Ma vie de 0 à 4 ans, l’âge dont je ne me rappelle rien
De 0 à 4 ans, je ne me rappelle de rien. Tout juste sais-je de source sûre (aka ma mère) que j’étais déjà parfait. J’étais même « un cadeau du ciel » et « le plus beau bébé sur terre » (3,8 kg à la naissance, on m’appelait Tarass Boulba). Je suis né dans une famille aisée et n’ait qu’un frère aîné, qui est autiste (il travaille aujourd’hui en ESAT). J’ai donc toujours été le chouchou, on m’a toujours tout passé (et couvert de cadeaux).
Ma vie de 4 à 11 ans, l’âge de l’adulation
De 4 à 11 ans, tout me réussit. J’apprends à lire et écrire à 4 ans en observant ma mère instruire mon frère aîné. Je découvre l’orgue à 5 ans puis passe au piano et rentre 2 ans plus tard au conservatoire sans avoir besoin de l’indulgence du jury (no rage Franky Mikey). Mon père adorera me faire jouer devant ses connaissances (il a toujours aimé se la péter, lui et moi on est très différent). J’ai l’oreille absolu. En moins de 5 ans, j’atteins le dernier cycle de solfège et apprends en compagnie d’adultes. Pour ma part, je préfère faire montre de mon talent sur les jeux vidéo où j’ai déjà un niveau international. Je ne perds (ni ne dispute) aucune compétition ! Pendant toute cette période de ma scolarité, je serai 1er de la classe avec une moyenne > à 9,5/10. Les filles me kiffent, les garçons m’envient, les professeurs m’admirent. On me félicite quotidiennement. Je me sens légèrement le centre du monde.
Ma vie de 11 à 17 ans, l’âge où je ne veux que jouer à des jeux vidéo
De 11 à 17 ans, moi je veux que jouer à des jeux vidéo. Je trouve la force de décevoir mes parents et arrêter le piano parce que la musique c’est nul. Je refuse toute inscription à une activité sportive (parce que le sport c’est nul). J’en ai marre d’étudier aussi (c’est nul). J’ai tellement d’avance que mes notes n’en pâtiront qu’au lycée. Je suis inapte socialement, n’ai que des amis qui discutent jeux vidéo toute la journée, ne fais que des sorties cybercafé, n’invite que pour jouer à des jeux vidéo. Bien sûr, je me masturbe (j’ai commencé à m’éveiller sexuellement très tôt, vers l’âge de 8 ans), environ 4 fois par jour, mais n’ai pour autant aucun désir de sortir avec une fille ou un garçon.
Je commence d’ailleurs à cette période, très inconsciemment, à étouffer mon attrait pour les hommes. J’ai une technique imparable. A chaque fois que je vois un corps masculin qui me fait de l’effet, je meuble mon fantasme en l’imaginant s’ébattre avec une personne de sexe féminin. Ce qui me conduira à un autre fantasme : être une femme.
Ma vie de 17 à 22 ans, l’âge de la boule au ventre et du cœur trop gros
A 17 ans, je tombe enfin amoureux d’une fille de 2 ans ma cadette. Elle est grave jolie. Conscient que je ne suis pas branché, je me remets au sport, achète des CD de rap et repense ma garde-robe. Après un an de timides échanges à l’arrêt de bus et 3 maladroites propositions pour faire un truc ensemble, je finis par accepter que je ne l’intéresse pas. C’est la désillusion. Je me rends compte que la perfection n’attire pas forcément.
Le bac en poche (grâce à l’argent de mes parents et les cours particuliers qu’ils me payaient vu que je séchais tout le temps), je rentre en classes préparatoires pour matheux (grâce à l’argent de mes parents et une école privée qui ne se souciait que de ça). Ça ne marche pas bien sûr. Je n’aime pas étudier. Je retombe amoureux. Ce n’est toujours pas réciproque. Cette année est malheureuse.
Je prends la porte de sortie classique des branleurs de prépa : la fac (de sciences). Je rencontre une fille. Je l’aime. Elle non plus. Je passe 3 ans à l’aimer tout seul de mon côté. Ces expériences ont le mérite de me pousser à me normaliser. Je me sculpte, je mets de belles chemises cintrées, je commence à me trouver vraiment hot. Je suis clairement mon idéal masculin. Et je commence à plaire. Je repousse des propositions de femmes et d’hommes que, avec le recul, j’aurais dû accepter, mais je rêve à mon idéal d’amour chevaleresque.
Pour l’anecdote, je consomme ma première bière vers 20 ans. Une fille que je ne connais pas prend pitié de moi et me montre comment utiliser un décapsuleur. Pas du tout la honte.
Ma vie de 22 à 27 ans, l’âge de la vie en couple
A 22 ans, je rencontre une fille que je trouve très mignonne, et qui me trouve très mignon. Appelons là Jolicoeur. Je fais mon premier baiser. Jolicoeur a 20 ans et déjà plein d’expériences, je parviens tant bien que mal à cacher que je n’en ai aucune. Nous nous installons et baisons comme des cochons.
Les 2 premières années, je veux quitter Jolicoeur. Je me rends compte qu’être en couple m’enlève trop de temps de jeu vidéo. Ca me frustre. A de nombreuses reprises, je me convaincs de lui annoncer notre rupture. Mais n’y parviens jamais. Désarmé, à chaque fois, par son grand sourire lumineux, à la place je lui dis que je l’aime.
Les 2 années suivantes, je me suis persuadé que c’est trop tard. Jolicoeur a déjà passé tellement de temps avec moi. Si on se sépare, j’ai peur qu’elle ne s’en remette pas et mette fin à ses jours. Je décide donc de tout faire pour la rendre heureuse.
La cinquième année, je veux lui faire l’amour jusqu’à la fin de nos jours, et avoir une fille qu’on appellera ou Kasumi ou Jill (son choix parmi les 2). Elle me quitte.
Ma vie de 27 à 33 ans, l’âge où je suis papa d’une petite peluche
Jolicoeur m’a quitté, mais elle m’a laissé Truffle, une petite peluche que nous avions achetée ensemble et que nous chouchoutions. Je suis papa quand même et Truffle n’est pas chiante. Elle aime les jeux vidéo et les superhéros, tout comme moi.
J’essaie de me changer les idées en allant passer quelques jours à Paris avec ma meilleure amie de l’époque. J’y vais pour jouer avec elle à Gears of War, et elle, elle m’avoue qu’elle est amoureuse de moi. Je ne suis pas amoureux d’elle, mais je n’arrive pas à lui dire. Je la laisse coucher avec moi. Je la quitterai quelques jours plus tard.
Grâce aux jeux vidéo, je fais une autre rencontre : une très belle fille beaucoup plus jeune que moi. Elle est mariée mais quitte son mari pour moi. On vit quelques mois ensemble. Elle découvre une vie de libertés dont sa précédente histoire l’avait privée, et grâce à ça, s’affirme et s’émancipe de notre univers geek. Je la laisse filer.
A cette époque, mon désir pour les hommes m’obsède de plus en plus. J’ai tellement envie que j’en perds le sommeil. Finalement, lors d’une soirée à l’hôtel (ah oui, à ce point de l’histoire, je suis technico-commercial depuis 3 ans), je passe une annonce en ligne. En 48H, je reçois une vingtaine de propositions. Je découvre l’amour avec les hommes. Ces expériences me feront l’effet d’une renaissance. Sur un plan sexuel, bien entendu, mais aussi intellectuel. Je découvre ce monde d’oppressions et de stigmates et, derrière, la vérité.
Je me questionne également sur mon identité. Je réalise que je fréquente principalement des restaurants où il n’y a que des femmes (qui me pensent gay), je fais des courses de femmes, je regarde des teen drama sur mon canapé en pleurant, on échange avec ma tante dessus, je suis conciliant dans tous mes rapports et je plais beaucoup aux hommes dominants. Je me passionne alors pour les études de genre et la formation des stéréotypes.
Ma vie de 33 à 36 ans, l’âge des projections sans i-frames
A 33 ans s’offre à moi une opportunité professionnelle interne que je n’ai pas souhaitée mais que je ne peux pas non plus refuser. Je suis obligé de travailler plus. C’est tout nul. Je me mets à faire plus de sport aussi, parce que je veux continuer à me masturber devant la glace et pouvoir jouer aux jeux vidéo jusqu’à 100 ans. Et aussi parce que j'ai des hémorroïdes et que je voudrais qu'elles me lâchent. Mais avec un travail qui me prend jusqu’à 50H par semaine, il ne me reste plus que quelques dizaines d’heures pour jouer et parler de jeux, et je ne veux pas jouer moins de 20H par semaine. C’est mon plancher, seuil en-dessous duquel je suis malheureux.
Seulement je n’ai toujours ni Jill, ni Kasumi, juste Truffle (et Lotti, son frère venu s’ajouter à ma petite famille). A chaque fois que je pars travailler, je lance dans la pièce avant de partir « Papa s’en va nous chercher de l’or ! Amusez-vous bien ! ». Et je pars. C’est ma morning routine. Mais je sais qu’il n’y a pas de nous et de vous en dehors du cadre de mon imagination. Quand je rentre, personne ne me sert jamais dans ses bras. Je suis tout dilemme. Si je veux fonder une famille, il faut que je m’investisse dans la recherche de l’âme sœur puis dans cette relation. Mais peut-être que je ne suis pas fait pour ça. Peut-être que ma vocation, c’est de jouer aux jeux vidéo. Je ne veux regretter ni l’un ni l’autre.
Ma vie future
J’ai plein de projets que je veux réaliser. Je sais que certains d’eux devront attendre un changement de situation. Sans ordre particulier :
- Je veux faire un jeu vidéo de rôle pornographique centré sur le catch. J’ai déjà noirci un tas de pages dessus.
- Je veux écrire une série de romans d’heroic-fantasy. J’en ai déjà écrit 2 mais ils ne me plaisent pas. Je veux tout refaire. Je voudrais être écrivain à plein temps.
- Je veux jouer aux jeux vidéo, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort nous sépare.
- Je veux continuer à partager ma passion pour les jeux vidéo en général et les beat’em up en particulier.
- Je veux re-aimer quelqu’un de toutes mes forces, et si personne ne me trouve, je veux continuer à m’aimer de toutes mes forces aussi. Et me suffire.
Et voilà, juste de faire ce point sur ma vie, j’ai des larmes aux coins des yeux. Quelle gonzesse ! ^^ Mais que j’arrive ou pas à réaliser mes projets, je suis confiant d’une chose : c’est que ma vie sera toujours merveilleuse.