Par goût, j'ai toujours été attiré par les polars apportant beaucoup de soin au contexte. J'aime cette façon qu'ont certains auteurs de se documenter sérieusement sur un milieu social ou professionnel particulier, pour mieux en décrire les ressorts cachés à leurs lecteurs sous couvert d'intrigue policière. Et si, au passage, on peut se moquer un peu, c'est tant mieux. C'est le point commun qu'ont, par exemple, deux excellents romans, aussi différents que possible par ailleurs : le "Nécropolis" d'Herbert Lieberman et "L'ange et le réservoir de liquide à freins" d'Alix de Saint André. Dans l'un, on plonge aux cotés d'un médecin légiste de New York, tandis que l'autre nous emmène au milieu d'un pensionnat religieux de jeunes filles sur les bords de la Loire.
C'est un petit plaisir de ce genre que s'est offert Donald Westlake (rappelez-vous "Le Couperet"; non, pas le film plat, plutôt le roman teigneux et sardonique) en choisissant le milieu de l'édition comme terrain de jeu.
Bryce Proctorr est romancier; il a un contrat d'édition somptueux, mais n'est plus foutu d'écrire un livre tant que son divorce est en cours. Wayne Prentice est lui-aussi romancier; il a un bon manuscrit, mais aucun éditeur ne veut de lui. Evidemment, ces deux-là sont faits pour s'entendre, donnant-donnant et fifty-fifty. Sauf que les choses se compliquent si l'accord entre eux inclut la mort de la femme de Bryce…
Qu'importe après tout si la fin du roman est moins bien trouvée que le début, tant est contagieuse la jubilation tangible qu'éprouve l'auteur à nous raconter les affres des relations entre auteurs et éditeurs. En particulier lorsqu'il décrit le désespoir d'un romancier de qualité, condamné par ses historiques de ventes à multiplier les pseudonymes pour continuer d'être publié malgré des résultats très moyens.
Quand on sait que Westlake lui-même a écrit sous au moins trois noms différents…
"Le contrat", un roman de Donald Westlake, chez Rivages/noir, 8 euros environ.
P.S. : Je viens de me rendre compte que "Le contrat" a été adapté au cinéma en 2004 par un français, Thomas Vincent : "Je suis un assassin", avec François Cluzet et Bernard Giraudeau. Je ne sais pas ce que ça vaut, sinon que ça n'a pas l'air d'avoir déchaîné les foules.
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