Un éminent membre de ce site m'a demandé comment les autres pays, et plus spécifiquement les USA, géraient la lutte contre le piratage. Bon, le droit comparé, c'est une discipline difficile, car on a tendance à évaluer un système juridique étranger avec des repères de notre droit, ce qui ne donne jamais rien de bon. Mais, puisque le journalisme total enfonce les barrières, je n'ai fait ni une, ni deux, ni trocris ni quatre d'ailleurs, j'ai pris un chewing-gum, chaussé des santiags, placé un joli chapeau de cowboy sur mon large front et crié "yeah, dude" et autres "com'on, u must be kidding me".
Les résultats de cette enquête internationale fulgurante sont les suivants:
1 - J'ai l'air complètement idiot déguisé en américain moyen.
2 - L'américain moyen a autant à craindre que le français d'élite.
En effet, le Président Bush a voté en octobre 2008 une loi dénommée PRO IP et, selon des commentateurs américains, il n'a pas fait dans la dentelle (en même temps, Bush en dentelles...urgh).
Notons tout d'abord que PRO IP ne doit pas se traduire par "Vive l'IP" ni par "Pour l'IP". Quand je vous disais qu'il faut se méfier de nos mauvais réflexes! En fait, PRO IP est un acronyme qui signifie Prioritizing Resources and Organization for Intellectual Property. Et que nous dit cette loi ? Et bien, devinez ? Qu'une organisation gouvernementale va être créée pour poursuivre les pirates, le Office of the United States Intellectual Property Enforcement Representative (USIPER). C'est le cousin américain de l'HADOPI, sauf qu'il peut lancer des poursuites internationales, donc les US pourront envoyer des policiers spécialisés dans n'importe quel pays pour aider les forces de l'ordre localesc à capturer les pirates.
Apparemment, il sera également possible de saisir tout le matos informatique d'une personne qui commet un téléchargement illégal et de le punir, mais bien lourdement.
Ainsi, il a été calculé par les détracteurs de cette loi que si quelqu'un télécharge les 12 titres de l'album Appetite for Destruction des Guns N' Roses il risque une pénalité de ...360 000 $. Et, en octobre 2008, un ricain a été condamné à 21 mois de prison pour avoir joué au camcorder (avoir filmé avec un caméscope un film dans une salle de cinéma pour le proposer sur un réseau P2P par la suite).
Comme vous le voyez, on est dans la même veine de la DADVSI. (Pour rappel, l'actuel article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit 300 000 euros d'amende et 3 ans de prison. Au taux de change, on se fait avoir.)
Et la riposte graduée, Hadopi-style, me direz-vous ? Eh bien, elle existe, mes bons amis, elle existe. Sauf que, lorsqu'un ayant-droit repère un téléchargement illégal de ses oeuvres, il l'indique au FAI concerné et c'est ce dernier qui envoie des lettres d'avertissement à son abonné. Les sanctions peuvent aller jusqu'à une coupure d'accès, comme chez nous.
Alors, au final, la lutte contre le piratage aux USA, plus méchante ou moins méchante qu'en France ? Si l'on s'en tient aux textes, le PRO IP act ressemble comme un frère à la DADVSI, et, concernant la riposte graduée, à quelques vaches près, c'est le même mécanisme que l'on peut trouver en gestation chez nous.
Alors, même maladie, même remède ? Et bien, je ne le pense pas. C'est là qu'il faut se risquer à l'exercice difficile de comparer les mentalités. Et je dirais donc qu'aux États-Unis, lorsqu'une loi prévoit une pénalité très lourde et des peines de prison, le juge, en général, n'hésite pas à l'appliquer, alors qu'en France, nous sommes les champions des lois lettres mortes. La Dadvsi est ainsi appliquée symboliquement, nos juges hésitant à condamner lourdement, voire à condamner tout court, un internaute contrefacteur.
Raison pour laquelle notre projet de loi HADOPI tente de s'exonérer du recours au juge pour prononcer des sanctions, telles que la coupure d'accès à internet. (Alors que, d'après ce que j'ai compris, aux États-Unis, tout repose sur les FAI. Ce sont eux qui doivent prévenir l'internaute et ce sont eux qui doivent décider de couper l'accès, pour respecter la loi. Ce n'est apparemment pas une coupure décidée par un organisme d'État, mais la décision d'une entreprise privée qui refuse de laisser quelqu'un utiliser son service pour frauder la loi. Un peu comme si vous louez votre garage privatif à quelqu'un qui s'en servirait, non pas pour garer sa voiture, mais pour fabriquer de la drogue. Vous seriez en droit de considérer que votre bail doit être rompu).
Note: vous êtes tombés, dans cette news, sur plusieurs "apparemment", "il semblerait que " et autre usage intensif de conditionnel. Il s'agit simplement d'honnêteté de ma part. N'ayant pas lu les textes de loi américain ni procédé à une analyse intensive de l'ensemble de leur système répressif en matière de téléchargement illégal, je ne peux être totalement certain de mon analyse et préfère donc vous prévenir.
Et puis, les disclaimer, c'est tellement américain, que c'est thématique avec la news.
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