Envoyé par
Clad
Ça me fait un peu mal, mais on en train de réfléchir à mettre notre fille en école privée catho quand elle aura l'âge d'entrer au primaire, alors qu'on est pas croyant du tout, même pas "culturellement" catho.
Pourtant je viens d'une famille où l'on est fier d'être fonctionnaire et de travailler pour la république. Ma grand mère était même directrice de l'école primaire où j'aurais cru envoyer mes gamins, et sur son temps libre elle faisait du porte à porte pour convaincre les parents de venir à l'école publique plutôt qu'à "l'école des riches". (les curetons faisaient pareil)
En plus de ça, j'ai toujours entendu dire que les profs du publique étaient mieux formés et que dans le privée se retrouvaient les nuls qui ont pas réussi les concours. Je ne sais pas si c'est vrai ou si ça l'est toujours: je veux bien que devenir fonctionnaire ai pu être un premier choix il y a une ou deux générations, mais aujourd'hui... ? Travailler sans beaucoup de moyens, se taper des établissements infects, des élèves violents et des parents d'élève m'en foutiste, des mutations à l'autre bout du pays... je me demande si on en est pas arrivé à un point où ça contrebalance la sécurité de l'emploi et la fierté de travailler pour le pays plutôt que pour des intérêts privés.
Dans tous les cas, j'ai un attachement à l'éducation publique et ça me fait mal au cœur d'en arriver à me poser la question.
Personnellement, j'ai plutôt aimé l'école publique, mais ça va faire 30 ans. En primaire, le vivre ensemble c'était pas juste un mot, on se foutait vraiment de la couleur de peau comme on se fout de la couleur des cheveux ou des yeux. Et puis j'ai vu ça évoluer même pendant le court laps de temps de ma scolarité: au collège, les clans qui se forment, on pouvait pas être copain avec un arabe si on était copain avec un gitan et réciproquement, je me souviens en particulier d'un noir qui avait un Amiga et avec qui on échangeait et se copiaient des disquettes, mais qui faisait mine de pas me connaitre en public parce que j'étais copain avec un groupe de gitans et ça l'aurait mis en porte-à-faux par rapport à ses copains noirs. Et c'était le début des années 90, j'ai peur que ce soit bien pire encore maintenant.
C'est vrai que ça prépare à notre société de plus en plus violente. J'ai appris à l'école public qu'il ne fallait pas rapporter, que les figures d'autorité ne peuvent pas nous aider, que si on te vole ton vélo ça sert à rien d'aller le dire mais qu'il fallait plutôt trouver le voleur et lui rentrer dedans (ça m'est arrivé), qu'il valait mieux répliquer et se faire punir quand on se fait emmerder plutôt que de refuser de se battre comme le demandent les adultes. (les pions sont vraiment des cons, j'ai mis des mois à le comprendre mais il vaut mieux se taper deux mercredi aprem de colle et avoir la paix jusqu'à la fin de l'année que de refuser de se battre dans la cours et être la tête de turc de toutes les racailles)
Mais de ce que j’entends, le niveau de violence dans les établissements publics a encore décuplé. J'ai un voisin gendarme, le chef d'établissement de leur fils (collège public) leur a fait comprendre que pour sa sécurité, il valait mieux qu'il ne continue pas son parcours scolaire au collège public. Idem avec un vieux copain qui a donné un nom à consonance vaguement juive à son fils, alors qu'il ne l'est pas il trouvait juste le prénom chouette: ça lui vaut des insultes antisémites. Il doit lui racheter régulièrement ses affaires scolaire qu'il se fait voler, et la réponse de l'établissement c'est "c'est normal, ici on se prête les affaires". Sans les rendre donc. Et c'est pas juste isolé, il s'agit de deux établissements différents.
Le deuxième aspect qui me gêne, c'est suite à une discussion avec le directeur de mon ancienne école primaire. J'ai retrouvé chez moi toute la bibliothèque scolaire de ma grand mère (apparemment quand les instits prennent leur retraite, ils embarquent la bibliothèque de classe avec eux... ? C'est un peu con) et j'ai proposé à l'école de leur rendre. Alors oui c'est des vieilleries (Jules Vernes, Club des 5, Comptesse de Segur...) mais c'était déjà des vieilleries quand j'étais élève et on était quand même content de les lire. Bon, il en voulait pas, trop vieux. Mais dans la conversation il me glisse "c'est dommage, au moins ces livres là sont écris en français". Apparemment maintenant les livres qu'ils proposent aux gamins sont plein de mots anglais pour faire moderne. Drôle de mentalité. Pour moi l'école c'est aussi un lieu où l'on lutte pour conserver une culture française, le dernier endroit un peu préservé de l'invasion de la culture anglo-saxonne, du consumérisme, du marketing "djeunz". Nous on se faisait engueuler quand on utilisait un mot anglais dont il existait une traduction.
Et le troisième c'est la démobilisation et le découragement des profs, qui n'osent plus engueuler ou punir, qui ne sont plus si impliqués, qui se font emmerder par les parents d'élève qui "consomment" de l'école comme un produit et engueulent les profs à la moindre mauvaise note. Ma grand mère me racontait comment elle allait "prendre le café" chez les parents quand ça n'allait pas avec un élève, prendre le temps de discuter ensemble, trouver des solutions. Monsieur l'instituteur qui vient à la maison, et qui est reçu avec les égards dus, ça se fait encore dans le privé, j'ai jamais vu ça dans le public. J'en veux pas aux profs du public, ils ont le malheur de proposer un service "gratuit" aux familles, et dans la tête de beaucoup de cons, si c'est gratuit c'est que ça ne vaut rien. Il parait que maintenant, il y a des parents qui se permettent de tutoyer les profs... Je sais pas comment ils font pour ne pas péter les plombs, moi je laisse même pas mes supérieurs hiérarchiques me tutoyer au boulot.
De manière général d'ailleurs, rien que le fait de payer, même si c'est pas grand chose, ça change beaucoup la relation famille-élève-profs. Je sais pas si dans le privé on entend beaucoup de "C'est moi qui paye votre salaire donc vous êtes à mon service" quand le prof peut répondre "Et bah arrêtez de payer mon salaire et allez mettre votre gosse ailleurs".
Notre décision n'est pas encore prise, on a encore presque un an devant nous, et vraiment je suis attaché au principe de l'éducation publique. En plus la seule école privée du coin est catho, dans ma famille on est plutôt soit très communiste soit orthodoxe, et pour ma femme le bain culturel est plutôt taoïste et confucianiste.
Vous qui êtes dans l'éducation nationale, vous mettez vos enfants ou ? Et pourquoi ?