Depuis que Phoenix Wright est un personnage joueur de Ultimate Marvel vs Capcom 3, je suis jaloux. D'abord, c'est un freluquet coiffé comme un idiot, je suis bien plus beau que lui. En plus, il est nul, il met un temps fou à ramasser des indices par terre et à crier des "objections" comme un fanatique, alors que moi, en une seule phrase, je peux terrasser mon adversaire. Comment ça, je me vante ? Vous voulez une preuve ? Mais pas de problème, c'est que je connais des mots juridiques plus puissants que les dragonshouts. Et puis me cherchez pas, mon doigt est plus gros que celui de Phoenix Wright. Enfin, je me comprends.
Bon puisque vous voulez un exemple,en voilà un : en apprenant que l'association bien connue UFC Que Choisir a décidé d'attaquer en justice quatre éditeurs (Codemasters, Warner Interactive, THQ et Bethesda Softworks) et 3 distributeurs (Micromania, Fnac Direct et Game France) pour trois motifs précis (trop de bugs dans les jeux vendus, utilisation d'Internet pour activer le jeu même solo et DRM destinés à bloquer le marché de l'occasion) je me suis dit que, certes, il était temps qu'un juge se penche sur ces questions, mais que ça allait mettre des plombes avant que la justice ne se prononce.
Alors que, notamment sur la question, ô combien grave du marché de l'occasion, il suffirait de quelques mots et pouf, à terre les éditeurs/distributeurs. He oui !, c'est que le droit c'est de la magie, je me tue à vous le dire, une seule incantation peut suffire. Mais non ne soyez pas vulgaire, la formule n'est pas Abracadabra. Non, pas Hocus Pocus non plus, vous m'avez pris pour un english ? Pardon ? Supercalifragilistic ? Non mais oh, les Mary Poppers, ça ne va pas bien ? Non mais ne cherchez pas, seul l'homme de loi saura qu'il faut murmurer, en de telles circonstances, "Usus Fructus Abusus".
Chut. Vous entendez ? Voilà, c'était le cri d'horreur des éditeurs/distributeurs. Je vous explique mais rappelez-vous, cette question du problème que pose les DRM sur les droits des détenteurs d'un support matériel de jeux vidéo, je l'évoquais déjà dans le CPC 196, de l'été 2009. Alors qu'il faisait quoi Phoenix Wright à l'été 2009, hein ? Je vous le demande.
Bref, dans cet article, je rappelais que le principe sacro-saint en France, consacré par l'article 544 du Code civil, veut que lorsque vous achetez un bien matériel, vous en êtes propriétaire, et partant, vous avez tous les droits dessus :
- usus, le droit de l'utiliser,
- fructus, le droit d'en tirer des fruits, non pas des pommes ou des poires, mon Dieu ce que je dois être patient avec vous, le fructus c'est le droit de l'utiliser d'une façon qui pourrait être rémunératrice
- abusus, le droit de le revendre, de le donner, de le détruire. Par exemple, si vous achetez un fer à repasser vous pouvez le revendre via ebay, à un voisin ou aux puces, peu importe, c'est votre droit, vous en avez l'abusus.
A l'inverse, si vous acquérez une licence d'exploitation d'une œuvre distribuée en format numérique, vous n'avez généralement pas le droit de "prêter" ou de revendre cette licence (articles L.111-1 et L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle). Et pour cause, puisque vous n'achetez pas un objet, mais un droit de jouir d'une œuvre, non ce n'est pas sale. Dans ce cas, vous n'en n'êtes pas propriétaire et donc vous n'avez rien à céder (sauf si la licence l'autorise, mais dans le cas d'œuvres de l'esprit commercialisées, ce n'est jamais le cas). L'auteur conserve tous ses droits sur son œuvre. Dans ce cas, il n'y a rien à dire. Votre jeu, téléchargé sur Steam, n'est pas revendable puisque c’est, en réalité une licence que vous avez acquise.
Donc, en résumé, si vous achetez un objet, vous avez tous les droits dessus, si vous payez une licence, vous n'avez aucun droit, excepté ceux conférés justement par la licence. Donc quand vous achetez un support matériel, par exemple un DVD, avez-vous le droit de le revendre ? La réponse est oui.
Mais en matière de jeux vidéo, ça se complique. Vous achetez un DVD qui contient un jeu : c'est bel et bien un objet matériel. Mais cet objet contient une œuvre de l'esprit qui n'est utilisable qu'en vertu d’une licence d'exploitation. Et cette licence vous interdisant de prêter ou de revendre le jeu (soit en l'interdisant textuellement dans la licence, soit en plaçant un DRM qui ne permet par exemple que trois installations, ce qui de facto ne permet de revendre le DVD que de deux fois, voire qui instaure la politique du code unique d'activation, très à la mode, qui, également, ne permet plus la revente du DVD, puisque l'acquéreur doit acheter, souvent au prix fort, un nouveau code unique.), vous avez donc acheté un DVD, que vous pouvez refourguer à titre de frisbee ou dessous de table, et c'est tout. Votre droit de propriété est incomplet, vous n'avez pas l'abusus et l'article 544 du Code civil est violé par les éditeurs/distributeurs. Ah ! Ce n’est pas Phœnix Wright qui aurait pensé à tout ça hein ?
Tiens, pendant qu'ils sont à terre, agonisant sous la surpuissance de cette démonstration, finissons les MK style : outre que le DVD contenant un jeu doit pouvoir être revendu par l'acquéreur, en vertu de l'article 544 du Code civil, il y a aussi un principe de propriété intellectuelle appelé l'épuisement du droit de distribution qui milite en ce sens.
En effet, l'article L.122-3-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une œuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette œuvre ne peut plus être interdite dans les États membres de la Communauté européenne et les États parties à l'accord sur l'Espace économique européen".
Cela signifie que dès la première vente au public, l'auteur épuise son droit de s'opposer à une revente du support matériel qui contient l'œuvre de l'esprit, ce qui signifie qu'aucune licence d'exploitation ne devrait pouvoir s'opposer à votre revente sur le marché de l'occasion d'un DVD.
Du coup, un éditeur/distributeur qui vend un DVD truffé de DRM et autre clé unique violerait le principe de l'épuisement du droit de distribution et l'abusus de l'acheteur ? C'est cette question qu'aura à trancher un Tribunal.
Mais d'ici là, Phoenix Wright, je lui fais un saving dash cancel to ultra de la loi suivi d'un ultra combo 4 jurisprudentiels, et pis c'est tout !
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