Nom de Nom de Nom de Nom, mais pourquoi on n'y arrive pas ?
Pour un peu, "Mafiosa", la série de Canal+, serait le symbole de ma frustration concernant le degré de qualité de la fiction télévisée française.
Prenez un formidable sujet de série policière : un clan mafieux en Corse, univers parfait mêlant grand banditisme, affairisme politique, microcosme culturel et social particulier, voire pittoresque.
Ajoutez côté scénario un concept prometteur : les problèmes de succession au sein du Clan lorsque non seulement l'héritier désigné n'est pas préparé à la fonction (clin d'œil au "Parrain"), mais qu'en plus c'est une femme dans un milieu très macho (le grand banditisme d'une manière général, pas seulement le corse).
Faites porter le tout par un diffuseur décidé à investir dans la qualité : c'est Canal+ qui paye et le budget de la première saison atteignait la somme impressionnante de 10 millions d'euros, soit 1,25 million l'épisode de 52 minutes (à comparer aux 75.000 euros d'une série AB des années 90 ou au 800.000 euros d'une série prime-time française comme "Clara Sheller").
Et au final, obtenez contre toute attente un formidable gâchis.
Ah, certes, il y a du fric à l'image, des paysages magnifiques et quelques scènes musclées qui fonctionnent, mais tout le reste part en quenouille. La liste des défauts, des fautes de goût, des occasions manquées et des scènes ratées serait trop longue, mais on ressort de la première saison avec l'impression que c'est bien le scénario et les dialogues qui sont en cause dans le ratage (le romancier/scénariste Hugues Pagan y est tout seul aux manettes), plus que le talent de l'unique réalisateur ou des acteurs. Quoique : bien que mal servie par un personnage dont on peine à suivre la logique, la responsabilité d'Hélène Fillières dans le manque de crédibilité du personnage principal me semble évidente.
Mais tout cela allait changer dans la saison 2, pouvait-on espérer. Pensez-donc : voilà qu'étaient débarqués et le scénariste fautif, et le réalisateur, afin qu'entrent en scène pour piloter le tout Monsieur Eric Rochant ! (aidé au scénario par Pierre Leccia).
Moi, Rochant, je suis fan : je suis de la génération de "Un monde sans pitié" (avec Hyppolite Girardot sans rides), j'ai adoré "Les Patriotes" (la révélation d'Yvan Attal et des fesses de Sandrine Kiberlain) et j'avoue même une faiblesse coupable pour "Total Western". Mais malgré mes espoirs, la saison 2 de "Mafiosa" ne parvient pas à convaincre pour autant.
Il y a du mieux. La réalisation, classique et soignée, a clairement gagné au change : Eric Rochant apporte un style à la fois simple, en évacuant les mouvements de caméra tape-à-l'œil, et tragique en jouant sur les contrastes. Le casting évolue de façon intéressante (un peu de métier avec les arrivées de Jean-Pierre Kalfon et Jean-François Stévenin, et une bonne surprise pour la prestation de Joey Starr). On sent également dans le jeu de la plupart des comédiens que le travail de direction d'acteur est plus efficace, sauf que la malheureuse Hélène Fillières n'arrive toujours pas à se fâcher de façon crédible, ce qui est gênant pour une chef de clan.
Côté scénario, le bilan est hélas beaucoup plus mitigé : d'une part, l'ajout de petites scènes de la vie quotidienne des voyous apporte beaucoup dans la création d'une ambiance (notamment les duos entre les hommes de main fidèles incarnés par les corses Eric Fraticelli et Frederic Graziani); de l'autre, le manque d'unité dans l'intrigue et les retournements trop brusques des personnages font rapidement perdre tout réalisme à l'histoire. Sans compter que je ne vois pas du tout pourquoi cette histoire de Corses est soudain balancée à Marseille.
Alors je veux bien qu'il s'agisse d'une saison de transition et qu'il fallait se débrouiller des débris laissés par les épisodes précédents, mais il faudra quand même un jour que les scénaristes et producteurs français cessent de vouloir caser autant de choses dans une saison de huit épisodes que dans les 16 ou 24 épisodes d'une saison américaine…
Mais Nom de Nom de Nom de Nom, pourquoi on n'y arrive pas ?
P.S. : Pas grand-chose à dire sur l'édition DVD elle-même : l'image au format 1.77 est sans fausse note avec des contrastes marqués et un étalonnage réussi; le son n'offre que du Dolby Digital Stéréo; et les bonus se contentent de featurettes-interviews sans grand intérêt.
"Mafiosa", une série télé en deux saisons de 8 épisodes, chacune dans un coffret de 3 DVD chez Studio Canal, environ 20 euros en cherchant bien.
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