Résumé
La politique de fermeté envers la Chine adoptée par les administrations
Trump et Biden a – et aura de plus en plus – des conséquences importantes
pour les alliés de Washington sur le plan technologique, tant dans leurs
choix en matière d’infrastructures que dans leurs échanges commerciaux
avec la Chine. En effet, l’objectif américain de ralentissement du
développement technologique chinois se décline en multiples politiques,
visant en priorité la Chine mais aussi – directement ou indirectement – les
pays partenaires des États-Unis.
D’une part, Washington déploie une panoplie d’outils coercitifs et
incitatifs afin d’empêcher l’adoption par les alliés de certaines technologies,
fournies par des entreprises chinoises et jugées non fiables (sur le plan
cyber, des données ou de sécurité des infrastructures). Les cas d’étude des
efforts américains contre le déploiement de la 5G de Huawei ou des câbles
sous-marins d’Hengtong Group révèlent une stratégie semblable,
combinant pression diplomatique directe, campagne de « sensibilisation
aux menaces » et incitations financières.
D’autre part, dans la continuité de l’utilisation historique par les ÉtatsUnis de leur position de superpuissance économique et de
l’extraterritorialité de leur droit pour influer sur les décisions de leurs alliés,
Washington s’emploie à restreindre les transferts de technologies jugées
critiques des alliés vers la Chine. Principaux fabricants (avec les États-Unis)
de ces technologies, les alliés sont de plus en plus contraints par ces
restrictions juridiques et diplomatiques, qui s’appliquent à des échanges
avec un partenaire commercial majeur, et dont le périmètre tend à s’étendre
au-delà des technologies militaires ou de pointe. Par exemple, afin de
limiter les ventes d’équipements de fabrication des semi-conducteurs, les
autorités américaines conjugent modification de leur régime de contrôle des
exportations et efforts diplomatiques – en bilatéral et multilatéral – pour
persuader les alliés d’aligner leurs propres politiques en la matière sur
celles des États-Unis.
Si l’administration Biden accorde davantage d’importance aux
démarches coopératives et incitatives, il semble probable que la stratégie
multidimensionnelle américaine au service de ces deux objectifs se
poursuive, voire se renforce. Cette tendance a favorisé une prise de
conscience en Europe à la fois des défis sécuritaires posés par certaines
technologies proposées par des fournisseurs chinois, mais aussi des risques
associés aux pratiques coercitives croissantes des grandes puissances,
posant la question de la réponse des alliés à cette politique américaine.