Une fois n'est pas coutume qui fait force de loi, je me comprends, je vais vous narrer une histoire qui m'est arrivée tantôt et vous faire part de mes réflexions. Un de mes confrères me transfère un mail envoyé par un autre confrère qui relate l'histoire suivante:
"Un avocat de la ville de Charlotte (Caroline du Nord) avait acheté une boîte de 24 cigares très rares et très chers et les a ensuite assurés contre le feu entre autres. Dans le mois qui suivit, ayant consommé son entière réserve de cigares et n'ayant pas encore effectué le premier paiement de sa police d'assurance, l'avocat envoya une réclamation à sa compagnie d'assurance. Dans sa réclamation, l'avocat indiqua que les cigares avaient été perdus "dans une série de petits incendies". La compagnie d'assurance refusa de payer en citant la raison évidente : que l'homme avait consommé les cigares de façon normale. L'avocat intenta une poursuite... ET LA GAGNA !
En délivrant son verdict le juge fut d'accord avec la compagnie d'assurance que la réclamation était de nature tout à fait frivole. Le juge indiqua cependant que l'avocat détenait une police de la compagnie qui garantissait que les cigares étaient assurés et que ces derniers étaient absolument protégés contre le feu sans définir ce qui constituait un incendie "acceptable". Le juge déclara donc la compagnie dans l'obligation de rembourser l'avocat. Au lieu d'avoir à endurer une procédure d'appel longue et coûteuse, la compagnie d'assurance accepta le jugement et paya donc 15.000 dollars à l'avocat pour la perte de ses précieux cigares due aux regrettables "incendies".
Maintenant pour la meilleure partie. Une fois que l'avocat eût encaissé le chèque, la compagnie d'assurance le fit arrêter pour 24 chefs d'accusation d'INCENDIES CRIMINELS !!! Avec sa propre réclamation d'assurance ainsi que son témoignage du procès utilisé contre lui, l'avocat fut accusé d'avoir volontairement incendié une propriété assurée afin de toucher le montant de l'assurance. Il fut condamné à 24 mois de prison ainsi qu'à une amende de 24.000 dollars. Ceci est une histoire vraie qui mérita la première place aux derniers Criminal Lawyers Award Contest."
Voilà une histoire qui traduit la folie du système judiciaire américain et je m'apprêtais à en faire un "Blame America" en faisant un écho à l’une de mes précédentes news sur les class actions à l'américaine, la justice punitive et les risques de dérives que cela entraîne. Mais, bien évidemment, au préalable, je prends soin de vérifier ce que sont les criminal lawyers award contest et là, oh surprise, je découvre que cette histoire est une légende urbaine datant des années 60, reprise sur le net depuis fin 1990. Le site Urban Legends vous en donnera tous les détails. Quelles conclusions tirer de cette histoire :
- Qu'il faut toujours vérifier ses sources. Mais ça, ça coule de...euh, ben, oui, de source, et puis c'est pas sourcier non plus.
- Que le phénomène des légendes urbaines est fascinant. Une histoire remontant aux années 60 qui continue de circuler comme un virus infecte un corps social, ça mériterait une étude à part entière. Notamment, j'aimerais bien comprendre pourquoi les légendes urbaines existent. A quel mécanisme sociologique et psychologique répondent-elles ? Si c'est pour faire peur à aux truies, alors j'ai envie de dire, cochon qui s'en dédit.
- Mais, surtout, j'en tire une grande conclusion juridique. Les légendes urbaines dans le monde de la justice, tendent manifestement à démontrer que le système est fou ; ou, du moins, qu'il dérive parfois gravement. Il donne le sentiment que nous vivons dans un monde où tout est possible, le meilleur comme le pire. C'est une version simpliste et populaire du Procès de Kafka. Suivez-moi bien dans le raisonnement : qu’est-ce que cela veut dire ? Eh bien je pense que cela veut dire qu'en réalité, le système judiciaire américain n'est pas si fou que ça. Qu'il n'est pas si propice aux dérapages que ce qu'on imagine. Sinon, pourquoi diable inventer des légendes urbaines ? Si le système dérapait comme cela tout seul, il suffirait d'informer le public des vraies décisions.
Attention, je ne dis pas que le système est parfait, loin de là. Mais je dis que, manifestement, quelque chose d'aussi foufou que cette histoire de type aux cigares qui se retrouve avec 24 mois de prison pour 24 incendies criminels, ne peut pas exister dans le système.
Et c'est tant mieux.
Voir la news (0 image, 0 vidéo )