Pour des américains tels Jonathan Bissoon-Dath et Jennifer Barrette-Herzo, l'enfance dut être difficile. Déjà peu gâtés à cause d’un handicap patronymique douloureux, leurs deux prénoms accolés ne pouvaient que prêter à sourire. En outre, ces deux victimes de la vie sont nées en Californie, patrie des bodybuilders et des surfeurs blonds. Leur quotidien ne fut qu'une succession de calvaires, à se faire jeter du sable au visage par des voyous plus baraqués qu'eux. Martyrisés, objets de toutes les moqueries, deux seuls choix s’offraient à eux pour sortir de cet enfer ensoleillé :
- soit, solution classique, s'armer lourdement et ouvrir le feu dans leur lycée et finir par se donner la mort,
- soit s'immerger dans la culture grecque et vendre des histoires rocambolesques de Dieux, de héros et de batailles gigantesques.
Pour une raison qui m'échappe totalement, ils ont choisi la deuxième solution et écrit des scripts de films mettant en scène Sparte, Athène, les dieux Arès, Zeus et Athéna. Nos deux amis, devenus adultes, pouvaient donc légitimement penser que leur enfance brisée s'éloignait à tout jamais dans le rétroviseur de la vie. Mais voilà qu'un homme, mesurant deux mètres, affichant 120 kilos de muscles, arborant un crâne rasé, l’œil balafré, au torse recouvert de tatouages rouges se met en travers de leur chemin et les dépossède de tous leurs biens, comme au temps jadis où ils se faisaient piller leur goûter sur les plages californiennes.
A nouveau, deux choix s'ouvrent à eux :
- résister à ce bully ultime en achetant la méthode de Charles Atlas et tenter de devenir un homme avec son programme en sept jours. Mais c'est pas gagné, surtout pour Jennifer.
- soit assigner en justice ce voyou qui se prénomme Kratos et lui faire cracher un paquet de pognon.
Pour une raison que je comprends totalement, c'est cette deuxième solution qu'ils ont choisi et Kratos se retrouva donc chez le juge, ainsi que je vous le narrais alors . Cependant, nos deux infortunés viennent d'apprendre que le droit est une arme délicate à manipuler. C'est ainsi que le Tribunal californien saisi de l'affaire vient de rejeter leurs demandes. En effet, après avoir appliqué un test "extrinsèque", visant à déterminer s'il existe des similitudes entre deux oeuvres quant au sujet, aux thèmes, aux dialogues, à l'ambiance, aux lieux où se situe l'action, au rythme, aux personnages et enfin au déroulement de l'action elle-même, le juge en a conclu que, s'il y a des similitudes entre le travail des plaignants et le jeu God of War, c'est à un niveau général, non protégeable. Le fait est que les scripts de nos californiens et le jeu sont basés sur des éléments qui sont utilisés depuis des siècles, si ce n'est des millénaires.
Le jugement est en anglais ici , pour ceux qui voudraient lire le fameux test appliqué minutieusement par le Tribunal (pages 10 à 24). Jonathan et Jennifer, les deux justiciables pas du tout milliardaires, n'ont donc plus qu'a fuir loin, très loin, avant que Kratos ne se décide à venir les remercier en personne.
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