Effectivement ensuite les épisodes 3 et 4 présentent des jeux disons plus "sérieux"."Envers et contre tout" me semble le plus intéressant car en adoptant un profil linéaire, il n'y a pas de risque d'une mauvaise interprétation, on comprendra ce que le journaliste voudra nous faire comprendre, ira où il veut nous emmener, il s'apparente donc à un documentaire.
Il y a tout de même de nombreux documentaires dans lesquels je n'ai pas du tout compris la même chose que des amis avec qui je les regardais. Comme il y a des sujets desquels je suis revenu en écrivant un article complètement différent de celui écrit par un collègue du même âge et de la même orientation politique que moi. Et il n'y avait même pas de question de lignes éditoriales différentes, puisque nous étions à l'école. Ce que je veux dire, c'est que "ce que le journaliste voudra nous faire comprendre" n'est pas forcément une façon pertinente d'envisager le "bon" journalisme.
Mais pour ce qui est des jeux sandbox (je veux dire par là non-linéaires), je me demande où est passée l'information? "Le travail du documentariste vidéoludique pourrait donc être de rassembler les informations et les témoignages nécessaires pour bâtir une représentation virtuelle crédible du sujet dont il veut traiter. Au joueur, ensuite, d'explorer cette représentation."dis-tu.Mais le travail du journaliste n'est pas seulement d'exposer une situation, mais aussi de l'analyser pour nous.Il possède grâce à ses études sur le terrain et aux recherches entreprises pour monter son sujet des clés de lecture que nous n'avons pas.Et il y a toujours ce problème d'interprétation, à partir du moment où le joueur n'est plus pris par la main.
Tu as tout à fait raison, mais je pense que ces clés de lecture peuvent être "rendues" dans un modèle conçu par le journaliste. Dans les règles du jeu, par exemple. Dans le niveau de difficulté, la manière dont l'"univers" simulé fonctionne. Je crois que tout le monde ici sera d'accord pour dire qu'un jeu vidéo ce n'est pas la réalité. Ce qui sépare les deux, c'est ce que Ian Bogost (un universitaire américain, théoriste du JV) appelle le "fossé de simulation" : à un moment, le game designer fait des choix pour simplifier, pour "resumer" la réalité, en quelque sorte. Et ces choix sont d'une signifiance forte. Ce n'est pas la même chose de décider, dans un jeu sur le conflit isaëlo-palestinien, que tous les soldats ont 15 points d'attaque, ou que les soldats Israëliens en ont 20, et ceux du Hamas 10. L'information, elle est là, dans ces choix, qui doivent être clairement expliqués au joueur (par exemple, en indiquant de manière journalistique quels faits, quels interviews, quelles recherches d'info ont poussé le journaliste à synthétiser ses connaissances en un tel déséquilibre de gameplay.)
Finalement, un journaliste qui écrit un papier ne fait pas autre chose : il fait des choix, pousse certaines infos, en tait d'autres, etc. C'est son appréciation de la réalité sur le terrain qui lui dicte ces choix. Moi, je pense que cette appréciation de la réalité, il est intéressant de tenter de la modéliser dans son entier, et pour ça, le JV est un outil hors pair.
Tels que tu les présentes, les jeux basés sur l'économie semblent donner à croire qu'à une action donnée correspondra un résultat automatique.Non, non et non, ce n'est pas pour rien qu'on parle de théories économiques et d'études empiriques, en ce domaine rien n'est établi, et rien ne dit que le remède qui fonctionna pour soigner le mal il y a 50 ans aura les mêmes effets aujourd'hui.Là c'est tout au plus une simulation simpliste, ça n'a rien à voir avec du journalisme.
Premièrement, tu fais une erreur : les jeux dont je te parle ne sont pas des jeux d'économie, mais des jeux de budget. Et un budget, ce n'est ni plus ni moins qu'un tableau excel. On peut facilement estimer avec précision à combien se monteront les rentrées d'argent, et combien seront facturées les dépenses. Tu vas me dire que les changements budgétaires trop violents peuvent avoir des effets macroéconomiques (évasion fiscale, effet sur la croissance, etc.). C'est sûr, mais sur un budget à l'année, elles sont relativement transparentes.
Et ensuite, les prévisions utilisées pour The Budget Game n'ont rien de simplistes ! Je ne sais pas si tu es allé voir la partie où ils "sourcent" leurs infos, justement, mais c'est un travail de collecte d'info énorme, et même si le graphisme est tout pourri, on ne peut que s'incliner devant la précision de leur modèle de simulation. En plus, il est régulièrement remis à jour. Et puis si la prévision économique n'était ni une science crédible ni un travail journalistique, je crois que des journaux comme Les Echos, La Tribune, Challenge et autres auraient depuis bien longtemps fermé leurs portes...
A ce qu'il me semble, dès que le sujet se complexifie, le jeu vidéo n'est pas adapté à la présentation d'informations, car la modélisation passera presque inexorablement par une simplifications de l'ensemble des processus à l'oeuvre.Et l'échec de "Playing The News" semble abonder en mon sens.
L'échec de Playing the News s'explique d'abord, à mon avis, par l'absence totale de la moindre mécanique ludique. Il n'y avait rien d'autre à faire que se ballader et parler aux NPC, on ne peut donc pas trop appeler ça un jeu. Néanmoins, les infos étaient là, puisque les publics-tests ont été satisfaits par les infos recueillies sous des formes plus classiques. La "simplification" n'était pas plus à l'oeuvre dans un article classique que dans le jeu vidéo Playing The News. Et d'ailleurs, je me souviens encore d'infos que j'ai appris sur les biocarburants en faisant une "partie".
Après, je crois aussi qu'on peut très bien informer en simplifiant beaucoup. C'est peut-être le journaliste jeunesse qui parle, là, mais pour moi, l'info, ce n'est pas qu'une myriade de faits, de chiffres et de citations. C'est aussi, sinon plus, important de comprendre les relations entre plusieurs parties, les interdépendances, les engrenages, que d'avoir le dernier cours du CAC 40. Plus exactement, le cours précis de Total, le fil AFP te le donnera parfaitement. Mais l'explication globale, j'ai plus l'impression de l'obtenir en faisant une partie d'Oiligarchy, aussi caricaturale et distanciée soit-elle.
Que le jeu devienne un outil de plus à la disposition du journaliste, pourquoi pas, mais pour reprendre l'exemple de "Envers Et Contre Tout", un roman photo aurait eu je pense plus d'impact.Et qu'est-ce qui différencie un jeu flash (donc aux graphismes pauvres) linéaire d'un livre?
Bah je sais pas toi, mais moi, tous ces diaporamas qu'on voit fleurir sur le web, je trouve ça généralement chiant comme la pluie. Envers et Contre Tout avait encore une fois pas mal de défauts, surtout pour les gamers que nous sommes, mais c'est clair que j'y ai appris pas mal d'infos, et qu'en tout cas je m'en souviens bien mieux que, tiens, un webdoc sur le catch que j'ai vu il n'y a pas longtemps.