Quand je traverse une crise de vague à la'âne, ce qui m'arrive parfois, on n'est pas des bêtes, enfin, je me comprends, je n'arrive plus à m'exprimer simplement. Je n'utilise que des phrases mélancoliques et alambiquées que je prononce de cet air boudeur qui a fait mon succès d'ici jusqu'à Pantin.
Tenez, encore récemment, je lâchais comme ça à Boulon : Dis-moi ce que tu penses, Dis-moi ce que tu penses de ma vie, de mon adolescence, Dis-moi ce que tu penses, J'aime aussi l'amour et la violence.
Bon là, Boulon, qui n'est pas la moitié d'un con, et à 120 kilos, il n'est même pas la moitié de deux cons ou de trois, je crois qu'il faudrait empiler quatre cons standards pour qu'il puisse à lui tout seul en faire la moitié, ce qui vous explique son niveau d'intelligence, euh, je crois que je m'embrouille, je voulais dire que Boulon a tout de suite compris que je voulais faire une partie de street fighter IV. Et c'est là qu'il me répond : "non merci, j'ai déjà perdu 2300 £ cette semaine, il faut savoir s'arrêter."
Oui je sais, moi non plus, je n'ai rien compris. Comme on était en période de "boucle-là-je" travaille, je n'ai pas insisté. Recherches effectuées, j'ai compris aujourd'hui que Boulon faisait référence à un incroyable site anglais qui vous permet de faire des paris officiels sur des matchs de Street et fighter IV. Mon sixième sens d'avocat s'est alors déclenché et je me suis demandé si, en France, des paris sur un jeu vidéo pourraient être également proposés.
Le jeu et les paris ne sont pas réprimés en tant que tels par la Loi, mais cela ne signifie pas qu'elle les ignore pour autant. Elle s'y intéresse lorsqu'ils sont considérés comme particulièrement dangereux. Déjà, il faut que ce soit des jeux d'argent ; les jeux gratuits sont eux autorisés. En revanche, pour les jeux d'argent on peut relever :
1° la loi du 21 mai 1836 modifiée par la loi du 18 avril 1924, par la loi du 9 septembre 1986 et par l'article 34-I de la loi du 21 janvier 1995, qui prohibe les loteries,
2° la loi du 26 juillet 1993 qui réglemente les loteries publicitaires avec pré tirage,
3° la loi du 2 juin 1891, modifiée par la loi du 24 mai 1951, qui a pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux et de lévriers,
4° l'article L. 432-4 du code monétaire et financier, qui interdit la vente à tempérament de valeurs à lots,
5° la loi du 15 juin 1907, modifiée par l'ordonnance du 7 janvier 1959, par la loi du 9 juin 1977 et par l'article 271-1 de la loi du 16 décembre 1992, qui réglemente le jeu dans les cercles et casinos des stations balnéaires, thermales ou climatiques,
6° les articles 47 et 48 de la loi du 30 juin 1923, modifiés par les articles 82 et 94 de la loi 30 décembre 1985 qui punissent la pratique sans autorisation des jeux de hasard dans les cercles même lorsqu'ils ne sont pas ouverts au public,
7° la loi du 12 juillet 1983, modifiée par l'article 15-IV de la loi du 9 septembre 1986, par la loi du 5 mai 1987, par l'article 263 de la loi du 16 décembre 1992 et par l'article 34-I de la loi du 21 janvier 1995 qui interdit la tenue de jeux de hasard et le commerce, la détention et l'exploitation publique de machines à sous.
On voit donc que pour le législateur français, les jeux dangereux sont des jeux de hasard payants, dans lesquels se trouvent englobés les paris sur les courses hippiques et les paris sportifs en général ainsi que les jeux de cartes.
Comme souvent dans la législation française l'interdiction comporte des exceptions. Il est donc interdit de proposer au public des jeux de hasard dont l'enjeu est en argent, sauf pour des organes étatiques, la Française des jeux et le PMU, qui avaient le monopole des loteries et des paris sur les courses hippiques, et des casinos qui peuvent obtenir, dans des conditions très sévères, l'autorisation de proposer au public des jeux d'argent basés sur le hasard.
Vous ne serez pas étonnés d'apprendre que l'Europe s'est plaint de ce monopole.
C'est ainsi que la Commission européenne a rendu un avis, le 27 juin 2007, pour souligner que le monopole français (et grec et suédois) dans ce domaine entravait la libre prestation des services de paris sportifs. La Cour de Justice des communautés européennes a eu également l'occasion de rendre de saisissants arrêts fustigeant des Etats membres qui bloquaient la concurrence.
Il a donc été voté en France une nouvelle loi, celle du 6 avril 2010, qui a organisé l'ouverture du secteur des jeux d'argent et de hasard à la concurrence et mis fin au monopole de la Française des jeux et du PMU, sur le marché des paris en ligne uniquement. En effet, seuls les paris hippiques et sportifs sur Internet, ainsi que le poker on line sont concernés par cette libéralisation, les jeux de casino comme la roulette ou les machines à sous restant interdits car jugés trop addictifs. En outre, si la concurrence est ouverte, elle nécessite cependant que les acteurs qui veulent se lancer sur ce créneau obtiennent un agrément d'un organisme créé pour l'occasion, l'ARJEL.
Cette loi du 6 avril 2010 étant soumise au Conseil constitutionnel, on ne sait pas encore si elle sera en réalité applicable.
Maintenant que ce petit tour d'horizon est fait : qu'en est-il des paris sur les jeux vidéo ?
Evidemment, aucun texte ni aucune jurisprudence ne vient nous éclairer. Seule certitude : C'est un pari, donc un jeu d'argent. En tant que tel, il entre dans la catégorie des jeux dangereux. Et c'est l'équivalent d'un pari sportif, tel qu'il est défini dans la loi du 6 avril 2010, dans la mesure où il s'agit d'un pari comportant un enjeu en valeur monétaire où les gains éventuels des joueurs dépendent de l’exactitude de leurs pronostics portant sur le résultat d'une épreuve. Par conséquent, on pourrait considérer qu'ils sont concernés par la loi du 6 avril 2010 qui, si elle passe le cap du Conseil constitutionnel, pourrait autoriser ce genre de paris, à la condition que le site qui les propose obtienne un agrément de l'ARJEP. Oui, mais, attention, l'article 12 de la loi du 6 avril 2010 dispose que les partis sportifs qui pourront faire l'objet d'un agrément devront porter "sur l’une des catégories de compétitions définies par l’Autorité de régulation des jeux en ligne suivant des modalités définies par voie réglementaire".
Inutile de préciser que, pour l'instant, aucune catégorie n'est définie. En outre, et à considérer que des compétitions de Street Fighter IV sont une catégorie de paris sportifs autorisés, le site web qui propose des paris doit avoir reçu un agrément de l'ARJEP. Et les conditions sont assez lourdes. Il faut pouvoir prouver tous les moyens utilisés pour lutter contre le blanchiment, contre l'addiction des joueurs et expliquer où sont placés les fonds récoltés des paris enfin, comment sont payés les gains etc.
En conclusion : même si on considère que les paris sur des compétitions de jeux vidéo s'analysent en des paris sportifs (mais que peuvent-ils être d'autre ?), ils pourraient cependant ne pas être légaux. Pour que ce soit le cas, il faut que l'ARJEP les définisse un jour comme une catégorie de paris sportifs et, en outre, qu'une société souhaite remplir les lourdes conditions légales pour obtenir un agrément.
Autant dire que...ce n'est pas gagné !
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