Max m'a fait de la Payne. Une grosse Payne même. Non parce que je l'aime bien quand même. D'abord, il est ivre Max et il y en a même qui l'ont vu voler des painkillers dans les toilettes publiques. Je ne sais pas pourquoi, mais ça lui donne un air Cristianiste qui me le rend sympathique.
Ensuite, même le crâne rasé, barbu et arborant une chemise à fleurs à rendre jaloux le Schwarzie des années 80, il a la classe. Sans doute que virevolter dans les airs en bullet time, ça doit aider. Non, vraiment, je l'aime bien et du coup je suis triste d'avoir à le convoquer au Tribunal des super héros. Mais ai-je le choix ?
Parce que voilà un homme qui exerce la profession de garde du corps et que, je suis désolé de vous l'apprendre, c'est une profession réglementée. N'est pas agent de sécurité rapprochée, comme on dit dans les textes de loi, qui veut. Alors, Monsieur Payne, remplissez-vous les conditions légales voulues pour être garde du corps ? Et dans la négative, que risquez-vous ? C'est ce que nous allons découvrir dans l'affaire Payne vs Gmb.
Tout d'abord, sachez qu'il existe, depuis le 1er mai, un Code de la sécurité intérieure. Claude Néant lui-même, notre ancien ministre de la décoration intérieure, a présidé à son élaboration juste avant que la Hollande n'envahisse la France, sans doute pour se venger de Napoléon Bonaparte, mais je n'ai peut-être pas tout compris. Quoiqu'il en soit, le Livre VI du Code est tout entier dédié aux "activités privées de sécurité" et l'article L. 611-1 du Code nous explique que cela concerne toute activité qui ne relève pas d'un service administratif (on exclut donc les poulets et autres CRS) et qui vise, entre autres, à "protéger l'intégrité physique des personnes".
Alors, en résumé, pour pouvoir être garde du corps, il faut être inscrit au Registre du commerce et des sociétés (L. 612-1), n'exercer aucune autre activité commerciale (L. 621-2), ce qui signifie que vous pouvez dire adieu à votre carrière biclassée de clown transformiste/garde du corps, pouvoir justifier d'une assurance couvrant votre responsabilité professionnelle (L. 612-5) et, surtout, obtenir un agrément délivré par une Commission régionale d'agrément et de contrôle (qui dépend de la Commission nationale des agréments et de contrôle) (L. 612-6 et L. 633-1).
Et comment fait-on pour obtenir cet agrément ? Bonne question que l'article L. 612-7 résout : Il faut être Français ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle, ne pas avoir fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction du territoire français, ne pas avoir fait l'objet d'une faillite personnelle prononcée par le Tribunal de commerce, ne pas être agent de recherches privées et pouvoir justifier d'une aptitude professionnelle à exercer ce beau métier. Plusieurs centres agréés dispensent des formations. Bien évidemment, cet agrément peut être retiré à tout moment si la personne ne remplit plus les conditions (L. 612-16).
Alors, c'est bien beau tout ça, mais une fois que toutes les conditions sont remplies ça vous donne droit à quoi ? Eh bien, à utiliser un chien dressé pour cela (dans ce cas, on devient un agent cynophile), et ici également, il faudra des autorisations et montrer patte blanche (L. 613-7) ; mais, tenez-vous bien, vous n'avez pas le droit d'être armé ! (L. 613-12). En fait, seuls ceux qui gardent un immeuble et qui sont affectés à la sécurité des personnes entrant dans l'immeuble peuvent porter une arme, mais seulement certaines catégories et pour la mission de surveillance de l'immeuble (L. 613-5). Et bien sûr les transporteurs de fonds (L. 613-9). Vous voyez où je veux en venir ? L'agent privé de sécurité des personnes n'a pas le droit de porter une arme.
Hum hum, Monsieur Payne ? Ne peut-on pas dire que vous portez des armes et même que vous les utilisez ? Si si, je crois qu'on peut le dire. Sans compter que vous n'avez aucun agrément, aucune assurance et que vous êtes en permanence en état d'ivresse. Ça va coûter cher. Mais reprenons dans l'ordre.
D'abord, Max Payne exerce une activité illégale d'agent de sécurité, puisqu'il n'a ni assurance, ni agrément et qu'il n'est pas immatriculé au Registre du commerce. Dans ce cas, il sera puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45.000 € d'amende (L. 617-1). En outre, Max aime bien rappeler qu'il est ancien flic. Or, l'article L. 617-6 punit de 3.750 € d'amende le fait de faire état de sa qualité d'ancien fonctionnaire de police.
Ensuite, eh bien, Max est coupable de port d'armes illégal. Ceux qui ont lu l'article jurygeek dans un CPC papier sur les Héros au Tribunal traitant, entres autres, des crimes et délits commis par les combattants de SFIV, se souviendront que l’article L. 2331-1 du Code de la défense divise les armes en huit catégories et que l’article L. 2336-1 du Code de la défense prohibe sévèrement leur détention et leur usage. La punition, pour la détention d'armes de guerre se trouve fixée à l'article L. 317-2 du Code de la sécurité intérieure : cinq ans d'emprisonnement et 75.000 € d'amende.
Enfin, non content de porter des armes de guerre, Max les utilise et tue à tour de bras. Là évidemment, on est dans du sérieux. On ouvre le Code pénal et on tremble pour Max, parce que l'article 221-1 est clair : "Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle". Alors évidemment, il existe l'article 122-7 du Code pénal qui prévoit que "N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace". Et il est vrai que vous êtes souvent menacés ; ou que la copine du frère de la famille qui vous emploie comme garde du corps est souvent menacée. Mais en vrai, Monsieur Payne, c'est vous qui allez chercher les problèmes. Je veux bien que certains meurtres soient commis par pure légitime défense. Mais quand c'est vous qui suivez les criminels, au lieu de laisser la place aux policiers, vous n'êtes plus en légitime défense. Et croyez-moi, dans tout Max Payne 3, il y a au moins un meurtre commis par vous, certes avec une intention louable, mais le vigilantisme n'est pas autorisé et ne vous permet pas de bénéficier de l'article 122-7 du Code péna l.
Voilà Monsieur Payne, vous avez beau être sympathique, vous n’en violez pas moins trois Codes ! Que voulez-vous, dura lex sed lex. On se revoit dans trente ans pour Max Payne 4 !
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