Je vous propose un petit jeu qui ne demande pas grand chose : un jeu de trente deux cartes et huit participant (ou moins mais pus il y en a, mieux c'est). En fait on considère que la couleur noire/rouge des cartes pas les valeurs (Roi, 7, Dame...) ni les familles (Trèfle, Carreau...).
Distribuez quatre cartes à chacun, deux rouges et deux noires. Chaque joueur doit déposer deux cartes faces cachées dans le pot (et donc en garder deux).
On passe ensuite au marquage des points (ouais, c'est hyper rapide une partie ) : chaque joueur gagne un point par carte rouge présente dans le pot + quatre points par carte rouge gardée dans sa main.
Voilà, c'est tout ! On passe à la donne suivante en gardant trace des scores.
Perso je n'ai pu essayer qu'avec le chat mais ce connard griffu a menacé de pisser sur mon clavier si je ne lui donnait pas toutes les cartes Alors je vous laisse le soin d'essayer autour de vous et, surtout, de bien faire attention à l'évolution des scores...
Évitez de lire la suite de ce post si vous ne voulez pas être influencé lors de vos premières parties !
J'ai beau être supérieurement intelligent, c'est Bruno Ventelou qui, dans le livre Au delà de la rareté (Albin Michel, 2001), a eu l'idée de ce jeu. Pour être exact, je suis tombé là-dessus dans un bouquin de Bernard Maris (alias Oncle Bernard dans Charlie-Hebdo) : Antimanuel d'économie-Tome 1 les fourmis, éditions Brèal.
Mister Ventelou a essayé son jeu sur huit élèves d'école de commerce puis sur huit gars de banlieue d'une même équipe de basket. Résultat : l'école de commerce joue perso et les les basketteurs jouent collectif ; bien sur les basketteurs marquent plus de points (si tous les joueurs mettent leurs cartes rouges au pot, chacun marque 16X1=16 points alors que si ils les gardent comme des gros rapiats, ils ne marquent que 2X4=8 points chacun).
Sauf que...
Tôt ou tard un gars de l'équipe de basket commence à réfléchir (sans doute celui qui a pris le ballon dans la tronche le moins souvent ) et se dit "Si je garde mes deux cartes rouges et que les autres continuent à mettre les leur au pot, je vais marquer 2X4+14X1=22 points au lieu de 16 !!". Bien sur les autres ne manquent pas de piger l'astuce et adieu la jolie solidarité : tous finissent par se la jouer perso et finissent par se comporter comme les joueurs issus de l'école de commerce.
Les scores de tout le monde s'effondrent
Conclusion de Bernard Maris :Tout se passe comme si l'idée concurrentielle polluait petit à petit le jeu, jusqu'à ce qu'on se retrouve dans la même situation que celle des "gestionnaires", égoïstes, rationnels, calculateurs et peu gagnants.
C'est une idée clé de l'économie contemporaine : l'anticipation rationnelle, qui débouche sur un mauvais équilibre. J'anticipe que les autres vont être égoïstes. Et les autres pensent de même. On joue donc tous égoïstes et on perd tous.
PS : pourquoi est-ce que je lis des trucs comme ça au lieu du Manuel du X86 dans tous ces états Parce que cette histoire de crise dont on nous gave à chaque JT m'a laissé comme sentiment que l'économie était un truc complètement imbitable ! Or j'aime bien comprendre. Alors je me suis acheté L'économie pour les nuls pour piger les bases ainsi que les deux tomes d'Oncle Bernard dont les interventions télévisées et journalistiques m'ont parues dignes d'intérêt. Si vous avez d'autres idées de lecture sur le sujet, n'hésitez pas à les poster ici ! Merci d'avance