t-buster
28/12/2006, 18h47
bah si c'est l'huma qui le dit....
L’humanité des débats - Jeux vidéos (http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-12-23/2006-12-23-842757)
L’humanité des débats . Jeux vidéos
« Un véritable outil thérapeuthique »
Par Michaël Stora, psychologue clinicien (1).
Les jeux vidéos sont-ils dangereux ?
Comment répondez-vous à la question posée dans notre débat : les jeux vidéo sont-ils dangereux ?
Michaël Stora. Cela revient à poser la question de la dangerosité de toute forme artistique. Car, cible trop facile à mes yeux, c’est avant tout une contre-culture qui désacralise l’image classique, celle de la télé. Moi, ce qui m’inquiète, c’est que 90 % des téléspectateurs croient TF1 ! Or les jeux vidéo mettent à mal ce rapport sacré aux images. On peut s’amuser, les déformer et donc se les approprier. Symptomatique : après le 11 septembre, les ventes de Fly Simulator se sont envolées. Il est vrai que, d’après Médiamétrie, si les parents restent devant la télé, les enfants, eux, sont devant leur ordinateur. Et lorsqu’on est simple spectateur, on ne perçoit de ces jeux que la violence, comme cette mère choquée de voir sa fille jouer à Doom. Peut-être aurait-elle aimé pouvoir se libérer de son carcan de petite fille, et elle semble avoir oublié qu’elle avait dû, comme tout le monde, torturer sa poupée. Il y a donc derrière un mélange de jalousie et d’amnésie. In fine, la peur que l’on a face au jeu vidéo n’a plus rien à voir avec ce jeu. Comme ces députés UMP qui veulent interdire les jeux violents : non seulement, ils ne savent pas ce que c’est, s’arrêtant au seul aspect graphique, et, derrière, on sent la patte des lobbies. Résultat : les éditeurs ont peur et la créativité est en recul. Avec le risque que les jeux vidéo se rapprochent de la télé et non du cinéma.
N’êtes-vous pas, face à ces polémiques, le meilleur des contre-exemples ?
Michaël Stora. Je soigne en effet les troubles du comportement dits violents grâce aux jeux vidéo. Car, pour des enfants qui sont plus dans l’acte que dans la parole, il fournissent un cadre, une narration dans laquelle il faut persévérer et d’où va émerger la parole. Outre que jouer à Deus Ex m’avait fait énormément de bien, comme un antidépresseur, je m’ennuyais avec les enfants reçus en consultation car ils ne rentraient pas dans le cadre de la psychothérapie : ce qu’ils voulaient, c’était des jeux à enjeu. Alors j’ai amené ma console et je me suis rendu compte que c’était un véritable outil thérapeutique pour ces enfants qui répriment toute forme de fantasme ou de pensée angoissante. Or le jeu vidéo leur permet de combattre ce qui s’apparente à des métaphores et de faire émerger leur sadisme afin de pouvoir en jouer. Car tout jeu est une mise en scène des pulsions refoulées. Avec, chez les enfants une jubilation dans l’esthétique de la mise en scène de la mort. Voyez-les en train de jouer à la guerre ! Et même si GTA n’est pas un bon jeu, je pense que son succès vient avant tout de son aspect transgressif. Plus un jeu est interdit, plus il excite l’ado...
In fine, ne faudrait-il pas que les parents jouent avec leurs enfants ?
Michaël Stora. Il faudrait au moins qu’ils s’y intéressent. Une addiction à un jeu en ligne traduit souvent des problématiques familiales. Même s’ils sont parfois déscolarisés, 80 % des ados que je reçois ont été diagnostiqués comme précoces et souvent élevés au rang de héros par leurs parents : il y a donc chez eux un besoin de réussite, de valorisation et donc de reconnaissance.
(1) Travaillant au CMP de Pantin où il a monté un atelier jeux vidéo, il est aussi le fondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (www.omnsh.org).
Entretien réalisé par S. H.
L’humanité des débats - Jeux vidéos (http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-12-23/2006-12-23-842757)
L’humanité des débats . Jeux vidéos
« Un véritable outil thérapeuthique »
Par Michaël Stora, psychologue clinicien (1).
Les jeux vidéos sont-ils dangereux ?
Comment répondez-vous à la question posée dans notre débat : les jeux vidéo sont-ils dangereux ?
Michaël Stora. Cela revient à poser la question de la dangerosité de toute forme artistique. Car, cible trop facile à mes yeux, c’est avant tout une contre-culture qui désacralise l’image classique, celle de la télé. Moi, ce qui m’inquiète, c’est que 90 % des téléspectateurs croient TF1 ! Or les jeux vidéo mettent à mal ce rapport sacré aux images. On peut s’amuser, les déformer et donc se les approprier. Symptomatique : après le 11 septembre, les ventes de Fly Simulator se sont envolées. Il est vrai que, d’après Médiamétrie, si les parents restent devant la télé, les enfants, eux, sont devant leur ordinateur. Et lorsqu’on est simple spectateur, on ne perçoit de ces jeux que la violence, comme cette mère choquée de voir sa fille jouer à Doom. Peut-être aurait-elle aimé pouvoir se libérer de son carcan de petite fille, et elle semble avoir oublié qu’elle avait dû, comme tout le monde, torturer sa poupée. Il y a donc derrière un mélange de jalousie et d’amnésie. In fine, la peur que l’on a face au jeu vidéo n’a plus rien à voir avec ce jeu. Comme ces députés UMP qui veulent interdire les jeux violents : non seulement, ils ne savent pas ce que c’est, s’arrêtant au seul aspect graphique, et, derrière, on sent la patte des lobbies. Résultat : les éditeurs ont peur et la créativité est en recul. Avec le risque que les jeux vidéo se rapprochent de la télé et non du cinéma.
N’êtes-vous pas, face à ces polémiques, le meilleur des contre-exemples ?
Michaël Stora. Je soigne en effet les troubles du comportement dits violents grâce aux jeux vidéo. Car, pour des enfants qui sont plus dans l’acte que dans la parole, il fournissent un cadre, une narration dans laquelle il faut persévérer et d’où va émerger la parole. Outre que jouer à Deus Ex m’avait fait énormément de bien, comme un antidépresseur, je m’ennuyais avec les enfants reçus en consultation car ils ne rentraient pas dans le cadre de la psychothérapie : ce qu’ils voulaient, c’était des jeux à enjeu. Alors j’ai amené ma console et je me suis rendu compte que c’était un véritable outil thérapeutique pour ces enfants qui répriment toute forme de fantasme ou de pensée angoissante. Or le jeu vidéo leur permet de combattre ce qui s’apparente à des métaphores et de faire émerger leur sadisme afin de pouvoir en jouer. Car tout jeu est une mise en scène des pulsions refoulées. Avec, chez les enfants une jubilation dans l’esthétique de la mise en scène de la mort. Voyez-les en train de jouer à la guerre ! Et même si GTA n’est pas un bon jeu, je pense que son succès vient avant tout de son aspect transgressif. Plus un jeu est interdit, plus il excite l’ado...
In fine, ne faudrait-il pas que les parents jouent avec leurs enfants ?
Michaël Stora. Il faudrait au moins qu’ils s’y intéressent. Une addiction à un jeu en ligne traduit souvent des problématiques familiales. Même s’ils sont parfois déscolarisés, 80 % des ados que je reçois ont été diagnostiqués comme précoces et souvent élevés au rang de héros par leurs parents : il y a donc chez eux un besoin de réussite, de valorisation et donc de reconnaissance.
(1) Travaillant au CMP de Pantin où il a monté un atelier jeux vidéo, il est aussi le fondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (www.omnsh.org).
Entretien réalisé par S. H.