Je voudrais crier mon amour aux cons. Non, c'est vrai, un con, c'est émouvant. D'abord, le con croit tout ce qu'on lui dit, ce qui explique qu'il ne peut s’empêcher de voter entre la poire et le fromage après avoir regardé TF1, rabâchant à l'envi que c'est un devoir de voter, parce que nos ancêtres sont morts pour qu'on en ait le droit, ah Le con. Et pis il pense sincèrement qu'une société meilleure émergera du processus démocratique alors que, bon, qu'est-ce qui peut bien sortir d'une urne à part des cendres, les cendres de nos espoirs déçus, poil au cul ? Je vous le demande.
Un con ça croit aussi en Dieu, d'où l'expression populaire "mon Dieu qu'il est con" et en la justice d'où l'autre expression populaire "aujourd'hui, les tribunaux sont saisis pour un oui ou pour un con".
Jusqu'alors, les cons étaient éparpillés dans le monde en une diaspora douloureuse née de la quête, ô combien noble, de retrouver leur roi. Mais la tâche était ingrate car les prétendants au poste de roi des cons étaient nombreux. Heureusement, l'idée germa de donner aux cons un pays ; mieux, une autre vie, une seconde vie pour rattraper la première. Ainsi naquit le MMORPG Second Life et ce fut jour de fête pour les cons du monde entier qui, enfin, pouvaient se retrouver exclusivement entre eux.
Mais voilà, la société LINDEN, qui édite le jeu Second Life, se dit que ça serait quand même ballot de ne pas profiter de la situation. Alors il fut proposé aux joueurs d'acquérir des propriétés immobilières, qui leur appartiendraient vraiment, à eux et pas à la société LINDEN, et que ces cons pourraient revendre leurs biens à d'autres cons. C'est vrai que l'opération était osée. Dans tous les autres MMORPG, le joueur n'a aucun droit sur ses possessions. Il est d'ailleurs en général interdit de les revendre contre du vrai argent à d'autres joueurs. Mais LINDEN, qui cherchait à attirer l'attention sur son jeu, prit le contre-pied de cette politique et conféra donc un droit de propriété exclusif à ses joueurs. Disons qu'il s'agit plus de propriété intellectuelle que de droit réel mais, passons. L'idée fit son chemin et l'on vit des cons se pavaner avec des îles, des maisons, des parcs, clamant à qui voulait l’entendre qu’ils en étaient bien propriétaires. LINDEN, bien sûr, n’agissait pas par gentillesse, alors la société décida de taxer les propriétaires, introduisant ainsi une forme d'impôt dont les cons s'acquittèrent le sourire aux lèvres (en réalité, les joueurs désirant acheter un bien immobilier dans Second Life devaient payer un abonnement premium mensuel, dont le quantum est calculé en fonction des m2 possédés, genre 5 $ par mois pour 500 m2.).
Pendant quelque temps, les cons furent heureux d'être propriétaires de terrains et buildings numériques, dans lesquels ils pouvaient folâtrer sous la forme de pénis géants. Puis LINDEN, cette gigantesque agence immobilière, décida de cesser la vente de biens immobiliers virtuels pour s'engager dans l'open source. Ce changement a eu un impact considérable :
D'une, désormais n'importe qui dans Second Life peut posséder un territoire, sans verser de droit, ce qui a pour conséquence de dévaluer à zéro les biens immobiliers déjà existants et pourtant payés un bon paquet de pognon par les joueurs qui, depuis des années, s'acquittaient de leurs "taxes" de propriétaires, dans la perspective de revendre un de ces jours leurs propriétés, pour un autre bon paquet de pognon.
De deux, il a fallu réorganiser Second Life pour passer à de l'open source. Pour ce faire, LINDEN a littéralement exproprié des joueurs de leurs possessions ; elle a nationalisé, sans aucune contrepartie financière, les territoires pourtant détenus par des joueurs. En bref, elle les a pris pour des cons.
Mais voilà, un con, ça peut aussi s'énerver. Et c’est ainsi que cinq cons de nationalité américaine - non, ne riez pas, on en a chez nous aussi, croyez-moi, j'en connais ; il y en a même parmi vous, si, si, je vous le dis – ont saisi un Tribunal de Pennsylvanie pour faire juger que, et je cite des passages de la plainte, LINDEN avait instauré en réalité une dictature qui a attiré les joueurs, sous la fausse promesse de leur octroyer un droit de propriété, leur a fait créer des infrastructures immobilières puis a décidé de nationaliser brutalement ces actifs en virant les soi-disant propriétaires. Ils réclament 5 millions de dollars à titre de dommages et intérêts.
Alors, moi, je salue l'initiative. C'est vrai que, d'un point de vue juridique, la question se pose : si contractuellement vous vous engagez à conférer définitivement la propriété d'un bien, fût-il constitué de lignes de code, à quelqu'un qui vous paye en échange pour cette possession, puis que vous le lui retirez brutalement, vous commettez une violation de votre engagement contractuel. D'un autre côté, peut-on dire que le joueur est vraiment propriétaire d'un bien numérique comme il pourrait l'être d'un "vrai" bien, sous prétexte que c’est ce que l'éditeur du jeu a pu claironner ? Non mais c'est vrai, après tout, si un con a pu croire un jour à ce genre de bêtise, faut-il le plaindre ?
On attend donc avec impatience de savoir si le juge va indemniser les cinq cons ou s'il va même carrément ordonner que l'armée américaine attaque cette ignoble dictature à faire pâlir un Taliban de jalousie. Je prédis d'ailleurs que nous verrons prochainement un mod d'America's Army: Assault on Second Life. Permettez-moi d'apporter ma contribution, après tout, je ne suis pas moins con qu'un autre.
Je propose d'en faire un stand alone intitulé "le con de la rivière Kwaï".
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