Enfance campagnarde et paisible jusqu’au jour où mon frère part avec l’armée en OPEX, mon meilleur ami déménage et mon chat meurt : déprime.
S’ensuit une période de jeux-vidéo intense assez bien vécue par ma hippie de mère (en vrai pas tant que ça je pense mais Françoise Dolto lui a dit de laisser l’enfant s’épanouir dans ce qu’il voulait, alors elle l’a fait).
Puis sans aucune préparation on te demande un jour ce que tu veux faire après le collège. J’étais dans la salle de biologie à ce moment-là, j’ai dit : biologie.
Section Science et Technique de Laboratoire, assez maligne pour poser une question pertinente de temps en temps sans foutre grand-chose et fumer des pétards derrière le gymnase, je laisse les profs décider de m’envoyer en prépa, croyant au génie.
Le génie ne s’est pas révélé mais un jour, alors que je jouais avec ma nouvelle Game-Boy Advance en cours de physique, le prof me pose une question. Je lève la tête, vois 2 tableaux plus grands que 2 tables de ping-pong remplis de trucs imbitables, commence à paniquer.
Là, chose rare, mon voisin me souffle la réponse (j’appris plus tard que son frère était amoureux de moi et qu’il voulait marquer des points pour lui). Je donne celle-ci d’un air blasé.
Ce prof a lui aussi cru au génie et m’a soutenue toute l’année alors que je séchais ses cours pour aller traîner dans Strasbourg en roller ou me remettre des soirées à la Laiterie (cette salle de concert et le restau U basé sur les flammekuech me feront garder un très beau souvenir de cette ville).
Pour autant, l’année fût un échec complet. Tous ces cours manqués furent difficiles à rattraper à cause de l’attitude de merde de mes camarades de classe. On passe un concours, tu comprends.
Je fini en IUT bio option diététique, par tant par choix que parce qu’il était à Montpellier et que j’en avais marre du brouillard alsacien (j’ai regretté au premier été).
Bien consciente que la diététique se limitait trop souvent à
-Travailler dans un hôpital à faire avaler des trucs dégueu à des gens qui n’ont pas faim après la chimio
-Travailler en cabinet à expliquer que « oui, 3 fois le Mc Do par semaine c’est peut-être un peu trop. Il n’a que 5 ans. Quand même. Madame. »
Je décide de poursuivre, à Bordeaux cette fois, en licence pro d’Education pour la Santé et Promotion de la Santé. J’y découvre les sciences molles et bien que j’y sois assez médiocre, je m’enrichis au contact de gens venant d’horizons très variés (Animation, soin, anthropologie, etc.).
3 mois à Namur dans une fédération d’asso environnementales et le décès de mon père plus tard, me voilà plus riche que je ne l’ai jamais été et surtout : libre.
Je pars en Afrique -rectification : je me laisse entraîner en Afrique- pour un road-trip avec une amie, retour d’association intergénérationnelle et interculturelle. 4 mois de voyage au Maroc, Mauritanie, Sénégal et Mali. Dépression au retour (j’ai fait une crise d’angoisse dans un hypermégamarché quand en passant devant un écran il s’est allumé et m’a demandé si je voulais avoir les lèvres pulpeuse).
Qu’est-ce que j’ai fait la dernière fois que j’ai touché le fond ?
Ah oui. J’ai joué à des jeux vidéo. Sauf que désormais, les MMORPG existent. WoW, en l’occurrence. 8 à 12h par jour. Mes proches commencent à flipper : je quitte mes proches. Je n’allais pas laisser la guilde prendre l’eau, j’étais GM après tout.
Quoiqu’on en dise, j’ai bien fait. J’y ai rencontré l’homme avec qui je partage encore ma vie et que j’aime fort et un ami avec qui on fait régulièrement des week-ends vidéo-ludiques très intenses (à base de heavy rain, overcooked ou encore Sing-Star, ne jugez-pas).
Sauf que les ressources s’épuisent vite. On décide de quitter le beau nid d’amour et de tranquillité qu’on s’était fait à St Brieuc (adieu galettes-saucisses à 8h du mat’ au marché et fruits de mer frais pêchés) pour s’installer à Lyon. C’est central, c’est grand, on trouvera bien quelque chose à faire de nos vies.
Je tente un projet de consultations diététiques gratuites pour les jeunes en situation de précarité. On me répond que ce n’est pas le public cible du moment et que faire des consultations gratos ça dévalorise le métier.
Je lâche l’affaire et postule comme commise dans un restaurant avec les mains sur les hanches, un peu vénère. J’ai ainsi commencé ma carrière de cuistote. En passant, le chef était un être ignoble (il mettait sur la gueule de sa femme devant nous - j’ai fermé la mienne, je ne voulais pas perdre mon poste- ou sortait la batte de baseball si un mec de la mauvaise couleur traînait dans le coin) et pourtant j’adorais travailler avec lui. Passons sur cet épisode qui s’est tristement fini aux Prud’hommes mais m’a permis de postuler avec un peu plus de légitimité dans un autre restau. Semi-gastronomique, celui-là. La cours des presque grands. Je rentre commise, je monte très vite (la semaine qui suit, de mémoire) chef de partie entrée-dessert. Epanouissement culinaire total, j’apprends une quantité de choses incroyables mais me rends compte que je ne fais plus le poids, au sens littéral du terme : fort de mon savoir en diététique je savais me rapprocher dangereusement du stade de la « maigreur ». Travailler 11h par jour à fond et dans une cuisine à 2 étages, ça prend de l’énergie. J’arrête ce taff, on déménage du 6ème sans ascenseur, je stoppe la clope : le poids ne fût plus un problème.
Forte d’avoir bossé dans ce restau, les autres m’ouvrent leurs portes en grand et on me témoigne un respect d’autant plus appréciable qu’il est difficile de travailler en cuisine quand on est une femme. Il faut travailler plus, différemment, mieux et être calée en foot, moto et blagues graveleuses (merci à toi, mon frère, de m’avoir fait passé tous ces week-end dans le bâtiments des cadres célibataires de la caserne de Nîmes, ça m’a beaucoup aidé).
Mais j’en ai eu marre de cette ambiance machiste et d’explorer les coulisses des restaurants qui se foutent de la gueule des clients en leur servant de la merde tout en écrivant des trucs jolis sur la carte (j’ai servi beaucoup de plats au yuzu sans en avoir dans les mains).
J’ai donc lâché la cuisine conventionnelle pour trouver celle d’une petite asso qui proposait une alternative à la cantine (j’avais un peu d’appréhension, je n’avais jamais vraiment côtoyé d’enfants. En fait ils sont comme les adultes : pris individuellement ils peuvent être géniaux et collectivement ce sont des petites saloperies), un café familial, et un poste de chef.
Je ne me suis pas forcément éclatée en cuisine (problème inverse de mon premier restaurant : j’aimais beaucoup l’homme avec qui j’étais en cuisine mais travailler avec lui était une souffrance) mais j’y ai bossé avec des gens très cools. S’en suivirent 5 merveilleuses années. Ou presque. Disons 4. Parce qu’à la 4ème, c’est le drame.
Je suis fatiguée. Très fatiguée. Et j’ai mal. Des courbatures de l’espace.
J’ai du mal à bosser, j’arrête la boxe, je ne bricole plus, je passe mes aprèm affalée sur le canapé à regarder Urgences avec la bouche ouverte.
Trop naze pour aller chez le médecin, je laisse traîner, mais ça devient de plus en plus dur. Je consulte. Puis re-consulte et re-re-consulte (médecin du sport, neurologue, interniste…) pour enfin arriver à un diagnostic : Encephalomyélite myalgique. Aka Syndrôme de Fatigue Chronique.
Une fucking maladie auto-immune très peu prise en considération car impossible à détecter à l’heure actuelle. « Heureusement » les symptômes se rapprochent assez du COVID long et j’ai bon espoir que ça joue dans la reconnaissance de la maladie.
Invisible, handicapante, horrible.
Le soulagement d’avoir un diagnostic n’égale pas la difficulté de vivre avec : je quitte mon taff, on déménage à la campagne.
Ça fait un an et demi. J’ai tenté de retravailler : échec.
La maladie mériterait un post à elle seule mais globalement c’est la merde. Impossible de se projeter car même dans les moments de répit (comme là, je pète le feu depuis mi-septembre, la vie est belle quand on a de l’énergie !) ça peut redescendre à tout moment, au point de ne plus avoir envie de faire un pas en avant (parce qu’il va falloir faire le pas de retour).
J’en suis là et vous savez presque tout (à part peut-être la dépendance à l’alcool de ma mère qui a influencé certaines parties de ma vie mais les personnes qui ont connaissance du sujet comprendront et les autres eh bien, je leur souhaite de ne jamais le vivre).
Je profite de cette période cool pour faire le bilan et envisager l’avenir, peut-être avec une reconversion professionnelle et/ou un dossier d’invalidité.