André Gide, visionnaire s'il en est, écrivait déjà en 1935, dans son fameux livre « Les nouvelles pourritures », sorte de who's who du gouvernement actuel, cette phrase définitive sur la loi Hadopi : "il est bien peu de monstres qui méritent la peur que nous en avons".
Car oui, aujourd'hui, Hadopi est un monstre créé de toutes pièces pour nous faire peur. Mais laissez-moi vous rafraîchir la mémoire.
Précédemment dans Le Pirate des Carabides
Après que le Predatine Albanos ait failli mourir sous l'assaut musclé des Space rangers constitutionnels, au cours d'une bataille homérique qui défraya la chronique, nique, nique, rage, sa mère diabolique, Antechristine, se désolait de voir son enfant maudit réduit à l'impuissance, en l'absence de décrets d'application de la loi, nécessaire à sa mise en oeuvre.
C'est que, notre monstre, certain de sa puissance, batifolait sottement, prenant un décret par ci, un décret par là, méprisant ce faisant les obligations légales qui fragilisaient un peu plus sa situation. C'est bien simple, me disait encore récemment une femme fontaine de ma connaissance, Hadopi a l'air tellement con que ça me fait mal pour lui. On se croirait dans un remake juridique du Mièvre et de la torture.
Voilà pourtant, qu'un autre décret vient d'être pris et que le monstre claironne qu'à partir de septembre, il se jettera tel un ogre affamé sur les adresses ip contrefaisantes, prêts à en boulotter potentiellement 125.000 par jour. Oui ! Vous avez bien lu, 125.000 par jour.
Vous avez peur ? C'est là que la citation de Gide prend toute sa valeur parce que je vous propose de faire le point des décrets à ce jour.
Alors, on a :
- Un Décret du 23 décembre 2009 portant nomination des membres du collège et de la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Ce texte porte bien son nom : il dresse la liste des personnes qui vont travailler au sein de l'HADOPI.
- Un Décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé des données à caractère personnel autorisé par l'article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet».
Ce texte, fondamental, a pour but de permettre à HADOPI de croiser les IP, fournies par les agents, avec les données d'identification de l’abonné, détenues par les FAI. Il s'occupe aussi du traitement des données à caractère personnel.
C'est ce texte qui a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat, que je décrivais dans la news sur le lièvre et la tortue cité ci-dessus.
A ce jour, le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé.
- Un Décret n° 2010-695 du 25 juin 2010 instituant une contravention de négligence caractérisée protégeant la propriété littéraire et artistique sur internet: Celui-ci, était le gros méchant décret des familles qui crée un article R. 335-5. du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que:
«Constitue une négligence caractérisée, punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime, pour la personne titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne, lorsque se trouvent réunies les conditions prévues au II :
« 1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet accès ;
« 2° Soit d'avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen.
« II. ― Les dispositions du I ne sont applicables que lorsque se trouvent réunies les deux conditions suivantes :
« 1° En application de l'article L. 331-25 et dans les formes prévues par cet article, le titulaire de l'accès s'est vu recommander par la commission de protection des droits de mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès permettant de prévenir le renouvellement d'une utilisation de celui-ci à des fins de reproduction, de représentation ou de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise ;
« 2° Dans l'année suivant la présentation de cette recommandation, cet accès est à nouveau utilisé aux fins mentionnées au 1° du présent II.
« III. ― Les personnes coupables de la contravention définie au I peuvent, en outre, être condamnées à la peine complémentaire de suspension de l'accès à un service de communication au public en ligne pour une durée maximale d'un mois, conformément aux dispositions de l'article L. 335-7-1. »
- Et enfin, le Décret n° 2010-872 du 26 juillet 2010, relatif à la procédure devant la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet qui crée une Sous-section 2 dans le Code de la propriété intellectuelle dénommée « Mission de protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin » avec des articles R. 331-35 à R. 331-46.
En gros, il s'agit de prévoir comment concrètement va fonctionner l’HADOPI, tant dans ses relations avec les ayants droit qu'avec les FAI.
C'est aussi un décret fondamental.
On a donc nos quatre décrets et l'Hadopi est prête à fonctionner. Mais bon, dans l'ensemble, cet arsenal juridique paraît déjà obsolète. De plus, il est complexe, lourd (il aura fallu quand même deux lois et quatre décrets), et a mis tellement de temps à s'élaborer que l'ensemble des pirates ont déjà migré vers des mers moins surveillées que celles du P2P.
Alors ? Alors "Il est bien peu de monstres qui méritent la peur que nous en avons".
Voir la news (1 image, 0 vidéo )