Dans un mois, ce sera à nouveau la déferlante Call of Duty. Le nouvel opus, Modern Warfare 3, va à coup sûr envahir l'ensemble de notre univers visuel : télévision, affichage, journaux… Si l'on en juge par la campagne publicitaire de l'année dernière, il va être difficile d'y échapper. Il faut dire que pour son éditeur, Activision-Blizzard, c'est l'événement le plus important de l'année.
L'année dernière, Blacks Ops a été une véritable mine d'or. Les chiffres révélés récemment auprès d'analystes financiers sont stupéfiants : non content d'accumuler des ventes stratosphériques pour le jeu lui-même (22 millions), l'éditeur a indiqué avoir fourgué 18 millions de map packs à 15 dollars (Modern Warfare 2 avait placé 11 millions de map packs pour 19 millions de jeux vendus). Si vous trouviez les jeux vidéo trop chers, accrochez-vous bien : en moyenne, Call of Duty Black Ops a généré 76 dollars par client pour Activision.
Pas étonnant qu'Activision souhaite renouveler cet exploit tous les ans. Dans ce but, les moyens de production autour de Call of Duty ont été fortement augmentés ces deux dernières années. Aujourd'hui, la franchise fait travailler en permanence pas moins de 500 développeurs répartis sur plusieurs studios différents.
On savait que les studios Infinity Ward et Treyarch se partageaient la tâche, prenant la responsabilité d'un titre sur deux afin d'assurer la présence d'un Call of Duty chaque automne. Cette année, c'est celui d'Infinity Ward qui sort, mais comme le studio a perdu ses fondateurs et une bonne partie de ses membres en cours de route, on lui a adjoint le renfort de Sledgehammer Games, qui a dû pour l'occasion renoncer à son jeu d'action/aventure dans l'univers de… Call of Duty. Bien que ce ne soit pas tout à fait officiel, il semble que les vétérans de Raven Software aient également été appelés, peut-être pour travailler sur les DLC et filer un coup de main sur la partie multijoueur, dont le code réseau est par ailleurs aux mains des spécialistes de Demonware. Enfin, la grande nouveauté de cette année, le service "Elite", a été conçu par Beachhead Studio, un développeur interne à Activision. Avec des enjeux aussi considérables, une planification sur des années d'avance et une répartition des tâches sur six studios, rarement le terme "industrie du jeu vidéo" aura été aussi justifié.
Est-ce que Call of Duty va pour autant faire mieux en 2011 qu'en 2010 ? C'est bien possible si l'on considère que le parc installé de consoles est supérieur de 20 % et si l'on croit Activision qui annonce que les précommandes sont déjà supérieures à celles de 2010.
Encore aujourd'hui, on compte en moyenne tous les mois 20 millions de joueurs actifs sur le dernier Call of Duty (Black Ops). À titre de comparaison, Blizzard dans son ensemble, y compris donc les 11 millions d'abonnés à World of Warcraft, ne compte en moyenne que 15 millions de ces Monthly Active Users (MAU, ou joueurs actifs par mois), une mesure utilisée pour tenter de rapprocher l'audience des jeux vidéo de celles des sites web. Avec World of Warcraft, la marque Call of Duty est donc la seconde poule aux jeux d'or d'Activision-Blizzard et comparées à ces deux-là, toutes les autres activités de l'éditeur ne sont que d'aimables hobbies.
Pourtant, la situation n'est pas tout à fait satisfaisante. Car si WoW est une gentille vache à lait dont le rendement est très prévisible grâce au système de l'abonnement, Call of Duty reste un peu plus Olé-Olé aux yeux des financiers : chaque année, il faut convaincre les joueurs de sortir leurs dollars pour un nouveau jeu. Que se passera-t-il si, tout à coup, une année, ils se lassent ou préfèrent un autre jeu, comme ça, du jour au lendemain, sans prévenir ni préavis ? Ce serait la gamelle assurée pour le cours en Bourse d'Activision-Blizzard.
Et c'est là qu'entre en scène le service "Elite" pour Call of Duty Modern Warfare 3 :
"Aimable joueur, toi qui as payé l'année dernière 76 dollars en moyenne pour jouer à Black Ops, Activision te propose un abonnement annuel de 49.99 dollars (en plus du prix de ton jeu). Pour ce montant ridiculement modeste (à peine le prix d'un jeu normal, pfiou!), tu auras droit gratuitement à tous les map packs (il y en aura quatre à 15 dollars pièce, tu fais une affaire !), plus des tournois, des vidéos, de la gestion de Clans et un superbe réseau social rien que pour ton jeu, parfaitement intégrable avec Facebook. Et comme on est sympa, tiens, allez, une ristourne supplémentaire : achète donc l'édition "endurcie" (Hardened) du jeu pour 100 dollars, et on t'offre l'abonnement annuel !"
Récapitulons : plus de 60 euros pour à peine 7h de jeu ; 15 euros par pack de quatre cartes multi ; ou 49 euros (probablement) pour 16 cartes et un réseau social. Un jour, quelqu'un va se rendre compte de quelque chose, mais quand ?
***Cette chronique est extraite du numéro 240 de "Canard PC", paru le 15 septembre 2011. Retrouvez la rubrique "Au coin du jeu" dans chaque numéro, ou presque.
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