Donjon: Je crois l’avoir déjà dit, mais bon. Voilà, Lewis et moi avons écrit et crayonné deux albums. On souhaite les dessiner entièrement nous mêmes. Un livre sera dessiné par Lewis et l’autre par moi.
Ca n’est pas du tout la fin de Donjon mais ces deux livres offrent une forme de conclusion à tous les albums existants. On a eu envie d’un retour aux sources de Donjon, de revenir à un travail très égoïste, et ensuite de construire là-dessus. L’idée, c’est que Donjon s’est constitué comme une construction expérimentale, en opposition frontale à l’héroïc fantasy mainstream. Ce statut étrange nous est très précieux. Comme la fantasy a évolué depuis la naissance de Donjon, comme Donjon a inspiré beaucoup de monde (et c’est tant mieux), nous nous sommes retrouvés avec des albums de Donjon qui n’étaient plus très différents des autres bd de fantasy. Le style de dessins, les enjeux, même l’humour nous semblait beaucoup se retrouver ailleurs. On sait bien qu’on ne peut pas faire la révolution tous les jours, mais on a un baromètre assez fragile et sacré : notre excitation quand on bosse. Donc pour retrouver ça, on a décidé de reprendre nos jouets et de travailler juste tous les deux pendant un moment. Je m’explique: on n’est pas forcément capables de réinventer le genre tous les dix ans, mais on voudrait au moins revenir aux sources de notre petit plaisir, retrouver avec le plus de singularité possible nos petites voix. Donjon a connu une expansion fabuleuse, il a risqué le big bang, et actuellement il veut refaire sa punkitude. J’ai l’impression que j’explique mal et que ces précisions vont occasionner encore plus de mails de questions.
En gros, tout ce qu’on sait, c’est qu’on fait deux albums qui nous éclatent bien. On espère qu’ils plairont à nos lecteurs. Et après on verra bien. Mais aucun de nous n’a jamais dit que c’était fini Donjon. J’ai juste dit que lorsque je tiens un album de Donjon en mains j’ai pas envie qu’il ressemble à autre chose. Des bonshommes animaliers qui se battent comme conan le barbare, aujourd’hui, il y en a chez tous les éditeurs, mais nous persistons à penser que les nôtres ont une bêtise bien particulière et on voudrait cultiver ça, notre bêtise à nous. Et pour éviter une série de mails que je pressens, je n’ai jamais dit que l’héroic fantasy mainstream c’était mal. Les gens qui me fréquentent savent bien que je lis de tout, en permanence, et que je suis gourmand de tous types de récit pourvu qu’ils aient une voix bien à eux. J’adore la quête de l’oiseau du temps, Conan le Barbare, Den, le Chninkel, Lanfeust, et je vous signale que je lis aussi les Légendaires qui me semble être la série pour enfants la plus innovante depuis longtemps. Donc quand je dis que Donjon a une voix à lui, c’est pas prétentieux! C’est juste que lorsque je relis les albums de Bézian ou de Blanquet ou de Menu ou de Blutch ou de Killoffer je suis hyper-fier et je me dis que c’est dans cette encre-là que je voudrais tremper la plume en ce moment.