1.
Nathan s’alluma une cigarette sur le perron du lycée. Il n’aimait pas particulièrement fumer mais il avait commencé en même temps que ses amis. Il trouvait que ça lui donnait un air cool, alors il en grillait une tous les matins avant d’aller en cours. Le problème, c’est qu’il n’avait pas une thune et il ne pouvait plus en demander à ses amis sans passer pour un gratteur. Alors il lui arrivait de piquer cinq euros dans le portefeuille de sa mère de temps en temps, ça ne le rendait pas très fier.
Tous les matins, il restait là, à attendre ses potes, sans dire un mot, en regardant la fumée épaisse sortir de sa bouche.
A huit heures moins cinq, il devint plus attentif. C’était l’heure précise à laquelle Ambre se faisait déposer par sa mère, en bas de la montée du lycée. Nathan avait remarqué par où elle passait et avait motivé sa bande de potes à quitter le hall d’immeuble chauffé qu’ils squattaient habituellement pour un banc glacial de la montée du lycée, malgré leurs protestations. Et ça dans le seul but de pouvoir regarder Ambre avant que les cours ne commencent. Pourtant Nathan pourrait la contempler toute la journée vu qu’elle était en classe avec lui. Mais tous les matins, il ressentait le besoin viscéral de la voir en premier. De voir quelle tenue elle avait décidé de porter. Pour quel maquillage elle avait opté. Avait-elle noué ses cheveux où les avait-elle laissés libres, il préférait quand ils étaient relâchés.
Cela faisait deux ans que Nathan et Ambre étaient dans la même classe et sa passion pour la belle n’avait fait qu’enfler depuis.
Jérémy, l’ami le plus proche de Nathan arriva par le bus de la ville, ils échangèrent une poignée de main et commencèrent à parler de ce qu’ils avaient fait la veille au soir. Nathan examinait son ami et regrettait qu’il ait choisi encore une fois de s’habiller n’importe comment, sans aucune attention pour son style. Au lycée, il fallait faire attention à cela bon sang, quelle réputation allait-il avoir si on le voyait entouré de types mal fringués, les no-style qu’on les appelait. Déjà qu’il devait râler auprès de ses parents pour qu’ils lui paient des vêtements à la mode, des marques tendances et tant pis si lui-même n’était pas à l’aise dans ses fringues, il était forcément à l’aise avec les autres en conséquence. Et ce critère social avait à ses yeux terriblement plus d’importance que d’avoir des vêtements chaud ou confortables. Jérémy, lui, s’en moquait et ce malgré les reproches fréquents de son ami. Le souci pour Nathan, c’est qu’Ambre ne le remarquerait jamais s’il était entouré de losers, de perdus et autre surnoms destinés aux crétins qui n’arrivait pas à suivre la tendance.
Ambre descendit de la voiture de sa mère qui l’embrassa en lui souhaitant bonne journée. Nathan tourna la tête dans sa direction et comme tous les matins il eut le souffle coupé par sa beauté. C’était plus fort que lui, ça le dépassait complètement. Il était dingue de cette fille. Il la matait avec des yeux de rapace, étudiait avec attention sa tenue. Elle portait son petit top noir qui mettait en valeur sa poitrine, et la petite jupe anthracite qui s’arrêtait mi-cuisse. Nathan n’en perdait pas une miette.
Il était debout, à côté de ce fameux banc, entouré de ses potes, mais pendant ces quelques minutes plus rien n’avait plus d’importance. Il était obnubilé par sa belle, aux traits si fins, si gracieux, aux formes si parfaites pour une jeune fille de son âge qu’elle faisait autant tourner la tête des jeunes hommes que des plus vieux. Nathan crût défaillir en considérant ses jambes, chacun des pas qu’elle fit pour gravir la montée menant au lycée faisait danser sa jupe et découvrait un peu de ses cuisses. Nathan sentit sa température grimper et son excitation complétait sa fascination amoureuse pour cette jeune fille à la beauté dantesque.
Nathan sut à ce moment qu’il resterait toujours amoureux d’Ambre.
Toujours.
Elle ne le regarda pas, il n’aurait su dire si elle connaissait son existence, et ça le tuait. Elle se dirigea vers son groupe d’amies, des filles plutôt jolies, mais tellement quelconques à côtés d’Ambre. Les potes de Nathan savaient bien qu’il était complètement toqué de la « fameuse Ambre de TS2 que tous les mecs rêvaient de se faire ». Ils l’avaient tellement charrié qu’ils ne trouvaient plus de vannes à lui lancer, alors ils l’ignoraient. La sonnerie retentit et Nathan se dépêcha de grimper la montée en espérant être pris dans le flux des lycéens, mais juste derrière sa dulcinée afin de profiter d’un moment privilégié de proximité illusoire.
Pour la plupart des élèves, les cours passaient au ralenti, mais Nathan savourait chaque seconde qui lui permettait d’observer Ambre secrètement. Il la fixait, quand il était sûr que personne ne le remarque, puis dirigeait son regard ailleurs quelques instants, de manière à ce qu’on ne rapporte pas à « sa belle » qu’un type du fond la matait pendant tout le cours. Il passait aussi une bonne partie de son temps à fantasmer sur elle, se perdait dans ses pensées pendant quelques exquises minutes…
Mais le retour à la réalité était cruel. Elle ne me remarquera jamais, elle est bien trop occupée à changer de mec, une fois par semaine. Nathan avait fréquemment des instants de blues. Et il y avait de quoi. Ambre changeait régulièrement de petit copain, des beaux gosses au sommet de leur réputation, une fois un skateur qui avait décroché un sponsor et qui enregistrait une vidéo pour le compte d’une grande marque, une autre fois un type qui avait décroché son permis et qui paradait devant le lycée avec la grosse cylindré de papa-maman. Et puis les pires, les types qui avaient dans les cinq ans de plus qu’elle et qui étaient à la fac. Non mais sans blague, quel type ferait ça ? Allez draguer des jeunes lycéennes qui ont l’âge d’être leurs plus jeunes sœurs, se dit Nathan, faut vraiment être un porc ! Mais pas question d’en parler aux autres filles, elles avaient leurs réponses toutes faites, les filles sont raisonnablement plus matures que les garçons, qu’est-ce qu’il pouvait répondre à ça…
Toutes les conquêtes d’Ambre blessaient Nathan pour deux raisons. D’une ça le faisait crever de jalousie, ça le blessait au plus profond de son cœur au point d’envisager une ou deux fois de mettre fin à ses jours. Et de deux, cette instabilité donnait l’image d’une Ambre volage, pas très sérieuse, débauchée, voire pire, manipulée et souillée par une horde de salauds et d’ordures qui foulaient au pied la plus pure des créatures de cette planète.
Mais surtout, ce qui meurtrissait ce pauvre Nathan, c’est qu’il ne pouvait soutenir la comparaison avec tous ces Don Juan avec lesquels elle sortait…
Lui était un jeune homme plutôt banal, ni laid, ni beau, les traits trop fin, pas assez viril, pas très grand. Il était un peu myope et il devait porter des lunettes, mais il essayait de les mettre le moins possible. En plus, il n’était pas entouré par les gens qu’il fallait, les gens qu’il aurait fallu côtoyer pour passer pour un type en place. Ses amis étaient comme lui, mais ne se souciaient pas tant de ce manque de reconnaissance sans grande valeur, cette valeur factice conférée par la plus subjective des appréciations, la réputation. Et ça, ça déprimait Nathan, car ça l’éloignait d’autant plus de son amour. Le problème, c’est que l’obsession de Nathan le tuait à petit feu…
2.
C’était la pause de la moitié de la matinée et Ambre alluma une cigarette sur le perron du lycée. Les deux heures de maths avaient été barbantes au possible et elle savourait ce moment de détente avec ses amies, en ragotant sur les couples qui étaient en train de se faire ou de se défaire.
Ambre n’avait pas trop envie de voir Julien. Elle savait qu’il serait sur le perron mais elle l’avait largué la veille et était gênée à l’idée de se retrouver en face de lui et d’avoir à formuler des explications inutiles sur la fin de leur relation. Le genre de discussion qui allait durer tout le temps de la pause et qui allait lui prendre la tête. Elle se sentait d’ailleurs soulagé de ne plus être avec ce type. Elle s’était laisser séduire mais il n’avait pas répondu à ses attentes, se révélant totalement stupide et imbu de sa personne.
Ambre partait du principe qu’il n’y avait pas de raison de ne pas sauter le pas avec un mec qui souhaitait sortir avec elle tant qu’il lui plaisait. C’était une fille qui croyait à l’amour et au coup de foudre, et pour rien au monde elle n’aurait laissé échapper son prince charmant sous prétexte qu’elle n’aurait pas voulu lui accorder sa chance. Le souci, c’est qu’Ambre était une jeune fille très courtisée. Elle savait qu’elle plaisait, et qu’elle s’emballait un peu trop vite avec les mecs. Elle se savait détestée par la majorité des filles de sa classe qui la prenait pour une pimbêche qui passait son temps à allumer les mecs. Même si elle faisait comme si ça lui passait par-dessus la tête, ça la blessait de ne jamais savoir si elle pouvait accorder sa confiance à une de ses camarades. Elle se dit qu’il serait peut-être temps de calmer le jeu et de se fixer mais elle ne voyait pas avec qui. Elle alluma une deuxième cigarette. En plus sa mère lui tapait sur le système avec ses mauvaises notes d’histoire et elle savait qu’elle devait rattraper son retard avant le bac. Il fallait qu’elle trouve une solution au plus vite mais elle ne voyait pas vraiment comment rattraper son retard, ça la gonflait l’histoire.
3.
Nathan suivait distraitement le cours d’histoire qui portait sur la guerre froide. Il n’avait pas vraiment de souci avec ses résultats, il estimait qu’il aurait le bac sans forcer. Ce qui n’était pas le cas d’Ambre. Elle fronçait ses fins sourcils quand elle ne saisissait pas une idée, et portait toute son attention sur le cours, ce qui permettait à Nathan d’admirer la jeune femme à son aise.
« Nathan ! Daigneriez-vous nous accorder votre attention ? »
Nathan, interloqué, releva la tête et bafouilla un « excusez-moi m’sieur » qui le fit passer pour un minable. Cet enfoiré de Blanchard l’affichait devant tous les autres. Il baissa la tête vers son livre d’histoire.
« Et bien Nathan, peut-être pourriez-vous nous résumer ce que j’étais en train d’expliquer à vos camarades ? Rajouta avec sarcasme M. Blanchard, prof d’histoire de la TS2.
_ Euh… vous étiez entrain d’expliquer comment la décolonisation à entrainer l’indépendance de l’Algérie et comment le général De Gaulle a eu du mal à gérer la situation, en gros, pour résumé je veux dire…
_ Mais c’est pas mal ça, Monsieur Nathan Desrives, et vous arrivez à suivre le cours tout en faisant de l’œil à mademoiselle Deneaugret, félicitations ! »
La classe commença a pouffé de rire devant cette allusion. Tous les yeux faisaient des va-et-vient entre les deux élèves. Nathan rougit et planta son regard dans son livre profondément, comme une autruche qui tenterait de se dissimuler entièrement sous terre. Les copines d’Ambre ne cessaient pas de jacasser devant cette révélation fracassante qui paraitrait en Une de la gazette des ragots du lycée. Nathan sentit son monde se dérobé sous ses pied, il venait d’être humilié, pire, d’être pris en flagrant délit de désir, cet enfoiré de prof venait de violer son jardin secret, il venait de jeter en pâture la part la plus vulnérable de sa personne, étalant au gros jour ses sentiments les plus profonds, les plus confidentiels, son trésor venait de lui être dérobé. Il éprouva une haine absolue envers ce salaud de prof ! Il songea, il faudrait que je le lui plante un couteau dans le dos à la sortie des cours, ou sinon je lui crève ses pneus, ce sera moins radical. Il décida de relever la tête et sans s’en rendre compte dirigea automatiquement son regard vers sa belle. Elle aussi finissait de rougir et jeta un coup d’œil dans sa direction. Puis elle le fixa un peu, comme si elle tentait d’évaluer qui il était. Il détourna les yeux immédiatement, le visage toujours cramoisi comme un bâton de dynamite prêt à exploser. Putain elle me regarde. Le prof calma la classe et revint à son cours. Nathan attendit la fin du cours comme un condamné à mort qui attendrait qu’on envoie le jus à travers la chaise électrique.
La sonnerie retentit, se mélangeant au bruit des chaises qu’on racle sur le sol, au brouhaha des discussions et de la voix du prof qui indiquait les thèmes à réviser pour le prochain cours sans que personne ne l’écoute. Nathan sortit fissa de la salle sans se retourner, sans attendre Jérémy, fuyant son humiliation ses cours sous le bras.
Une demi-heure plus tard, il faisait la queue au kebab du quartier au milieu d’une foule d’ados pour commander son sandwich. Deux choses lui revenait sans cesse à l’esprit, le moment précis où le prof l’avait vanné _ il sentait ses poils se dresser rien qu’à se remémorer cette sensation d’humiliation_ et le regard qu’Ambre lui avait lancé. Ce souvenir était doux et agréable, il ne se rappelait pas qu’Ambre l’ait déjà regardé avec attention. L’année dernière, elle lui avait adressé la parole pour lui demander si c’était cette semaine qu’ils avaient anglais ou espagnol. Il avait bafouillé, tellement abasourdi par ce contact, il avait dit qu’il ne se rappelait plus, surement anglais. Elle l’avait considéré deux secondes puis s’était éloigné en marmonnant un merci. Qu’est-ce qu’il avait pu se maudire de ne pas avoir dit un truc intelligent, d’avoir retenu son attention un instant, il avait revécu la scène des tas de fois dans sa tête… Nathan mangeait donc son sandwich perdu dans ses pensées.
Les cours de l’après-midi parurent durer une éternité. Il n’osa pas jeter plus d’un coup d’œil par tranche de dix minutes, terrifiés à l’idée qu’on le surveille, glissant dans un sentiment de paranoïa qui se mêlait insidieusement à son désir obsessionnel. A la fin de la journée, il était lessivé, il avait dû lutter contre ses pulsions et tenter de s’intéresser à des cours de physique chimie. Mais plus il se forçait à éloigner Ambre de ses pensées, moins il n’arrivait à se concentrer. Epuisé par ses efforts, il s’autorisa une cigarette avant de reprendre le chemin de son chez-lui.
4.
Ambre était contente de son après-midi, elle avait tout saisi en physique, les prochains partiels s’annonçaient bien. En plus, elle avait réussi à esquiver Julien toute la journée, et Caro lui avait dit que Lucas, le type qu’elle avait rencontré à la soirée étudiante du jeudi dernier lui avait demandé son numéro. Ambre avait complètement craqué sur cet étudiant en psycho et elle comptait l’inviter à la soirée qu’elle organisait le weekend prochain. Pourvu qu’il ne râle pas quand elle lui dira qu’elle a trois ans de moins que ce qu’elle lui a annoncé ! Pis de toute façon l’âge ça ne compte pas tant que ça.
En arrivant sur le perron du lycée, elle chercha une cigarette dans son sac mais poussa un petit soupir en voyant que son paquet était vide. Elle scruta les mecs qui étaient sur le perron en espérant que l’un d’eux puisse la dépanner d’une clope, elle savait malicieusement user de ses charmes quand ça pouvait servir. Elle vit un type de sa classe qui fumait l’air pensif. Elle se rendit compte que c’était celui à qui le prof d’histoire avait mis la honte pendant le cours, le pauvre. Elle avait été gênée sur le moment mais en même temps, il y avait plein de garçons qui la mataient tout le temps en cours. Elle devrait peut-être éviter d’aller le voir, si d’autres la voyait, ils commenceraient à raconter des trucs après l’épisode de ce matin. Comment il s’appelle déjà, Mathieu, non, Nathan ! Oui c’est ça, ça doit faire deux ans qu’on doit être dans la même classe se dit-elle.
Elle le remarquait pour la première fois, ce n’était pas trop son genre, il était un peu petit et il ne semblait pas très costaud. En plus il avait des lunettes qui lui donnaient un air intello. Mais il avait un visage aux très fin, il était plutôt mignon. Il avait de bons résultats en cours, surtout en histoire. Ça donna une idée à Ambre.
« Salut ! » Nathan se retourna et la fixa avec de grands yeux ronds. Elle lui demanda :
« Dis tu pourrais me dépanner une cigarette s’il te plait ?
Il ne broncha pas puis sembla se reprendre et bafouilla en cherchant ses clopes.
_ Ouais ouais ! Bien sûr, pas de problème… Il tendit une cigarette à Ambre.
Elle le remercia et fit lécher la flamme de son briquet à l’extrémité de la clope. Nathan était subjugué, il n’avait jamais vu autant de grâce dans un geste aussi banal, elle était à côté de lui, juste à côté.
Ambre pris quelques bouffées sur sa cigarette, puis elle lui demanda en fixant ses pieds :
_ T’es fort en histoire ?
_ Ouais… Ça va, j’me débrouille…
Personne ne dit rien pendant quelques minutes gênantes.
_ Moi je suis nul en histoire, j’ai peur que pour le bac ça…
_ Je suis désolé pour ce matin ! Il avait lâché ça comme ça, en lui coupant la parole. Elle étouffa un petit rire. Il avait l’air tout gêné
_ C’est pas grave…
_ C’est vraiment un con ce prof !
_ Moi je le trouve plutôt sympa.
_ Tu sais, je te regardai pas, je regardai par la fenêtre.
_ Ouais…
_ …
Un nouveau silence gêné. Nathan donna une pichenette à sa cigarette mais elle retomba lamentablement sur son sac, il tapa dessus pour enlever les cendres. Ambre tourna la tête.
_ Et sinon … euh, si tu veux je peux t’aider pour l’histoire.
_ Bah justement, tu pourrais me faire des photocopies de tes cours, parce qu’il m’en manque quelques-uns, j’ai loupé la semaine dernière, et aussi la partie sur le président Marshall après la deuxième guerre mondiale…
_ Ha ha, non c’est le président Truman, tu confonds avec le plan Marshall, c’est la doctrine Truman en opposition à la doctrine Jdanov, et…
_ Ouh la la, attends je suis déjà complètement perdue !
Ils se mirent à rire.
_ Ecoute, pas de problème. J’aime beaucoup l’histoire, je trouve ça passionnant. Si tu as le moindre souci demande-moi, j’te donnerais les cours demain.
_ Merci, c’est cool.
Il la regardait en souriant, elle lui rendit son sourire.
Ils se regardèrent quelques secondes, il était gentil, elle finit par dire :
_ Ecoute je vais y aller, ma mère ne devrait pas tarder. A demain alors.
_ Ouais, à demain Ambre…
Elle s’éloigna et descendit la montée du lycée. Il était plutôt sympa en fait, en plus il avait l’air calé en histoire. C’est bizarre qu’elle ne l’ait pas remarqué avant, deux ans qu’ils étaient dans la même classe. En tout cas, vu comment il la dévorait des yeux, elle savait qu’il avait un faible pour elle. Tout ça la laissa songeuse jusqu’à ce que sa mère klaxonne en lui faisant signe de se dépêcher, elle était en double file.
5.
Nathan était sur un petit nuage, il venait de vivre les cinq minutes les plus extatiques de son existence, il repensait sans cesse à ce moment, elle en face de lui, eux entrain de rire, elle allumant une de ses cigarettes, elle lui disant à demain, lui l’impressionnant par ses capacités en histoire, elle lui faisant un signe de la main… Il marchait en souriant bêtement, les yeux dans le vague, il sut qu’il chérirait toujours ce court instant dans son cœur, il le graverait dans sa mémoire et pourait s’y réfugierait à chaque instant. Il commença à imaginer qu’il se rendait chez elle pour lui donner les cours, puis qu’ils se retrouvaient dans sa chambre, puis ils s’embrassaient, puis il caressait délicatement sa joue du revers de sa main, puis elle retirait son haut, et…
Il joua le film une bonne dizaine de fois dans sa tête sur le chemin. En rentrant il s’isola dans sa chambre. Le soir, il dina avec ses parents sans être vraiment là, il était avec Ambre.
« Les cours se sont bien passés ?
_ Ouais…
_ Le prof de physique vous a rendu vos contrôles de la semaine dernière ?
_ Ouais…
_ Et ? Tu as eu combien ?
_ Ouais…
_ Nathan ? Tu nous écoutes là ? »
Nathan ne trouva pas le sommeil de la nuit. A aucun moment.
Le lendemain matin, il dormait à moitié sur le chemin du lycée, déambulant comme un zombie en suivant l’itinéraire quotidien et bien connu. Il était partie une demi-heure plus tôt et s’arrêta en chemin dans une boutique de bureautique. Il fit des photocopies de tous ses cours, les fit reliés par thème avec une page de garde plastifiée. Il prit le modèle le plus cher. Il arriva au lycée et alluma sa cigarette du matin en saluant ses amis.
Huit heures moins cinq, Ambre arriva, il se dit qu’il attendrait la pause de dix heures pour lui remettre ses cours.
Dix heures, il la chercha du regard parmi la foule de lycéens. Elle était assise sur les marches, en face d’elle il y avait un type debout qui la faisait rire. Il se rapprocha.
« Salut Ambre… Elle se retourna, le type aussi.
_ Oh Nathan, ça va ? Elle se leva et lui fit la bise. Il rougit puis serra la main du type
_ J’ai tes cours, pour l’histoire.
Il sortit les cinq ou six dossiers reliés.
_ Quoi ! Mais t’es fou, combien ça t’a coûté ?
_ Non rien, laisse tomber.
_ C’est vraiment gentil, fallait pas. Ecoute, si tu veux ce weekend je fais une soirée, t’as qu’à venir. Faut juste amener une bouteille. Ça te dit ? J’ai fait un évènement sur « Friendship », y’a tout sur la page, l’adresse, un numéro où me joindre et l’heure à laquelle ça commence.
_ Euh… oui, avec plaisir !
_ C’est cool, bah à samedi alors !
_ Ouais, à samedi.
Il s’éloigna avec l’impression de vivre dans un rêve.
Il compta les heures et les minutes qui le séparait de la soirée. Il se rua sur internet dès qu’il fut rentré chez lui et envoya une demande d’ajout en ami à Ambre en espérant qu’il n’avait pas tout imaginé. Il n’avait jamais osé lui envoyé une demande d’ajout de peur qu’elle l’ignore ou bien qu’elle le prenne pour un vicieux, mais maintenant que c’était elle qui l’y avait invité, il n’avait rien à craindre. C’était fabuleux, il allait pouvoir voir ses photos, quand il le voudrait, il serait au courant des statuts qu’elle mettrait en ligne, il saurait tout. Tout !
C’était pour ainsi dire le plus beau jour de sa vie…
Il passa les deux prochaines heures à vérifier toutes les deux minutes avec anxiété si elle était connectée. Il n’allait jamais sur son propre profil « Friendship ». Personne ne lui envoyait jamais rien, personne ne prenait de ses nouvelles, à part ses potes qui lui mettaient des liens vers des sites de jeux vidéo. D’ailleurs il ne s’était inscrit sur le site que pour une chose, Ambre.
Au bout de deux heures et quart, il vit qu’elle avait accepté sa demande. Il hurla presque de joie mais l’ordinateur était dans le salon et il ne voulait pas que ses parents se demandent ce qui arrivait. Ses parents ! Il fallait encore qu’ils acceptent de le laisser sortir ce weekend. Il n’y avait pas de raison, il avait eu un bulletin correcte ce trimestre.
Il contempla les deux cent quarante photos où Ambre apparaissait, s’arrêtant sur chacune, il caressait presque l’écran du bout des doigts sur certaines où elle était absolument divine. Il regarda ses centres d’intérêt, exultant dès qu’il voyait un truc qu’ils avaient en commun. Il écouta les musiques qu’elle avait mises en ligne, il n’entendait même plus son père râler pour la troisième fois, répétant qu’il était tard et qu’il devait consulter sa boîte mail.
Il resta devant l’ordinateur tard dans la soirée et commençait à somnoler, il regarda l’heure sur le magnétoscope, il était deux heures et demi du matin. Il alla se coucher les yeux rougis par l’écran mais le sourire aux lèvres, le visage béat et les pensées occupées par le visage d’Ambre.
6.
Le weekend était arrivé. Nathan passa au supermarché du coin et acheta une bouteille de vodka, de la « Eristoff », il avait lu sur son profil que c’était sa marque préférée. Il avait passé le reste de la semaine à essayer d’apprendre par cœur ses informations personnelles.
Pendant les heures de cours, il avait essayé de jouer le blasé au plus possible, se contentant de la saluer de loin. Il crût même l’avoir surprise en train de le regarder en cours, mais il n’avait su si c’était à lui qu’était adressé ce regard ou bien à sa copine Caro qui était juste derrière lui (le prof les avait séparées parce qu’elles parlaient trop).
Il y avait un souci cependant. Ambre habitait dans un village à dix kilomètres de chez lui et il allait devoir y aller à pied. Il aurait bien demandé à ses parents de l’y conduire mais ils allaient au cinéma ce soir-là. Tant pis ! Il avait décidé qu’il irait à pied. Pour rien au monde il n’aurait loupé cette soirée.
Le soir venu, il se prépara. Il avait décidé de mettre une chemise noire. Sur un commentaire qu’elle avait fait sur la photo d’un de ses amis, elle disait que ça faisait très masculin. Il avait décidé de ne rien laisser au hasard. Vers vingt heures trente, ses parents partirent au cinéma et Nathan se mis en route. Il avait le cœur qui battait à cent à l’heure. Il était anxieux, il n’avait pas l’habitude des soirées de ce genre. En fait, c’était la première soirée où on l’invitait depuis qu’il était arrivé au lycée.
Il longeait la nationale et se cachait dans le fossé dès qu’une voiture passait, de peur que ce fussent des jeunes qui se rendaient à la soirée. C’était stupide et paranoïaque mais Nathan n’aurait pas supporté qu’on avoue qu’il était venu à pied, longeant la nationale de nuit, tout seul. Tout le monde l’aurait pris pour un fou. Avec tout ça il arriva tard.
En atteignant le quartier d’Ambre, il commençait à entendre la musique. C’était un lotissement de petites maisons, il essaya de se repérer au bruit. Il repéra l’entrée et s’approcha. Il y avait des gens dehors qui fumaient et buvaient en riant. Il les salua mais ne reconnut personne, qui veux-tu reconnaitre ici se dit-il, et entra dans la maison. Le bruit était assourdissant, la musique était très forte et l’obscurité presque complète. Il distingua une foule entrain de danser au milieu de ce qui devait être le salon. La musique était du style de ce qui passait en boîte. Nathan ne connaissait pas, il n’allait jamais en boîte, ce doit être de la house se dit-il. Il chercha Ambre du regard, scrutant parmi les danseuses, puis continua le tour des autres pièces.
Dans la cuisine, c’était plus éclairé. Il y avait deux groupes de personnes, une table avait été calée dans le fond et toutes les bouteilles étaient posées dessus. Il sortit la sienne de son sac et la mit au milieu des autres. On lui demanda s’il venait d’arriver, il répondit que oui et demanda où était Ambre. Ils se mirent à rire et lui répondirent qu’elle devait être dans une des chambres avec le fameux étudiant de psycho. Nathan devint livide, c’était comme si on lui avait explosé une bouteille de vodka de marque « Eristoff » sur le crâne pour après lui enfoncer le tesson dans le cœur. Il bredouilla merci puis demanda à ce qu’on lui serve un verre. Les autres durent remarquer son changement de couleur car on lui conseilla de s’asseoir. Les larmes lui montaient aux yeux, non mais il fallait vraiment être con, se dit-il, pour imaginer que ça allait changer quoi que ce soit. Il restait le minable Nathan, juste bon à lui donner ses cours d’histoire. Il avala son verre d’un trait. Tous les autres avaient l’air plus vieux que lui, il se sentait chétif et pitoyable.
Il décida d’aller dans le jardin prendre l’air. Il resta assis sur un banc, perdu dans des pensées mélancoliques, un verre à la main. D’autres personnes blaguaient à côté de lui, des éclats de rire lui parvenaient mais il était isolé dans son spleen. Au bout d’une demi-heure, il décida d’aller remplir son verre vide et passa par le salon.
Là, sous la lumière saccadée du stroboscope, il la distingua. Ambre qui se déhanchait. Les flashs éclairaient spasmodiquement son corps qui semblait se cambrer au rythme de la musique. Nathan lâcha son gobelet de plastique qui tomba sans bruit, il ne l’avait jamais vu si belle.
Les yeux clos et les lèvres légèrement entrouvertes, elle dansait, habitée par le rythme des basses. Nathan était subjugué, elle portait une robe qui laissait son dos nu, ses hauts talons étiraient ses jambes. La sueur faisait briller sa peau à chaque passage d’un projecteur. Il l’appela mais son cri fût noyé dans le vacarme ambiant. Il s’approcha, magnétiquement, comme Ulysse hypnotisé par le chant des sirènes, et il lui frôla l’épaule. Elle ouvrit les yeux et sourit en le voyant. « Nathan ! Ça va ? » S’époumona-t-elle. Nathan n’entendit presque rien à cause de la musique mais hocha la tête. Elle lui prit la main et cria « Vient ! » Elle fendit la foule en direction de la cuisine.
Celle-ci était maintenant déserte, ils y étaient seuls avec les cadavres de bouteille. Il la contempla quelques secondes, à la lumière crue, c’était « la » Ambre qu’il n’avait jamais osé espérer, celle des grandes soirées. Impeccable, elle avait sublimé sa beauté avec quelques touches de maquillages et une tenue parfaite. Mais quelque chose faisait tâche, Ambre avait du mal à garder l’équilibre. Nathan reprit ses esprits et chercha la bouteille de vodka au milieu de la table. Il la cueillit au milieu du champ de bouteille et la tendit à Ambre.
« Je t’ai ramené ça.
_ Ooh ! Génial j’adore la vodka, on va s’en servir un verre ! »
Elle entreprit de servir deux gobelets mais en versait la moitié à côté, elle semblait saoule. Nathan lui dit qu’il allait le faire. Il servit un doigt de vodka auquel il ajouta du jus d’orange et tendit un des deux verres à Ambre. Ils trinquèrent et Ambre s’envoya la dose d’une traite ! Nathan était mal à l’aise, il ne l’avait jamais vu dans cet état. Elle lui dit « Viens, on va fumer une cigarette ! » Elle lui prit la main et les menèrent à l’extérieur, attrapant la bouteille de vodka au passage. Nathan se laissait guider, savourant chaque seconde pendant lesquelles la paume de sa belle était dans la sienne, sentant les minces doigts serrer les siens. Dehors, elle lui demanda s’il n’avait pas une cigarette, il lui en tendit une.
« C’est sympa ce soir non ?
_ Ouais, super soirée.
_ Tu vois, nous on va fêter le fait qu’on se connait mieux maintenant, parce que c’est quand même fou qu’on est été dans la même classe pendant deux ans et qu’on se soit jamais parlé ! C’est dingue non ?
_ Euh… Ouais.
_ Surtout que t’as pas l’air comme ça, mais t’es un mec hyper gentil tu sais !
_ Bah… euh merci.
_ Allez, à la tienne ! »
Sur ce, elle s’enfila une rasade de vodka et lui tendit la bouteille : « A toi ! » Nathan saisi la bouteille, et après une courte hésitation avala une gorgée. L’alcool lui donna un haut le cœur et il toussa en posant la bouteille. Ambre explosa de rire et prit Nathan par le cou en disant : « T’es trop mignon. » Et elle déposa un baiser sur ses lèvres.
Nathan plaça les mains sur ses hanches et l’embrassa plus fougueusement. Elle posa les paumes de ses mains sur ses épaules et le repoussa, bredouillant « Oh mon dieu, qu’est-ce que je fais… Excuse-moi, je sais pas ce qui m’a pris… » Nathan ne répondit rien. Il resta hébété, ça s’était passé trop vite, pas le temps de comprendre.
« Ecoute, il y a mon nouveau copain qui est là, tu gardes pour toi ce qui vient de se passer, tu le promets hein ? » Nathan ne répondit rien, ça s’était passé trop vite, trop vite. « T’es gentil mais ce soir je suis sorti avec ce type, Lucas… euh … écoute je sais pas quoi dire, attends là, je reviens… » Elle avait l’air d’avoir dessaoulé d’un coup, elle fila en direction de la maison, laissant Nathan dans sa stupeur.
L’air était frais, c’était agréable.
Nathan était toujours immobile. Elle a dit qu’elle allait revenir. Je l’attendrai. Il alluma une cigarette. Elle m’a embrassé, elle m’a embrassé ! En y pensant, il se mit à rire, un rire à gorge déployé, il était heureux. Il l’attendrait.
7.
Nathan faisait courir ses doigts sur le dos nu. Ambre poussa un soupir : « J’adore quand tu me caresse comme ça. » Ils étaient montés dans sa chambre après le départ des invités, la soirée finissait dans l’intimité pour les deux nouveaux amants. Elle avait dégrafé le haut de sa robe et il laissait jouer ses doigts sur la peau douce de sa belle. Elle se retourna et l’embrassa. Il fit glisser la fine culotte jusqu’aux genoux pendant qu’elle défaisait le bouton de son jean. Il l’installa sur le dos et s’installa contre elle. Leurs peaux étaient brulantes l’une contre l’autre. Elle poussa un gémissement…
Nathan ouvrit les yeux. Le réveil sonnait, imperturbable. Il tâtonna avec sa main pour interrompre le son strident qui agressait ses oreilles de bon matin. Six heures et demie. Il devait se lever pour aller au travail. Il venait encore de vivre cette nuit d’amour en rêve. Il poussa un soupire. Cette nuit d’amour qu’il avait tant espérer il y a de ça dix ans maintenant. A ses côtés, Laure se retourna et le prit dans ses bras.
« Quelle heure il est ?
_ Six heures et demi.
_ Mmh, bien dormi ?
_ … Oui …
_ Tu me réveille dans un quart d’heure ?
_ Oui.
Nathan se leva et se dirigea vers les toilettes. Il s’essuya, il avait joui dans son sommeil. Il urina, tira la chasse puis se dirigea vers la cuisine pour faire couler le café. En prenant sa douche, il se remémora son rêve. Toujours le même rêve.
En réalité, Nathan avait attendu pendant une heure dans le jardin sans la voir revenir. Puis il était allé se resservir un verre.
Après c’était assez flou. Il ne buvait jamais habituellement.
Il se rappelait vaguement qu’on l’avait ramené devant chez lui et s’était réveillé le lendemain dans son lit. Il avait essayé de voir Ambre au lycée mais elle l’avait esquivé autant que possible. Ça lui avait déchiré le cœur.
Sur « Friendship », elle parlait sans cesse de ce Lucas avec qui elle était sortie pendant sa fameuse soirée. Mais Nathan savait que c’était surtout avec lui qu’elle était sortie. C’était cette rencontre, cette fusion issue d’un baiser qui avait réellement compté. L’autre, cet étudiant, ce n’était qu’un prétendant de plus, un type sans intérêt, insipide. Nathan lui-seul saurait donner l’amour qu’elle méritait, il la comblerait, il … Ils étaient simplement fait l’un pour l’autre, elle s’en rendrait bien compte un jour. Il y a des histoires d’amour auxquelles il faut donner le temps de murir.
Un jour, le Lucas en question était venu chercher Ambre devant le lycée. Ça avait mis Nathan dans une rage incontrôlable. L’étudiant en psycho avait garé son scooter devant le perron du lycée pendant que les deux tourtereaux étaient allés boire un verre en ville. Il avait crevé les deux pneus, par colère.
Ça lui avait fait beaucoup de bien.
Deux mois plus tard, elle avait finalement cassé avec l’étudiant de psycho, mais directement après elle s’était remise avec Julien. Nathan avait accusé le coup.
Nathan passa son bac avec succès. Ambre aussi. Il l’avait appris sur « Friendship », en fait il passait en revue chaque jour le profil de sa promise. Ce site de réseau social était le dernier lien qui le rattachait à elle.
Ils ne s’étaient plus jamais adresser la parole depuis la soirée du dix avril.
Nathan s’était fait tatouer la date sur la cheville.
C’était le jour ou Ambre et lui étaient sortis ensemble…
Nathan ne savait pas quoi faire après le bac. Enfin, il avait bien une idée, mais maintenant il n’était plus sur de rien. Un soir, sur « Friendship » bien sûr, il apprit qu’elle allait faire une école de management sur Lyon. Elle était ravie, ses parents acceptait de lui payer une partie de l’école, elle devrait faire des petits boulots pour se payer l’autre partie, les frais d’inscription représentaient une grosse somme. Elle se réjouissait à l’idée de faire serveuse ou un truc dans le genre. Elle allait rencontrer des tas de types si elle faisait serveuse se disait Nathan.
Subitement, Nathan décida de faire ses études sur Lyon. A l’origine il voulait faire fac d’histoire, l’histoire l’avait toujours passionné. Ses parents ne comprirent pas ce changement d’orientation aussi soudain, voilà que monsieur voulait faire une école d’informatique. Ils lui expliquèrent qu’il pourrait très bien faire son école s’il le voulait mais ce serait dans la région. Nathan finit par trouver une école sur Lyon qui proposait un programme qui n’était pas disponible dans les écoles autour de chez lui. Ses parents finirent par céder.
Tout ça était si loin maintenant.
Nathan avait réussi son école d’informatique. Il travaillait depuis cinq ans dans une boîte qui éditait des logiciels utilisés dans le secteur industriel. Il était assidu et apprécié par ses collègues et ses supérieurs.
Ambre avait échoué à son école, elle continuait de faire serveuse et avait tenté de reprendre plusieurs fois la fac, une fois du droit, une fois en psycho, mais ça n’avait pas abouti. Elle avait bien eu quelques histoires sérieuses mais elle changeait toujours assez souvent de mec.
Nathan se rasait devant le miroir de la salle de bain en pensant à des lignes de code sur lesquelles il bloquait, et aussi à Ambre. Il s’essuya le visage puis alla enfiler une chemise et un pantalon. Dans la cuisine, il alluma une cigarette en buvant une tasse de café. Laure arriva dans la cuisine avec le peignoir de Nathan sur les épaules. Elle lui caressa le cou.
« Tu n’es pas venu me réveiller.
_ Oh excuse-moi, j’étais en train de réfléchir…
_ Tu programmais dans ta tête ?
_ Oui.
_ Tu me sers une tasse de café ?
Il s’exécuta et embrassa son amie sur le front.
Il était avec Laure depuis deux ans et demi. Ils s’étaient rencontrés dans un pub de Lyon, pendant une soirée poker. Elle l’avait trouvé mignon, elle l’avait dragué, il s’était laissé faire. Il avait fini par lui proposée d’emménager chez lui, elle avait été folle de joie. Allongés dans leur lit, après avoir fait l’amour, elle leur prévoyait déjà une vie future radieuse, avec des enfants et une belle maison dans la périphérie de Lyon. Il acquiesçait vaguement quand elle lui tenait son discours, les yeux dans le vague, elle était déjà en train d’imaginer la couleur des carreaux de la future salle de bain.
Au début de leur relation, Nathan avait réussi à oublier quelque temps sa promesse. Il laissa Ambre à sa vie, se laissant aller au bonheur d’une relation simple. Après tout Laure le comblait de bonheur. Elle l’aimait. Il ne se rappelait pas qu’on lui ait déjà témoigné autant d’amour.
Laure était dans l’immobilier, elle avait une bonne situation, elle était mignonne, brune, intelligente. Elle aimait parler politique ou littérature. Il formait un couple que tous leurs amis enviaient.
Puis le démon revint tirailler l’esprit de Nathan. Il avait recommencé à consulter le profil de Ambre, il y passait maintenant chaque jour plusieurs heures, pendant ses heures de travail.
Il avait du mal à ne pas imaginer Ambre pendant qu’il faisait l’amour à Laure.
Il passait souvent devant le café-restaurant où elle travaillait. A chaque fois qu’il la voyait, son cœur se tordait en tous sens. Il murmurait son prénom. Il rêvait d’elle chaque nuit. Son obsession le rendait infiniment malheureux.
Un jour, il l’avait même surprise en train d’embrasser son nouvel amant. L’idée de le suivre et de le tuer lui avait caressé l’esprit.
Il avait aimé cette image qui lui avait traversé l’esprit.
Nathan n’osait pas imaginer où cela allait le mener…
8.