Une fois n'est pas coutume, je vais vous parler de droit constitutionn... Non, attendez, ne partez pas, non, hé ho, revenez, vous allez voir, le droit constitutionnel c'est fun aussi. En tous les cas, ce fut une de mes grandes passions à la faculté, presque aussi importante que ma collection de figurines de magos AD&D ou mes 5 exemplaires "variant covers" du premier numéro des X-Men de Jim Lee, c'est dire.
C'est qu'une constitution, c'est quand même le texte fondamental qui pose les règles de fonctionnement des institutions et les bases de la vie en société, ce n'est pas rien. Une constitution organise les pouvoirs publics, définit leur rôle et leurs relations. Une constitution, c'est beau comme une maman (oui bon, je m'emballe).
Mais cela ne signifie pas non plus que la matière soit poussiéreuse et immobile dans le temps. Tenez, prenez la France par exemple, notre actuelle constitution (crée en 1958) pose les bases de la Vème République; mais elle a été modifiée 24 fois depuis, et s'est enrichie au fil des années de plein d'autres textes, formant ainsi un "bloc de constitutionnalité", qui englobe la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, la charte de l'environnement de 2004 ou encore les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Et puis, reconnaissez qu'une Constitution qui est passée de de Gaulle à Sarkozy, sans oublier Mitterand, ne peut que forcer le respect.
Une constitution, et j'en viens à mon propos, c'est donc ce qui définit la base de la société civile sur un territoire géographique donné, elle est le liant de ceux qui partagent la même nationalité.
Oui, mais...
Les Jeux vidéo viennent insidieusement saper ces beaux fondamentaux.
Tels des termites invisibles qui dévorent les poutres de notre santé mentale (et nous poussent, un bon matin, à sortir le fusil à lunettes que nous possédions légitiment pour s'entraîner IRL à améliorer son score à L4D, parce que, bon, les zombies qui courent, faut arriver à les aligner en sniper quand même), les Jeux vidéo détruisent également les bases de notre société civile.
C'est que, la notion de communauté virtuelle prend de l'ampleur, chaque jour un peu plus. Tenez, prenez votre cas (non, lâchez ça, c'était une image espèce de dégoûtant), vous sentez-vous autant citoyen français que citoyen de Theramore ? Et Casque, vous ne pensez pas qu'il chérit secrètement sa citoyenneté du secteur Argon ? Et moi, vous croyez que j'ai l'air fin avec Klingsor Zorn, mon perso Elfe noir citoyen de Tamriel ?
D'une manière générale, il est maintenant devenu banal d'appartenir à une communauté qui transcende les nationalités.
Jusque-là, me direz-vous, c'est un aspect de notre hobby bien innocent.
Oui, mais...
Certaines communautés virtuelles s'organisent et ont commis le crime ultime de rédiger leur constitution. Vous pouvez être des citoyens de ces communautés, agir au parlement, faire voter des lois. La boucle est bouclée. Les univers numériques rejoignent la réalité pour mieux la transcender.
Si vous voulez vous faire une idée, vous pouvez jeter un oeil à la République francophone virtuelle de Nautia. Je n'aurais pas tout à fait rédigé comme cela sa constitution de 8 articles, à laquelle s'ajoutent le règlement du Parlement et la coutume, autre grand concept juridique pillé par les univers numériques ludiques, mais l'ensemble est assez abouti.
Et maintenant que la boîte de Pandore est ouverte, d'autres aberrations en sortent. Par exemple, si vous êtes citoyen d'une communauté numérique qui dispose d'une constitution, quel est le statut de votre avatar ? C'est vous, mais ce n'est pas vous, n'est-ce pas ? Faudra-t-il créer un jour, après la notion juridique de personne physique et de personne morale, celle de personne numérique, qui aurait des droits numériques ,des possessions numériques, des amours numériques ? Mais alors, quid de la peine de mort lorsqu'on peut rappeler une sauvegarde du personnage ? Quid de l'interdiction de l'esclavage, lorsque l'esclave est un pnj géré par l'ordinateur ? Quid de la notion même d'identité, lorsqu'on peut avoir plusieurs avatars différents ? Et si on a plusieurs avatars différents, cela veut dire que....l'on peut oublier la monogamie et ranger la polygamie au rang des curiosités de l'histoire, pour dire hello à l'autogamie, car on pourrait effectivement se marier à soi-même ! Mais ce sont tous nos droits fondamentaux qui sont minés par ces pratiques !
Et pendant ce temps, nos élites s'interrogent sur l'effet de Wikipedia sur l'éducation de nos enfants...
C'est vraiment le début de la fin.
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