A la base, ce Canard BD devait être fait hier, 11 novembre. Mais vous savez ce que c'est, on lance une partie de Fallout New Vegas et on lève le nez du PC six heures plus tard, hagard, le ventre creux et les yeux caves. Et en plus, Procrastination est mon deuxième prénom. Donc on va emprunter la DeLorean "Outatime" du Doc et faire comme si de rien n'était.
Quel meilleur jour que le 11 Novembre pour parler d'une série de BD historique traitant de la Première Guerre Mondiale ? Parce que même 92 ans après la signature de l'armistice, ce conflit reste une plaie vivace et ressort souvent en BD. Je pourrais vous parler de Tardi et de sa quasi-obsession traitée à travers Putain de Guerre ! , Varlot Soldat ou C'était la guerre des tranchées qui sont de très bons bouquins mais on va plutôt s'intéresser à Mattéo, la dernière série de Jean-Pierre Gibrat.
Le gars est plus connu pour pour ses sagas Le Sursis et Le Vol du Corbeau ayant pour toile de fond la Seconde. De Guerre Mondiale bien sûr, pas la classe de lycée, on n'est pas dans GTO. Y a d'ailleurs des chances que je vous en reparle d'ici peu. Revenons à Mattéo. Jeune immigré espagnol vivant à Collioure avec sa mère, Mattéo apprend la mobilisation générale du 1er Août 1914. Il n'est pas concerné directement (puisqu' Espagnol) mais voir partir son ami Paulin est difficile. Rajoutez à ça que la femme qu'il convoite, Juliette, ne cesse de louer le courage de l'aviateur Guillaume, le fils du patron, et vous vous doutez bien que cet idiot amoureux va faire une belle connerie... Voilà le point de départ de la série. Ne vous attendez pas à voir l'horreur des tranchées comme chez Tardi, tant le traitement est différent. Là où Tardi ne montre que l'horreur du front et le dégoût que lui inspire la guerre, Gibrat s'attelle plus à montrer les petites gens "pour qui on fait la guerre". Une mère, un ami, une infirmière, tant de personnages fouillés et qui profitent pleinement du talent de Gibrat pour les dialogues et les hors-textes, plein de métaphores joliment tournées, dans un style très romancé et qu'on ne trouve que rarement en BD.
Dans le deuxième tome, après un ressort scénaristique que je ne dévoilerai pas, Mattéo se retrouve à Pétrograd en 1917, pile pendant la Révolution d'Octobre. L'occasion pour lui de frotter ses idéaux avec les réalités politiques de l'époque, voyant les "affrontements" entre anrchistes et bolcheviks. Et de rencontrer d'autres femmes très charmantes, sinon ce ne serait pas du Gibrat.
Voilà pour le scénario. Pour le dessin, on a encore affaire à un maître de l'aquarelle, mais quand même bien loin de Marini ou de Guarnido. Pas au niveau de la qualité bien sûr, mais au niveau du style. Jouant beaucoup sur la lumière, s'appuyant sur des crayonnés plutôt qu'un encrage classique, Gibrat assure autant sur les décors (qui profitent énormément d'une documentation poussée) que sur les visages (même s'il faut reconnaître que les héroïnes de Gibrat partagent toutes un air de famille très prononcé mais loin d'être désagréable).
Bref, une excellente série historique, très humaine, avec des dialogues somptueux et un dessin à l'unisson.
Les 5 premières planches du T1 et 21 du T2 sont dispo sur le site de l'éditeur
Mattéo, de Jean-Pierre Gibrat, 2 tomes dispo sur 4 prévus chez Futuropolis, 64 et 80 pages pour le même prix : 16€.
Voir la news (2 images, 0 vidéo )