Ça dépend. Pour moi, il faut distinguer scénario linéaire avec successions d'étapes A, B, C, D à jouer dans cet ordre, et (faire) jouer un scénario "sur des rails".
Dans le premier cas, y'a souvent plusieurs chemins entre A et B, puis B et C, etc (même s'il faut souvent que le MJ "trouve" voire improvisent ces chemins selon les actions des joueurs). Y'a donc une certaine liberté.
Dans le deuxième cas, c'est la situation où les joueurs doivent faire toutes les actions demandées, parce que c'est le seul moyen de passer de A à B, par exemple. Et là, ça peut être vite frustrant : parce que ça va à l'encontre du roleplay d'un personnage, de l'envie du groupe, mais qu'il faut s'y plier. Parce que t'as envie de tenter une solution "marchandage et discussion" alors que ça crève les yeux que le MJ "attend" un combat (parce que le scénario n'a décrit que cette possibilité, par ex.).
C'est rarement noir ou blanc, et le cas classique est "les PJ semblent pas chaud d'accepter la quête du donneur de quête louche dans l'auberge" :D
Pour moi, ça va dépendre de plein de choses. J'ai déjà préparé des scénarios entiers de plusieurs soirées chacun avec plein de choix possibles et d'ouverture pour moi improviser en tant que MJ selon les choix des PJ, et les voir suivre "la voie principale" presque docilement (alors que c'était pas une attente de ma part).
À l'inverse, j'ai déjà été à une table où, en arrivant dans un village, mes 4 camarades ont préféré tracer plutôt que s'arrêter à l'auberge (où nous attendait la quête, oups).
[Attention, trigger warning
ce texte contient des idées de narration partagée
]
Un canard présentait il y a peu un guide qui disait "ne vous opposez pas à une action : réagissez-y" pour améliorer le roleplay d'un personnage. Je trouve que c'est un bon exemple : faire réfléchir les joueurs à ce qui expliquerait que leur perso participe à l'aventure ou engage le combat... etc.
Le roublard du groupe, chaotique neutre, ne voit pas pourquoi il irait risquer sa vie pour sauver le fils du bourgmestre juste parce que c'est le fils du bourgmestre ? Tu peux lui dire que son personnage pourrait y consentir à condition d'y trouver une contrepartie (une lettre de recommandation qui lui permettrait le cambriolage du siècle à la grande ville du coin, un sauf-conduit, en profiter pour voler le bourgmestre, etc).
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Mais, au final, c'est un peu comme au cinoche : y'a le film cousu de fil blanc, et y'a le film où chaque visionnage te donne une vision différente de l'histoire. Y'a plein de styles de scénarios.
Quand je joue à ALIEN RPG, je suis limite en train de jouer à Space Hulk dans ma tête : c'est linéaire, on arrive là, on doit repartir par là, on peut choisir le couloir de droite et crever les tripes au sol, ou le couloir de gauche et crever les tripes au plafond, et j'essaie de roleplay mon perso comme un personnage de cinéma, quitte à cabotiner.
Quand je jouais à Vampire Mascarade ou Cyberkepon, on savait que notre MJ était un gros tordu (au sens positif), qu'il pouvait improviser (et aussi anticiper, le salaud) énormément de situations, et on laissait libre court à notre créativité.
Plus récemment sur DD5, j'ai alterné en tant que joueur entre des passages "couloirs" où on sentait bien que c'était "la cut scene narrative importante" façon jeu vidéo, et des passages où on sentait clairement être libres de notre itinéraire. Et ça ne me dérangeait pas.
Et côté scénario du commerce, même chose : y'en a des linéaires très bien fait, y'en a des linéaires qui te disent pas comment gérer une "sortie de piste", et y'a ceux qui te laissent dans le vague total tellement ils sont "open world" (et, façon Fallout I/II : tu mets les pieds dans la mauvaise zone, tu meurs façon kthxbye).
Enfin, faut pas oublier que moins l'aventure est sur des rails, plus elle sollicite le meneur en amont (préparation de plus de zones/rencontres/personnages/rebondissements avec une structure complexe) et pendant la partie (impro, recours aux ressources préparées, etc), et plus elle sollicite les joueurs (qui ont l'embarras du choix ou peuvent ignorer s'ils vont dans la "bonne" direction pour leur objectif).
Au final, et pour résumer :
- certains scénarios pré-mâchés sont bien construits et la suspension d'incrédulité des joueurs leur permet de facilement suivre le déroulement prévu ;
- d'autres scénarios ou jeux entretiennent plus un sentiment de liberté dans les actions à mener, et y contraindre les joueurs à suivre un chemin donné sera dérangeant ;
- ça dépend des goûts et capacités de chacun (faut pas oublier que certains aiment bien être sur des rails, y'a un certain confort à ça).
--> Ça fait aussi partie du contrat social. Quand je joue open world, je le dis au gens. Quand je prévois des passages où y'a moins de choix, je l'annonce aux gens (au début de la campagne, hein, comme ça je spoile rien).
--> Ça fait aussi partie des choses dont je parle régulièrement quand je demande leur ressenti aux joueurs : si vous vous sentez perdus, dites-le / si vous vous sentez pas assez libres, dites-le.
Si les rails sont perçus comme une contrainte narrative avec laquelle il faut jouer pour RP, ça va.
Si c'est perçu comme un truc qui empêche de jouer le perso, ça va coincer.
Edit : grillé par plein de meilleurs explications, du coup