Grand_Maître_B
05/02/2009, 19h55
J'évoque souvent, en votre compagnie, l'effet de la technologie, et plus particulièrement des mondes numériques, sur les concepts juridiques. Mais il y a un dérivé de ce phénomène qui a attiré mon regard surpuissant (allez, laissez-moi jouer au super héros, qu'est-ce que cela vous coûte ?). Je vous explique.
Aujourd'hui, tandis que je reposais, assis en tailleur au sommet de ma pile de dossiers du jour, vêtu de mon costume made-in-couly et que je contemplais sereinement les millions de connexions juridiques qui vous enserrent tous, en me demandant comment diable j'allais pouvoir dénouer ces sacs de noeuds en faveur de mes clients, je l'ai vue !
Impression fugace, lens fare ou mirage subconscient ? Je n'aurais su dire, mais elle était là, cette tache noirâtre qui souille le tissu délicat de notre droit français. Et depuis, je ne cesse de la voir et elle s'étend sans discontinuer, et si vous voulez mon avis, elle est indélébile.
C'est que, voyez-vous, nous n'y prêtons plus attention, mais l'extension de la technologie informatique et l'effet "village planétaire" que ça entraîne ont une conséquence immédiate.
Nous sommes de plus en plus fréquemment amenés à traiter avec des sociétés de droit étranger, en général de droit américain. Google, Yahoo, Apple, et j'en passe, nous font avaliser, mine de rien, des conditions générales de vente et de services en anglais, longs comme le bras et particulièrement singuliers au regard du droit français.
Je vais prendre deux petits exemples:
- Apple et son Appstore, ouverts aux développeurs de tous les pays qui peuvent vendre au monde entier leurs créations. Les développeurs doivent signer des contrats avec Apple et certaines des clauses défient l'entendement. Ainsi, le développeur doit s'engager contractuellement à se conduire "in an honest and ethical manner and shall not make any statement, orally or in writing, or do any act or engage in any activity that is obscene, unlawful, encourages unlawful conduct, is associated with drugs, explosives, firearms, or alcohol, is objectionable or in poor taste, or will or may disparage, denigrate or be detrimental to Apple, its licensors or its or their business".
Imaginer qu'un français puisse promettre contractuellement de ne pas se comporter de manière amorale ou encore obscène ou en rapport avec la drogue, l'alcool et les armes à feu me donne le tournis, tellement c'est impensable en droit français.
- Google et son nouveau service Google Latitude, qui permettent de tracer vos proches, consentants évidemment, grâce à leur téléphone mobile. Vous pourrez ainsi constituer une communauté familiale et amicale et être traçable, à nouveau, si vous le souhaitez, par ces derniers. Si vous souscrivez à ce service, vous aurez à accepter la clause suivante: "We use your information to process and personalize your requests. We also use the information for support, to develop new features, and to improve the overall quality of Google's products and services"
En substance, on vous prévient donc que Google fait ce qu'il veut des informations qu'il va ainsi collecter quant à vos déplacements, notamment, vous l'aurez compris, pour son service de publicité qui va pouvoir être ciblé à mort. A nouveau, au regard de notre droit, il serait difficile d'imaginer qu'une telle clause puisse être présentée par une entreprise française à un consommateur français.
Alors bien sûr, certains de ces contrats sont en fait conclus sous l'empire du droit américain (ce qui peut poser d'autres problèmes d'ailleurs. Historiquement, c'étaient des grosses entreprises de nationalités différentes qui pouvaient s'entendre pour placer leurs relations juridiques sous l'empire du droit de l'une d’entre elles, ou même d'un complet autre droit, mais aujourd'hui, cette pratique se généralise à un simple consommateur ou auto-entrepreneur).
Et certaines de ces clauses sont manifestement nulles de chez nulles pour qui voudrait les imposer en France.
Mais quelle que soit la façon dont on regarde la question, que ces clauses échappent au droit français ou qu'elles le violent, d'une manière si profonde qu'il n'a même pas le temps d'ouvrir la bouche pour protester, elles tendent à détruire notre système. Car, si la tendance se poursuit, et que nous sommes tous amenés à traiter avec des entreprises américaines, nos gouvernants vont changer notre droit pour le conformer à cette réalité, car on ne peut pas demander à la justice d'annuler des millions de clauses et fragiliser ainsi des millions de rapports juridiques.
Le mouvement a d'ailleurs commencé. Sachez que la "cause", notion fondamentale de notre droit des contrats s'il en est depuis oh ! 1804, devrait disparaître, car trop complexe, trop particulière, en un mot, "trop française", au profit de la notion "d'intérêt" qui rendrait, selon notre gouvernement, notre droit des contrats plus "attractif" à l'étranger.
La réforme n'est pas encore votée, mais cela ne devrait point tarder. Notez que je ne critique pas le droit anglo-saxon, qui a d'immenses qualités et quelques défauts, comme notre droit* d'ailleurs (qui se rattache au grand ensemble des systèmes romano-germaniques, comme on dit ; Eh non ! Ça n'a rien à voir avec des gens de la route allemands). C'est juste que la planète était, jusqu'à aujourd'hui, assez grande pour contenir plusieurs droits différents, chacun adapté à la mentalité des peuples qui s'y trouvaient soumis.
La technologie informatique influence donc grandement notre droit en le poussant à une uniformisation mondiale. Vous voilà prévenus. Bienvenue, ou plutôt, welcome, dans le village planétaire.
Voir la news (1 image, 0 vidéo ) (http://www.canardpc.com/news-33147-droit_unique__droit_inique__.html)
Aujourd'hui, tandis que je reposais, assis en tailleur au sommet de ma pile de dossiers du jour, vêtu de mon costume made-in-couly et que je contemplais sereinement les millions de connexions juridiques qui vous enserrent tous, en me demandant comment diable j'allais pouvoir dénouer ces sacs de noeuds en faveur de mes clients, je l'ai vue !
Impression fugace, lens fare ou mirage subconscient ? Je n'aurais su dire, mais elle était là, cette tache noirâtre qui souille le tissu délicat de notre droit français. Et depuis, je ne cesse de la voir et elle s'étend sans discontinuer, et si vous voulez mon avis, elle est indélébile.
C'est que, voyez-vous, nous n'y prêtons plus attention, mais l'extension de la technologie informatique et l'effet "village planétaire" que ça entraîne ont une conséquence immédiate.
Nous sommes de plus en plus fréquemment amenés à traiter avec des sociétés de droit étranger, en général de droit américain. Google, Yahoo, Apple, et j'en passe, nous font avaliser, mine de rien, des conditions générales de vente et de services en anglais, longs comme le bras et particulièrement singuliers au regard du droit français.
Je vais prendre deux petits exemples:
- Apple et son Appstore, ouverts aux développeurs de tous les pays qui peuvent vendre au monde entier leurs créations. Les développeurs doivent signer des contrats avec Apple et certaines des clauses défient l'entendement. Ainsi, le développeur doit s'engager contractuellement à se conduire "in an honest and ethical manner and shall not make any statement, orally or in writing, or do any act or engage in any activity that is obscene, unlawful, encourages unlawful conduct, is associated with drugs, explosives, firearms, or alcohol, is objectionable or in poor taste, or will or may disparage, denigrate or be detrimental to Apple, its licensors or its or their business".
Imaginer qu'un français puisse promettre contractuellement de ne pas se comporter de manière amorale ou encore obscène ou en rapport avec la drogue, l'alcool et les armes à feu me donne le tournis, tellement c'est impensable en droit français.
- Google et son nouveau service Google Latitude, qui permettent de tracer vos proches, consentants évidemment, grâce à leur téléphone mobile. Vous pourrez ainsi constituer une communauté familiale et amicale et être traçable, à nouveau, si vous le souhaitez, par ces derniers. Si vous souscrivez à ce service, vous aurez à accepter la clause suivante: "We use your information to process and personalize your requests. We also use the information for support, to develop new features, and to improve the overall quality of Google's products and services"
En substance, on vous prévient donc que Google fait ce qu'il veut des informations qu'il va ainsi collecter quant à vos déplacements, notamment, vous l'aurez compris, pour son service de publicité qui va pouvoir être ciblé à mort. A nouveau, au regard de notre droit, il serait difficile d'imaginer qu'une telle clause puisse être présentée par une entreprise française à un consommateur français.
Alors bien sûr, certains de ces contrats sont en fait conclus sous l'empire du droit américain (ce qui peut poser d'autres problèmes d'ailleurs. Historiquement, c'étaient des grosses entreprises de nationalités différentes qui pouvaient s'entendre pour placer leurs relations juridiques sous l'empire du droit de l'une d’entre elles, ou même d'un complet autre droit, mais aujourd'hui, cette pratique se généralise à un simple consommateur ou auto-entrepreneur).
Et certaines de ces clauses sont manifestement nulles de chez nulles pour qui voudrait les imposer en France.
Mais quelle que soit la façon dont on regarde la question, que ces clauses échappent au droit français ou qu'elles le violent, d'une manière si profonde qu'il n'a même pas le temps d'ouvrir la bouche pour protester, elles tendent à détruire notre système. Car, si la tendance se poursuit, et que nous sommes tous amenés à traiter avec des entreprises américaines, nos gouvernants vont changer notre droit pour le conformer à cette réalité, car on ne peut pas demander à la justice d'annuler des millions de clauses et fragiliser ainsi des millions de rapports juridiques.
Le mouvement a d'ailleurs commencé. Sachez que la "cause", notion fondamentale de notre droit des contrats s'il en est depuis oh ! 1804, devrait disparaître, car trop complexe, trop particulière, en un mot, "trop française", au profit de la notion "d'intérêt" qui rendrait, selon notre gouvernement, notre droit des contrats plus "attractif" à l'étranger.
La réforme n'est pas encore votée, mais cela ne devrait point tarder. Notez que je ne critique pas le droit anglo-saxon, qui a d'immenses qualités et quelques défauts, comme notre droit* d'ailleurs (qui se rattache au grand ensemble des systèmes romano-germaniques, comme on dit ; Eh non ! Ça n'a rien à voir avec des gens de la route allemands). C'est juste que la planète était, jusqu'à aujourd'hui, assez grande pour contenir plusieurs droits différents, chacun adapté à la mentalité des peuples qui s'y trouvaient soumis.
La technologie informatique influence donc grandement notre droit en le poussant à une uniformisation mondiale. Vous voilà prévenus. Bienvenue, ou plutôt, welcome, dans le village planétaire.
Voir la news (1 image, 0 vidéo ) (http://www.canardpc.com/news-33147-droit_unique__droit_inique__.html)