Grand_Maître_B
09/11/2008, 13h23
Vous savez ma folle ambition de vous faire connaître le droit et, oserais-je le dire, vous le faire aimer. C'est ce qui m'amène souvent à faire des comparaisons, disons, particulières, entre le droit et la magie, les lois et les jeux de stratégie ou encore la justice aveugle et Gilbert Montagné, ah non, pardon, ça, c'est de Couly, mais je reprends cette merveilleuse formule à mon compte.
Portalis me le pardonnera.
En revanche, je ne voudrais pas que ces Jurigeekiqueries vous fassent oublier l'importance du prétoire, la solennité des codes, la gravité des problématiques juridiques. Dans un cabinet d'avocat, vous recevez des personnes usées, blessées, qui viennent chercher un secours juridique qui, tout aussi efficace qu'il soit, ne guérira jamais les bleus de l'âme.
C'est que, voyez-vous, les piliers de la démocratie reposent entre les mains, parfois tremblantes, des acteurs du droit dans leur ensemble. Alors, autant vous dire que souvent, l'heure est grave.
Et puis, parfois, pas du tout. Mais alors, pas du tout du tout.
C'est que, parfois, alors que la fatigue, l'angoisse de n'avoir pas traité avec toute la finesse nécessaire les délicats rouages juridiques, alors que vous êtes empêtrés dans votre robe noire comme une mouette dans une nappe de mazout, vous tombez sur une jurisprudence qui éclaire votre journée et qui vous rappelle que, le droit c'est du sérieux, c'est de l'angoisse, c'est de l'émotion, mais c'est aussi beaucoup de fun.
Tenez, prenez par exemple la décision (http://www.scribd.com/share/upload/5112671/4x02kgyx77wsavgdx7r) récemment rendue par la Cour d'Appel de Californie, dans une affaire qui a opposé rien moins que le patron du club de streaptease de Los Angeles, le Play Pen à, je vous le donne en mille, Rockstar.
Non, parce que, on ne dirait pas comme ça, mais dans GTA San Andreas, les graphistes ont fait un beau boulot; ils ont modélisé grossièrement certes, mais modélisés quand même, plusieurs villes, dont Los Angeles, devenue Los Santos dans le jeu.
Du coup, certains lieux cultes de Los Angeles sont reproduits, par exemple le Play Pen, club de strip-tease à la mode, devenu dans le jeu le Pig Pen.
Le patron assigne donc Rockstar en justice, prétextant que c'est un détournement de la marque du club et de son logo, que cela crée une confusion dans l'esprit des joueurs quant au fait que le Play Pen ait participé ou pas au jeu et à la description du club Pig Pen.
Et là, le plus sérieusement du monde, des éminents juges se sont penchés sur le problème, ont tenté de déterminer si un lieu imaginaire pouvait impliquer la violation de droits appartenant à un lieu réel. Comme quoi, Néo aurait mieux fait de prendre un avocat pour lutter contre la matrice, plutôt que de se la péter super-endive-volante à long manteau noir.
Ce genre d'affaires est formidable, car elle implique de mettre de graves et sérieux principes juridiques (le 1er amendement dans cette affaire est en balance avec non moins que le Lanham Act, les lois sur le trade-mark infringement et celles sur la concurrence déloyale) au service de demandes qui feraient rêver un scénariste d'Ally Mc Beal.
Mais comment les juges s'y sont pris ? Tout d'abord, l'arrêt de la Cour relate le travail des graphistes et en conclut qu'ils ne cherchaient pas à reproduire une version fidèle de Los Angeles, mais une version cartoonesque.
Il est rappelé, en gros, que, conformément à une jurisprudence bien établie (notamment à l'occasion d'une affaire qui opposa la chanson "I'm a Barbie girl in a Barbie world" à Mattel) qu'aucune sanction n'est encourue lorsque la violation de trade-mark a une valeur et un intérêt artistique et qu'elle ne crée aucune confusion.
Ensuite, la Cour compare méthodiquement le building imaginaire et le building réel, pour en déduire que l'immeuble du Pig Pen ne contient pas toutes les caractéristiques de celui du Play Pen; il manque notamment une façade en pierre, une grille en fer autour du parking et l'enseigne rouge, blanche et bleue qui affiche un trio de silhouette nue au dessus du logo du Play Pen ainsi que les termes "Totally Nude".
Puis, la Cour cherche :
- si la reproduction lointaine du club a une valeur artistique. Et la Cour juge que oui, que la reproduction cartoonesque d'un club de la ville permet à Rockstar, voire est le seul moyen qu'avait Rockstar, d'atteindre son but artistique qui n'était autre que développer une parodie cartoonesque de Los Angeles. Je vous avais déjà prévenu que les films de [k] étaient des oeuvres de l'esprit, le juge américain confirme que GTA est une oeuvre artistique.
- Si la reproduction créée un risque de confusion chez les joueurs, et la, les juges se lâchent et écrivent, dans leur arrêt, que non, aucun risque que le joueur imagine que Rockstar détienne le club Play Pen ou que Play Pen ait participé au financement du jeu, car le jeu San Andreas ne peut être vu comme complémentaire au club Play Pen. L'arrêt ajoute que les jeux vidéo et les clubs de strip-tease "ne vont pas de pair, comme un cheval et son attelage, ou, pardonnez la comparaison, comme l'amour et le mariage".
Alors, le droit, c'est pas rigolo ?
Voir la news (1 image, 0 vidéo ) (http://www.canardpc.com/news-30554-le__droit__c_est_rigolo.html)
Portalis me le pardonnera.
En revanche, je ne voudrais pas que ces Jurigeekiqueries vous fassent oublier l'importance du prétoire, la solennité des codes, la gravité des problématiques juridiques. Dans un cabinet d'avocat, vous recevez des personnes usées, blessées, qui viennent chercher un secours juridique qui, tout aussi efficace qu'il soit, ne guérira jamais les bleus de l'âme.
C'est que, voyez-vous, les piliers de la démocratie reposent entre les mains, parfois tremblantes, des acteurs du droit dans leur ensemble. Alors, autant vous dire que souvent, l'heure est grave.
Et puis, parfois, pas du tout. Mais alors, pas du tout du tout.
C'est que, parfois, alors que la fatigue, l'angoisse de n'avoir pas traité avec toute la finesse nécessaire les délicats rouages juridiques, alors que vous êtes empêtrés dans votre robe noire comme une mouette dans une nappe de mazout, vous tombez sur une jurisprudence qui éclaire votre journée et qui vous rappelle que, le droit c'est du sérieux, c'est de l'angoisse, c'est de l'émotion, mais c'est aussi beaucoup de fun.
Tenez, prenez par exemple la décision (http://www.scribd.com/share/upload/5112671/4x02kgyx77wsavgdx7r) récemment rendue par la Cour d'Appel de Californie, dans une affaire qui a opposé rien moins que le patron du club de streaptease de Los Angeles, le Play Pen à, je vous le donne en mille, Rockstar.
Non, parce que, on ne dirait pas comme ça, mais dans GTA San Andreas, les graphistes ont fait un beau boulot; ils ont modélisé grossièrement certes, mais modélisés quand même, plusieurs villes, dont Los Angeles, devenue Los Santos dans le jeu.
Du coup, certains lieux cultes de Los Angeles sont reproduits, par exemple le Play Pen, club de strip-tease à la mode, devenu dans le jeu le Pig Pen.
Le patron assigne donc Rockstar en justice, prétextant que c'est un détournement de la marque du club et de son logo, que cela crée une confusion dans l'esprit des joueurs quant au fait que le Play Pen ait participé ou pas au jeu et à la description du club Pig Pen.
Et là, le plus sérieusement du monde, des éminents juges se sont penchés sur le problème, ont tenté de déterminer si un lieu imaginaire pouvait impliquer la violation de droits appartenant à un lieu réel. Comme quoi, Néo aurait mieux fait de prendre un avocat pour lutter contre la matrice, plutôt que de se la péter super-endive-volante à long manteau noir.
Ce genre d'affaires est formidable, car elle implique de mettre de graves et sérieux principes juridiques (le 1er amendement dans cette affaire est en balance avec non moins que le Lanham Act, les lois sur le trade-mark infringement et celles sur la concurrence déloyale) au service de demandes qui feraient rêver un scénariste d'Ally Mc Beal.
Mais comment les juges s'y sont pris ? Tout d'abord, l'arrêt de la Cour relate le travail des graphistes et en conclut qu'ils ne cherchaient pas à reproduire une version fidèle de Los Angeles, mais une version cartoonesque.
Il est rappelé, en gros, que, conformément à une jurisprudence bien établie (notamment à l'occasion d'une affaire qui opposa la chanson "I'm a Barbie girl in a Barbie world" à Mattel) qu'aucune sanction n'est encourue lorsque la violation de trade-mark a une valeur et un intérêt artistique et qu'elle ne crée aucune confusion.
Ensuite, la Cour compare méthodiquement le building imaginaire et le building réel, pour en déduire que l'immeuble du Pig Pen ne contient pas toutes les caractéristiques de celui du Play Pen; il manque notamment une façade en pierre, une grille en fer autour du parking et l'enseigne rouge, blanche et bleue qui affiche un trio de silhouette nue au dessus du logo du Play Pen ainsi que les termes "Totally Nude".
Puis, la Cour cherche :
- si la reproduction lointaine du club a une valeur artistique. Et la Cour juge que oui, que la reproduction cartoonesque d'un club de la ville permet à Rockstar, voire est le seul moyen qu'avait Rockstar, d'atteindre son but artistique qui n'était autre que développer une parodie cartoonesque de Los Angeles. Je vous avais déjà prévenu que les films de [k] étaient des oeuvres de l'esprit, le juge américain confirme que GTA est une oeuvre artistique.
- Si la reproduction créée un risque de confusion chez les joueurs, et la, les juges se lâchent et écrivent, dans leur arrêt, que non, aucun risque que le joueur imagine que Rockstar détienne le club Play Pen ou que Play Pen ait participé au financement du jeu, car le jeu San Andreas ne peut être vu comme complémentaire au club Play Pen. L'arrêt ajoute que les jeux vidéo et les clubs de strip-tease "ne vont pas de pair, comme un cheval et son attelage, ou, pardonnez la comparaison, comme l'amour et le mariage".
Alors, le droit, c'est pas rigolo ?
Voir la news (1 image, 0 vidéo ) (http://www.canardpc.com/news-30554-le__droit__c_est_rigolo.html)