Quand une avocate pénaliste se décide à écrire des romans noirs, et qu'elle commet l'affreux crime de dévoiler les dessous du métier d'avocat, j'applaudis des deux poings : non seulement mon expérience lors de la création de Canard PC m'a conduit à porter à cette profession autant de considération qu'à celle de banquier (j'espère que Grand Maître B, à qui je recommande cette lecture, me pardonnera une comparaison particulièrement douloureuse en ces temps de crise financière), mais en prime j'adore regarder sous les robes.
Hannelore Cayre nous emmène donc au pays des avocats pénalistes lambda, qui chassent les commissions d'office en attendant de trouver mieux, ou qui se répartissent en sous-spécialités ignorant le "politiquement correct" : ceux qui font dans le cul (tapin, proxo, sex shop, etc.) sont différents de ceux qui font dans le chinois (travail clandestin, hygiène, émigration, etc.), le deal, et ainsi de suite. Découpage du Droit en tâches élémentaires, travail à la chaîne, bref c'est le prolétariat des avocats, considérés comme des sous-merdes par leurs confrères plus huppés, ainsi que par eux-mêmes à l'occasion.
Le héros, maître Christophe Leibowitz, est de ce genre. Après avoir eu de sérieux ennuis dans les romans précédents, pour s'être tellement bien occupé de ses clients truands qu'il s'est retrouvé mêlé à une évasion (tiens, tiens, ça me rappelle un truc récent… cf. la news "Un baveux à deux balles"), il se spécialise dans le "renoi" (selon ses propres termes), ce qui constitue apparemment une niche à part entière : trafic de shit, rébellion, vol de scooter, car-jacking, etc. Le boulot, il n'en manque pas, et le voilà en prime qui hérite des parts détenues par une vieille tante dans une vénérable marque de Cognac.
J'ai trouvé la description des mœurs du palais de Justice et des relations de Leibowitz avec sa "clientèle" un peu particulière déjà franchement drôles, surtout si l'on goûte comme moi l'humour pince-sans-rire un rien réac. Mais à partir du moment où l'avocat se met à vouloir relancer son cognac (subtilement baptiser "Ground XO") en utilisant le gangsta-rap à la française, j'étais bidonné comme rarement depuis "L'ange et le réservoir de liquide à freins" ou "Midnight Examiner". C'est bien écrit, drôle, méchant, et ça fait parfois penser à du Desproges, tellement ça tape fort et juste. Une vraie réussite.
"Ground XO", un roman d'Hannelore Cayre, aux éditions Métailié, 8 euros environ.
P.S. : Je ne serais pas étonné que les scénaristes de la série "Engrenages" (saison 2) aient lu Hannelore Cayre, parce que le parcours de la jeune avocate rousse sans scrupules fait penser à beaucoup de choses décrites dans ses romans.
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