Véronique Riches-Flores : C’est le révélateur d’une menace qui est sous-jacente depuis plusieurs années, et ce même si de nombreux financiers ont sonné l’alarme au milieu de la décennie précédente. Les entreprises chinoises se sont considérablement endettées, souvent en devises étrangères et notamment en dollars en réponse à la politique du gouvernement chinois, visant à aboutir à un rééquilibrage de la croissance du pays, jusque-là jugée trop dépendante des exportations. Après 2008 et la crise des subprimes, le mot d’ordre a été d’accroître la demande intérieure à grand renfort de crédit. Ainsi, il y a eu un développement très fort du point de vue des infrastructures, comme du marché de l’automobile.
Cette méthode a d’abord été ponctuée de succès. Mais le gouvernement et la Banque centrale ont tellement lâché les vannes que l’endettement des entreprises est devenu gigantesque. Celui-ci dépasse aujourd’hui 160 % du PIB, un record mondial. En parallèle, Pékin a attiré de plus en plus d'investisseurs étrangers, notamment dans l’après-2008, lorsque la FED, la Banque centrale des États-Unis, a injecté énormément de liquidités dans l’économie américaine. Cela a aussi poussé les investisseurs du monde entier à chercher du rendement élevé dans les pays en développement.
Pékin, en bénéficiant d’une croissance solide, a attiré de nombreux capitaux étrangers, notamment dans l'immobilier. L’idée était d’arriver à une conquête internationale via une croissance rapide. Cette croissance s'est largement faite à crédit, ce qui a créé des mastodontes comme Evergrande. Toutefois, la crise du Covid-19 a été comme une onde de choc. Ces grands groupes ont eu du mal à supporter l’interruption de leur activité. Aujourd’hui, la reprise n’est pas assez forte, et la croissance est à bout de souffle. Depuis 3-4 ans, les nombreux plans de relance mis sur la table par le gouvernement ne portent pas leurs effets.
En outre, ces dernières années, les actifs boursiers chinois ont été intégrés aux grands indices mondiaux, ce qui de facto a créé une demande importante pour ces actions et obligations. Cela a eu pour effet d’exposer le reste du monde à ce marché et ainsi d'accroître l'offre de financement des entreprises chinoises et, par là même, le risque qui y est assorti. Aujourd’hui, la dette des entreprises fait partie des investissements qui rapportent le plus. L’appétit des investisseurs est sans limite et ils placent leurs fonds sur ces dettes d'entreprises qui sont mieux rémunérées car plus risquées. Lorsque les Banques centrales peuvent voler à la rescousse des entreprises en danger, on ne risque pas la catastrophe. En revanche dans le scénario inverse, il y a du souci à se faire. En 2008, la FED a décidé de laisser couler une banque, en l’occurrence Lehman Brothers, pour envoyer un signal fort aux autres. Nous connaissons la suite.