sous forme de plans de relance ou de garantie des institutions financières : l'addition dépasse les 700 milliards de dollars. Et en deux jours (17 et 18 septembre), Washington a levé 140 milliards de dollars sous forme d'emprunts à court terme, pour renflouer la Réserve fédérale (banque centrale des Etats-Unis), qui elle-même prête de l'argent à tombeau ouvert aux banques commerciales.
L'espoir officiel de l'administration américaine, c'est qu'un jour, le retour à meilleur fortune permettra au contribuable de ne pas perdre d'argent. L'exemple du Crédit lyonnais pourrait le faire réfléchir ! En tous cas les « marchés », comme l'on dit, ont bien compris le message : comme le contribuable va se charger des pertes (on dit « socialiser »), les banques, elles, vont retrouver les profits. Vendredi, la Bourse de Paris a terminé en hausse de 9,27%. La plus forte hausse en vingt ans. Et les valeurs bancaires ont fait bien mieux, de l'ordre de + 20 à + 30%. Merci qui ? Merci Mister Bush.
Vendredi 19 Septembre 2008 - 19:59
Hervé Nathan