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  1. #1
    (Il s'agit ici du système d'exploitation TRON, pas des films ni de la cryptomonnaie de mêmes noms.)

    Le dossier sur les complots dans le CPC Hardware n°48, en particulier le passage sur Olivetti, m’a donné envie de m’inscrire sur ce forum et de faire part de cette histoire…

    En résumé

    TRON est un système d'exploitation japonais créé en 1984 destiné à l'électronique embarquée.

    À la fin des années 1980, les Japonais en ont dérivé une version pour micro-ordinateurs, appelé BTRON, très efficace et adapté à leur langue. Voyant que cela risquait d'être un danger pour Windows, Microsoft est allé se plaindre auprès du gouvernement américain pour qu'ils fasse pression sur les constructeurs japonais, afin de les dissuader de distribuer BTRON.

    Ces constructeurs ont pris peur et BTRON a rapidement disparu de la circulation au profit de Windows.


    Version longue

    (Vous trouverez les sources des différents points que j'avance ici dans les liens à la fin du message. Malheureusement, presque tout est en japonais et il n'y a pas beaucoup d'information en anglais et encore moins en français. Vous pouvez utiliser Google Translate du japonais vers l'anglais. Le résultat est pénible à lire mais je n'ai pas trouvé mieux. Je ne prétend pas non plus écrire ici un article bien documenté : je voudrais juste intéresser d'autres personnes au sujet.)

    TRON est un système d’exploitation imaginé en 1984 par Ken Sakamura, professeur à l’université de Tokyo. À l’origine, il s’agit plutôt de spécifications dont ont été dérivées toute une famille de systèmes d’exploitations (un peu comme Unix est une famille de systèmes d’exploitations, avec ses implémentations Linux, BSD, Solaris, etc.)

    TRON signifie officiellement « The Real-Time Operating System Nucleus », mais il n’est pas impossible que le nom provienne en réalité du film « Tron » de Disney sorti en 1982 ! C’est un système léger, multitâche et adapté à l’électronique embarquée.

    Il est encore aujourd’hui très utilisé dans l’électronique japonaise :

    • Dans l’automobile. La première voiture à l’avoir utilisé comme système embarqué est le Toyota Land Cruiser Prado de 1999 ;
    • Dans les instruments de musique électronique (Yamaha Clavinova…) ;
    • Dans tout un tas de périphériques informatiques ;
    • Dans la Nintendo Switch (ou plutôt, dans la manette) ;
    • Dans des appareils photos ;
    • Dans la sonde spatiale Hayabusa.


    TRON est donc l’un des systèmes d’exploitation les plus utilisés au monde, à la fois dans la variété de ses applications et dans la quantité d'objets qui l'utilisent. Il se décline en quantité d’implémentations (dont les noms sont plus ou moins inspirés : BTRON, CTRON, B-right, T-Kernel...), et de versions, tournant sur différents processeurs.

    Plus intéressant : TRON a été également décliné en version pour ordinateurs personnels à la fin des années 80, sous le nom de BTRON : « Business TRON ». Ce système d’exploitation comportait une interface graphique qui se voulait particulièrement accessible aux personnes en situation de handicap et très adaptée aux langues asiatiques, avec le support de très nombreux caractères. (Une chose que les OS venant des États-Unis avait beaucoup de mal à faire correctement.)

    La société Matsushita-Panasonic était particulièrement impliquée dans ce projet avec une équipe de 200 personnes. À partir de 1987, des prototypes d’ordinateurs personnels fonctionnant sous BTRON ont été présentés. Ces ordinateurs étaient basés sur le 80286. Ci-dessous une photographie d’un prototype (si mon lien fonctionne, sinon c'est là).

    En 1987, le « Computer Education development Center » (CEC), organisme placé sous le ministère de l’éducation japonais, décida d’équiper massivement les écoles japonaises d’ordinateurs fonctionnant sous BTRON. Un consortium de 11 constructeurs d’électronique s’est formé pour répondre à l'appel. Panasonic a présenté son « PanaCAL ET », une version retravaillée du prototype (le clavier particulier avec sa tablette tactile n’a pas été conservé) avec un 80286 et 2 Mio de RAM. Malheureusement je n’ai pas trouvé de photographie de cet ordinateur.

    (Tous les constructeurs d’électroniques japonais ne soutenaient pas TRON. En particulier, NEC commercialisait à l’époque sa gamme de PC-98 sous MS-DOS.)

    Mais en 1989, le bureau du représentant américain (USTR) au commerce, dans un rapport intitulé "1989 National Trade Estimate Report on Foreign Trade Barriers" a émis une protestation auprès du gouvernement Japonais (du CEC en particulier). Ce rapport disait que subventionner un système d’exploitation particulier pour les écoles japonaises constituait une pratique anticoncurrentielle.

    L’USTR a menacé d’interdire l’accès au marché américain aux compagnies japonaises qui participaient au développement de BTRON.

    Devant cette menace, les compagnies engagées dans le développement d'ordinateurs sous BTRON se sont alors désistées.

    À l’USTR, les négociations ont été menées par un certain Tom Robertson. Ce monsieur a par la suite été embauché à une belle position chez Microsoft, comme directeur des affaires juridiques pour l’Asie.

    Il est tout-à fait possible (mais difficile à prouver) que BTRON était vu comme une menace pour Windows chez Microsoft et que ce dernier soit donc allé demander l'aide du gouvernement américain pour faire écraser un concurrent dangereux.

    Peut-être que sans cela, BTRON aurait réussi à percer ? Peut-être que les constructeurs d’électronique japonais l’auraient ensuite massivement exporté ? Peut-être serions-nous tous aujourd’hui en train d’utiliser des machines sous BTRON au lieu de PC sous Windows, Linux ou Mac ?

    Par la suite, BTRON a continué de vivoter. Il a été utilisé dans un PDA, le Seiko Brainpad TIPO. Construit autour d’un CPU NEC V810 et de 6 Mio de RAM, cette machine a été l’une des premières à permettre la reconnaissance manuscrite de l’écriture japonaise.

    Une version de BTRON pour PC est toujours commercialisée aujourd’hui par la société « Personal Media Corporation » sous le nom de « Super Kanji ! » (« Chôkanji »). Elle est destinée à être utilisée à l’intérieur d’une machine virtuelle VMWare sous Windows. L’intérêt est que Chôkanji prend en compte beaucoup plus de caractères sino-japonais (« kanjis ») que Windows. En effet, certains textes dans les langues asiatiques sont très difficiles à rentrer en utilisant uniquement Windows, même dans ses versions récentes (et à fortiori en 1989). Les utilisateurs qui ne sont pas satisfait de ce qu'offre Windows en la matière rentrent leur texte dans Chôkanji et effectuent un copier-coller vers Windows.


    Quelques liens supplémentaires :



    Dernière modification par Leucippe ; 02/08/2021 à 12h41. Motif: Movies

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