Nous vivons dans une jungle sociale agressive à la moiteur juridique suffoquante. Chaque pan de l'activité humaine est enserré par des milliers de lianes légales qui tissent une toile d'araignée dans laquelle la pauvre mouche que vous êtes, oui, moi encore ça va, je me débrouille, se débat sans espoir.
Ceci dit, il faut avoir l'esprit ouvert (ou bleu). Que l'on nous ensevelisse sous une montagne de règles juridiques pour bien vivre en société, passe encore. Que l'on m'impose de ne pas tuer ni voler mes pairs, déjà, c'est difficile, mais avec la peur du policier, je peux y arriver tant bien que mal. Que l'on cherche à contrôler ce qui se passe en temps de guerre et éviter les atrocités, c'est à la limite du supportable, mais je peux le comprendre, même si je déplore que l'on assassine ainsi la bête qui sommeille en nous. Mais que l'on cherche à nous imposer un comportement humanitaire dans nos jeux de guerre, je dis Halde ! Pardon, je dis Halte !
Alors, amis poilus et amis militaristes de tout poil, vous, détenteurs de la carte de membre de la NRA et amoureux des substituts phalliques qui tirent mille coups seconde, et vous, qui considérez que la guerre, ça Rambo et toi aussi, qui rêve secrètement de manipuler le manche de Tom Cruise dans Top Gun, levez-vous tous et affirmez votre droit de jouer comme un criminel de guerre et d'être la pire des crapules contre des ennemis et même des civils, du moment qu'ils sont numériques.
Non mais c'est vrai quoi, y'en a assez ! Et pourtant, aujourd'hui nos jeux sont jugés à l'aune du droit humanitaire et un rapport de TRIAL (association suisse contre l’impunité des responsables, des complices ou des instigateurs de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de torture) et de PRO Juventute (fondation qui a pour but de protéger les enfants et les jeunes contre les scènes de violence virtuelle inadaptées à leur âge en limitant leur libre accès aux médias de divertissement) est sans appel. Certains jeux vidéo violent plusieurs règles de droit international humanitaire.
Mais d'abord, présentons le droit international humanitaire: c'est un ensemble de règles qui chechent à limiter les effets des conflits armés. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et méthodes de guerre.
Le droit international humanitaire c'est 4 conventions signées à Genève en 1949 qui regroupent pratiquement tous les Etats de la Terre. C'est aussi deux Protocoles additionnels
de 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés. Mais c'est également la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses deux Protocoles, la Convention de 1972 sur les armes biologiques, la Convention de 1980 sur certaines armes classiques et ses cinq Protocoles, la Convention de 1993 sur les armes chimiques, la Convention d'Ottawa de 1997 sur les mines antipersonnel, le Protocole facultatif de 2000 se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés et sans oublier la Convention de Tokyo, qui vise à protéger les petits dinosaures de la yoshi island contre l'esclavage equin.
Alors, donc, les deux organismes suscités, dont j'avais d'ailleurs déjà révélé l'existence à votre regard émerveillé d'enfants gatés dans cette news, ont testé pas moins de 20 jeux de guerre (la liste est à la fin de la news) à vocation réaliste et se sont penchés sur les violations du droit international humanitaire qui en découlent.
Ainsi, on apprend par exemple que dans Far Cry 2, le scénario du jeu (dans lequel le joueur, situé en afrique, est un mercenaire engagé pour capturer un trafiquant d'armes; pour y arriver, il devra amener à se combattre deux factions armées) est concerné par l'article 3 commun aux conventions de Genève de 1949 dans la mesure où il ne s'agit pas d'un conflit international entre deux Etats mais d'un conflit non international entre deux groupes armés irréguliers.
Dans le jeu, il est possible de tirer à donf dans des lieux peuplés de civils, de détruire des objets appartenants à des civils voire de tirer sur une église. Or, toutes ces destructions sont contraires au principe de proportionnalité. En effet, le droit international humanitaire autorise, dans le feu de l'action, des dommages collatéraux causés aux civils et à leur propriété matérielle, mais ces dommages doivent être proportionnels à l'avantage militaire que l'action principale permet d'obtenir - Articles 51 et 57 du protocole additionnel de 1977 et Article 3 de la Convention de 1972 sur les armes biologiques -.
Ce sont mes cousins corses qui vont tirer la gueule quand ils vont savoir ça.
En outre, le joueur est autorisé à tirer sur une personne qui se rend, ce qui viole un tout petit peu le droit humanitaire également, notamment, l'Article 23(c) de l'annexe à la convention de Lahaye de 1907 mais aussi le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale qui dispose que constitue un crime de guerre le fait de tuer un combattant qui rend les armes ou qui n'a plus de moyens de défense.
Pratiquement tous les jeux de la liste permettent d'ailleurs de tuer des civils, des combattants qui se rendent et/ou de détruire des biens civils.
Mais il peut exister d'autres violations: Par exemple, dans Ghost Recon Advanced Warfighter 2, le commandant d'une armée régulière donne l'ordre à un de ses soldats de tuer un combattant. Ceci n'est pas une violation du droit international humanitaire, qui autorise le fait de tuer un combattant ennemi, sauf que, notre bon commandant donne l'ordre de tirer dans la tête. Et ça, cela pourrait être une violation de l'article Art. 8(2)(c)(iv) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale et de l'article 3 (1)(d) commun aux conventions de Genève. La scène du jeu n'est pas très précise, notamment, on ne sait pas si l'ennemi est capturé, du coup, les rédacteurs du rapport se contentent de rappeler qu'ordonner que soit tué un soldat ennemi (qui ne s'est pas rendu), ça passe, mais ordonner de lui tirer dans la tête, c'est commettre une exécution extra judiciaire (c'est à dire, sans procès) si on l'a capturé. Les articles précités interdisent en effet de procéder à des exécutions sans procès, y compris des soldats ennemis. Sachant qu'une balle dans la tête s'analyse en une exécution, il s'agit donc d'un crime de guerre.
Le rapport de TRAIL et PRO Juventute, dont je vous conseille la lecture pourvu que l'anglais ne vous rebute pas trop, se termine par des recommandations, notamment, il serait apprécié que les scénaristes ne concoctent pas des histoires qui permettent des violations impunies du droit international humanitaire. Le but est d'éviter que le joueur puisse imaginer que, dans certaines situations, la fin justifie les moyens ou que les guerres permettent de perpétrer n'importe quelle atrocité. Le joueur ignore qu'il se comporte comme un criminel de guerre et que les criminels de guerre sont poursuivis dans la vraie vie et jugés pour leurs actes.
Je vais vous dire maintenant mon sentiment: A force de nous présenter le réalisme d'un jeu de guerre comme un argument de vente, à force de nous promettre que tel ou tel jeu nous garantit les vraies sensations de la guerre, (alors que bon, l'article de la Grande Manette nous l'a démontré, c'est aussi vrai que de dire que Phoenix Wright vous fera découvrir les sensations réelles d'une audience au Tribunal) on met tout le monde mal à l'aise.
Lorsqu'on joue à un GTA, on peut être une ignoble crapule, mais le joueur vit dans un monde qui le considèrera alors comme un hostile et il doit affronter la police. Le sentiment de commettre un acte illégal est réprouvé par la société est bien présent. Alors qu'à l'inverse, dans nos récents jeux militaires qui se veulent réalistes, le joueur qui se comporte comme un criminel de guerre est félicité par ses supérieurs, sans jamais devoir assumer les conséquences de son acte, ni même avoir conscience du caractère illégal de ses actes.
D'un autre côté, un jeu doit rester un jeu, pas vrai. Alors, quelle solution ? Je pense que, lorsqu'un jeu de guerre se vend comme étant réaliste, il pourrait alors intégrer un mode - IHL Compliant - ou comment réussir la partie tout en respectant les règles du droit humanitaire. Cela renforcerait la difficulté et ça informerait le joueur sur la réalité des conflits modernes.
Sur ce, je retourne à Stalker Call of Pripryat; la chasse aux bloodsuckers n'est pas encore illégale.
Liste des jeux testés
24, the Game
Army of Two
Battlefield Bad Company
Brothers in Arms, Hell’s Highway
Call of Duty 4 (Modern Warfare)
Call of Duty 5 (World at War)
Close Combat, First to Fight
Company of Heroes
Conflict Desert Storm
Far Cry 2
World in Conflict
Frontlines: Fuel of War
Ghost Recon Advanced Warfighter 2
Hour of Victory
Medal of Honour Airborne
Metal Gear Soldier 4
Soldier of Fortune
Tom Clancy Rainbow 6 Vegas
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