J'ai beau, en matière de polar, être gravement américanophile, il m'arrive de faire des exceptions, de lancer des coups de sonde vers des auteurs venus d'autres univers et même parfois d'y prendre plaisir. Si, si.
Bon, j'avoue, c'est rare.
Il faut dire qu'hormis John le Carré, je rechigne devant les auteurs anglais; qu'excepté Stieg Larsson et sa trilogie "Millenium", les nordiques me laissent froid; et que malgré toute ma bonne volonté, les quelques romans italiens ou espagnols qu'on a tenté de me faire découvrir prennent la poussière sur une étagère.
Les français, Fred Vargas mise à part parce qu'elle est… très à part, me déçoivent autant que les autres et pourtant, j'aimerais tellement trouver un bon auteur de mon pays, un dont je guetterais les parutions avec impatience, comme je guette celles de Dennis Lehane, de Michael Connelly, de Richard Price ou, évidemment, de James Ellroy, mais sans le délai supplémentaire dû à la traduction.
Et c'est en fan d'Ellroy que je me suis fait avoir par ce "French Tabloïds", un roman noir, politique et français de Jean-Hugues Oppel. Le titre est un lourd clin d'œil à "American Tabloïd", chef-d'œuvre du maître, et le dos du bouquin en rajoute une couche pachydermique dans la filiation revendiquée. En prime, comme si cela ne suffisait pas, le livre lui est dédié, "fort modestement", prétend l'auteur. On peut se permettre d'en douter.
Le principe était pourtant alléchant : revisiter l'année de campagne électorale qui a précédé les élections présidentielles de 2002 (rappelez-vous, Le Pen au deuxième tour, tout ça…) à travers plusieurs personnages impliquées volontairement ou nom dans une vaste manipulation visant à assurer la réélection de Chirac. On suit donc un commissaire des RG, un barbouze mercenaire, un cabinet de "Spin-doctors" chargés de préparer l'opinion, une lieutenant de police à qui l'on met des bâtons dans les roues, et un pauvre type solitaire sérieusement poujadiste qui finira en dindon de la farce.
Du maître Ellroy, Jean-Hugues Oppel copie la construction en chapitre courts et, pense-t-il, le style bref et saccadé. Hélas, son univers tout à fait banal n'a pas le souffle de son modèle, cette Amérique des années soixante entièrement revue et fantasmée par Ellroy, qui grouille et transpire à chaque page jusqu'à devenir un personnage à part entière. Les personnages d'Oppel vaquent vaguement à leurs occupations mystérieuses, sans nous faire bénéficier d'aucun des détails qui font pourtant la crédibilité et le sel de ces machinations politico-médiatiques. Comment les spécialistes de PLM Consulting obtiennent-ils des médias l'attitude qu'ils recherchent ? Comment le barbouze parvient-il à manipuler sa victime ? L'auteur esquive toute explication pour mieux nous abreuver de compilation sans fin reprenant les "gros titres" des journaux de l'époque. Alors on s'ennuie ferme dans l'espoir qu'un rebondissement final donnera un sens à tout cela. Peine perdue.
Il parait que ce roman a obtenu le prix "Mystère" de la critique en 2006. Voilà un prix qui porte bien son nom.
"French tabloïds", un roman de Jean-Hugues Oppel dans la collection de poche Rivages-Noir, environ 10 euros.
NB : Cette chronique prend une semaine de vacances pour cause de séjour à la campagne avec du wifi pourri dedans.
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