Avant, on pouvait se targuer d'être français. Etre français, cela évoquait le pays des lumières, le bon vin, les jolies filles, l'art et la philosophie. Aujourd'hui, les autres peuples se moquent de nous. Laissez-moi vous narrer une de mes récentes mésaventures à ce sujet.
Un canadien de ma connaissance me dit, au cours d'une soirée, qu'un vieux proverbe de son pays veut que "quand le caribou parle, le sage écoute". Lui faisant part de mon incrédulité à l'idée qu'un vulgaire Rangifer tarandus puisse s'exprimer à haute et intelligible voix, le susnommé canadien tenta une moquerie: "tabernacle", qu'il me dit, "mais bien sûr qu'ils peuvent parler ! Certains vont même en France pour suivre des études !".
Devant ma mine sévère de français élitiste qui juge avec mépris la folie des autres peuples, il persévéra: "mais si, vous avez une université des rennes en France! Enfin, je sais de quoi je parle, l'université a même rendu récemment un rapport sur le piratage et votre loi Hadopi ! Franchement, vous les Français, vous n'avez pas l'air malin ! Nos rennes sont arrivés à démontrer que vos lois idiotes n'ont aucun effet !".
Me drapant dans une mauvaise foi de bon aloi, j'ai fait remarquer à ce candide francophone qu'il parlait de l'université de Rennes en Bretagne, et non pas d'une université des rennes. Et là, sans se démonter, il a ajouté "ah ! oui ? En attendant, que ce soit du point de vue des caribous ou des humains, vos lois sont idiotes".
Non vraiment, aujourd'hui, c'est difficile d'être français.
Et en effet, les chercheurs de l'université de Rennes viennent de démontrer que 15% seulement d’utilisateurs du peer to peer ont renoncé à cette pratique suite au vote d’Hadopi. Mais, ils se sont déplacés vers le streaming et les sites d’hébergement de fichiers, les Megaupload et autres Rapidshare. Du coup, le piratage n'a pas baissé, mais alors pas du tout du tout.
Mais il y a mieux!
Les mêmes chercheurs estiment avoir prouvé que de nombreux adeptes du téléchargement illégal sont de gros acheteurs de contenus numériques. Dans ce cas, couper la connexion internet de ces pirates reviendrait à la priver de la possibilité d'acheter en ligne ce qui pourrait réduire la taille du marché des contenus culturels numériques de 27%. "Une extension de la loi Hadopi à toutes les formes de piratage numérique exclurait du marché potentiellement la moitié des acheteurs de contenus culturels numériques", soulignent même les caribous, euh, Les rennes, enfin, les Bretons quoi.
Alors, il faut quand même prendre en considération deux éléments importants : les décrets d'application de la loi HADOPI se font attendre et, pour l'instant, aucun mail d'avertissement n'a encore été envoyé. Difficile donc de prendre réellement en compte la dimension dissuasive de la loi. Ensuite, il faut savoir que cette étude a été conduite auprès de 2000 individus représentatifs de la population de la Région Bretagne. Or, qui dit Bretons, dit Tipiak, et qui dit Tipiak, dit pirates. De là, à considérer que les Bretons sont tous des pirates en puissance qui résisteront Anvers et contre tout, comme le disent nos amis belges, il n'y a qu'un pas. Ceci étant dit, le rapport de cette université met en lumière ce que tout le monde crie aux oreilles des députés depuis le début de l'aventure Hadopi, à savoir que non seulement le piratage va évoluer mais certainement pas baisser, mais encore que le pirate est aussi quelqu'un qui achète.
Les caribous n'ont pas fini de se moquer de nous.
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