Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu un débat qui porte uniquement sur le nucléaire (je me demande même si j'en ai jamais eu un uniquement sur ce thème). Quand j'ai reçu l'invitation de Mediapart pour aller en parler sur leur chaine, j'ai trouvé que c'était un signe intéressant d'apaisement du dialogue.
Dans cet échange avec Jade Lindgaard, il est évident que nous ne sommes pas d'accord sur tout (et même assez en désaccord sur un certain nombre de points), mais l'échange a été globalement posé, sans procès d'intention et sans nom d'oiseau, et il n'en a pas toujours été ainsi pour évoquer ce sujet.
C'est une incidente, mais ce qui me vaut désormais les réactions les plus virulentes est plutôt à chercher du côté de l'avion (l'idée d'avoir une limite sur le nombre de vols dans une vie ne plait pas à tout le monde) et... des chiens et chats
(tout le monde n'apprécie pas d'apprendre que la possession d'un animal de compagnie engendre des émissions et combien !).
Pour autant, on peut tout à fait être pour le nucléaire sans être contre les ENR par principe ni contre la sobriété par principe. L'arbitrage se fera toujours entre les 3 en fonction du contexte.
Moins d'énergie tout court, c'est une économie "moins grosse physiquement", et donc des objets de toute nature (logements, véhicules, électroménager, vêtements, aliments, etc) qui seront moins faciles à produire et donc - en termes réels - plus chers. Pour le dire crument, plus l'énergie baissera rapidement et plus le "pouvoir d'achat matériel" baissera rapidement.
Et se passer délibérément d'une des deux catégories d'énergies décarbonée favorise donc plus la contraction de l'économie "physique" que si on ne le fait pas. On peut évidemment être pour, il faut juste bien comprendre ce que l'on achète.
A production donnée, l'arbitrage entre nucléaire et ENR dépend par ailleurs du potentiel hydraulique (largement exploité en Europe), de la capacité à disposer ou pas de très nombreux emplacements, de la capacité à maintenir ou pas dans la durée un réseau sophistiqué avec des capacités de stockage qui doivent être disponibles en quantités massives (et on peut ou pas prendre le pari qu'elles seront là), du contexte réglementaire et sociétal, toutes choses qui conditionnent la faisabilité physique et le temps de mise en oeuvre des diverses options.
Une des choses que j'ai essayé d'expliquer dans cette vidéo est que le choix que nous allons faire dans ce domaine nous engage plus pour 100 ans que pour 25, et que des scénarios à 2050 sont à la fois déjà audacieux compte tenu des incertitudes à cette échéance, et insuffisants au regard de la durée de vie des installations, et de la probable "démondialisation partielle" que nous allons avoir d'ici la fin du siècle.
Il y a donc assurément des risques associés au nucléaire... mais, hélas, probablement des bien plus importants encore à ne pas y recourir.