Jusqu'à présent, quand je parlais d'une personnalité politique allemande, ce n'était pas de manière flatteuse. Il faut dire qu'il y avait de quoi. Cela dit, ce serait une erreur d'en déduire que toute la classe politique teutonne se résume à quelques exemples malheureux. Il existe en effet des hommes et des femmes ayant choisi ce métier qui soutiennent activement le jeu vidéo. Qui, cerise sur le gâteau, essaient de savoir de quoi ils parlent avant d'en parler. Et qui, n'en jetez plus, incitent leurs collègues à faire de même.
Vous voulez un exemple ? Comme c'est jour de bonté aujourd'hui, vous en aurez trois pour le prix d'un : les députés Dorothee Bär (CSU, en photo), Manuel Höferlin (FDP) et Jimmy Schulz (également FDP). Tous les trois jeunes, joueurs de jeux vidéo, et un peu agacés par l'hystérie ambiante autour des "killerspiele". Afin d'y remédier, ils ont décidé d'inviter tous leurs collègues (le Bundestag compte 622 membres au total) à une gigantesque LAN-Party qui devrait avoir lieu fin octobre-début novembre. Le but est d'amener les députés à mieux connaître ce type d'évènements et les jeux qui y sont pratiqués. Il y aura donc au menu des jeux de sport, des STR et des "ego-shooters", comme ils disent là-bas. L'évènement sera cornaqué par la Bundesvesband Interaktiver Unterhaltungssoftware (le syndicat allemand d'éditeurs de jeux), la Bundeszentrale für politische Bildung (l'Institut Fédéral d'Etudes Politiques, où Bär siège au Conseil d'Administration), et Turtle Entertainment, qui organise de nombreux évènements en rapport avec l'eSport (dont l'Intel Friday Night Game, qui a été annulée l'an dernier en raison de l'hystérie post-Winnenden).
Evidemment, cette initiative n'a pas fait que des heureux. Elle a même été jugée "dégoûtante" selon Hardy Schober, le président de l'association des familles de victimes de la tuerie de Winnenden (l'AAW, à l'origine de la "poubelle-party" de l'an dernier). Selon lui, "les députés ne montrent pas l'exemple s'ils jouent à des jeux où des personnes virtuelles sont tuées. Nous n'aurions pas eu d'objection s'il s'agissait d'un évènement privé, organisé en petit comité et dirigé par des professionnels et des scientifiques préoccupés par le sujet. Ce serait même bienvenu, mais cette LAN-Party publique est pour nous inacceptable."
Du côté des journalistes, les avis sont également partagés. Les tabloïds Bild et Stern ont publié des articles d'une neutralité somme toute bienveillante sur cette initiative (malgré ce qu'auraient pu suggérer leurs titres racoleurs). Le Spiegel n'a pas été en reste. D'autres journaux ont préféré mettre l'accent sur les déclarations indignées de Schober (il est amusant de constater qu'ils se sont plagiés les uns les autres et que chacun s'est attribué le mérite d'avoir recueilli ces déclarations). Plus mesuré, un jeune journaliste du Berliner Kurier s'est fendu d'un billet d'humeur où il a pleinement souscrit à l'objectif de cette initiative (inviter les politiques à ne plus parler sans savoir et à jouer aux jeux avant de les dénoncer) tout en critiquant la manière d'y parvenir, c'est-à-dire par une LAN-Party dressant les députés les uns contre les autres : "Une session de jeu privée, à huis clos, objective et factuelle n'aurait-elle pas été un meilleur cadre pour une discussion constructive ? Franchement, si."
Pour conclure, et histoire de rappeler qu'il n'y a pas que la classe politique à être aux fraises en ce qui concerne les jeux vidéo, on notera que l'un des articles hostiles à cette LAN géante affirmait, horresco referens, qu'on pourrait y jouer au "jeu de tir World of Warcraft". Toutefois, on précisera dans la foulée que cette phrase malheureuse a vite été retirée de la version en ligne de l'article, et que de la part de la presse allemande, on a connu bien pire.
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