Acheter une place de cinoche, c'est un peu comme jouer au Tiercé, en plus cher. Avec l'affiche du film, vous connaissez certains des chevaux partants, mais allez savoir l'état du terrain ou ce qu'ils vont donner sur cette course en particulier…
Au début, avec Ridley Scott, on pouvait jouer quasiment 100% gagnant : "The Duellists", "Alien", "Blade Runner" … trois chefs- d'œuvre d'affilée. Mais à partir du milieu des années 80, la Ridley's cote a changé. De nos jours, c'est quasiment du deux contre un : du très bon ("Thelma et Louise", "Gladiator" ou "American Gangster" par exemple), mais aussi quelque fois du bien mauvais ("G.I. Jane", "Hannibal", "Une grande année"…), avec le cas particulier de "La chute du faucon noir", que je qualifierais personnellement de bon film qui pue.
Avec "Mensonges d'Etat" ("Body of lies" en VO), le gars Ridley s'aventure sur des terres déjà explorées par son frère cadet, le gars Tony, à savoir le territoire de l'espionnage à haute teneur en technologies : on se souvient du quasi-visionnaire "Ennemi d'Etat" (Will Smith et Gene Hackman) et du moins reluisant "Spy Game" (Brad Pitt et Robert Redford).
Sur la forme, on a affaire à un film d'action moderne super-efficace, dans le rythme et la lignée des Jason Bourne. Ce qui n'est finalement pas très étonnant quand on examine l'équipe de fidèles qui a entouré le réalisateur : le directeur de la photo, Alexander Witt, est un spécialiste des films d'action dont il dirige souvent la seconde équipe de réalisation ("Speed", "Twister", "The Bourne identity", "xXx", ou encore "Casino Royal" entre autres); le monteur, l'italien Pietro Scalia, a travaillé sur tous les derniers films punchy de Ridley Scott ("American Gangster", "Hannibal", "Gladiator", "La chute du faucon noir") et même obtenu l'Oscar pour ce dernier. Si en plus vous mettez au script un des scénaristes star du moment, William Monahan (c'est lui qui a écrit la version américaine des "Infiltrés" de Scorsese et obtenu l'Oscar du meilleur scénario adapté), vous avez peu de chances de vous planter. Et en effet, ça déménage pas mal, avec explosion et effets spéciaux pleins les poches, surtout dans la première partie du film, très prenante.
Sur le fond, le constat est plus mitigé. Leonardo DiCaprio, agent de terrain de la CIA engagé dans la lutte contre Al-Quaida, est donc en butte à l'arrogance et l'inconscience de son supérieur de la CIA, Russell Crowe, qui le met en danger et sabote le boulot par son manque de subtilité. Apparemment, le réalisateur et son acteur principal, Leonardo DiCaprio, considèrent que "Mensonges d'Etat" est un film "politique". Et c'est là que le bât blesse un peu.
Certes il s'agit du terrorisme islamique, du Moyen-Orient, des méthodes de la CIA et plus généralement de la façon dont les Etats-Unis agissent à travers le monde, en l'occurrence brutalement et sans tenir compte d'autrui. Pour autant, l'analyse ne se risque pas plus loin et on est à des années lumière d'un "Syriana" par exemple. C'est dommage, parce qu'il y avait de quoi faire un très bon film à la "Blood Diamond", où la forme du film d'action sert à exposer un problème politique (ou même géopolitique) de façon bien plus efficace que les prêchi-prêcha habituels.
On retiendra quand même un bon divertissement, où DiCaprio est à nouveau excellent dans le rôle du baroudeur avec une conscience, et où l'on découvrira la grande classe de Mark Strong dans le rôle du chef des services secrets Jordanien. Celui-là, on le reverra forcément.
"Mensonges d'Etat", un film de Ridley Scott, sur vos écrans depuis le 5 novembre.
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