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Voir la version complète : Jurigeek eBay vacille: une pilule rouge pour tout comprendre - La suite de la....ah ben non, la fin



Grand_Maître_B
30/09/2008, 12h23
Je rêve d'un vrai simulateur d'avocat. Pas comme la série des Phoenix Wright, hein, mais un vrai de vrai, un jeu velu où il faudrait que le joueur "invoque" des articles d'une loi pour gagner, reconnaissez que ça nous changerait un peu des démons ailés. Dans mon jeu fantasmé, on pourrait balancer des malédictions procédurales sur l'adversaire, on utiliserait le glaive de la justice, on assignerait comme on jette un sort, ça serait le bonheur. Faut que je contacte Will Wright, je suis certain qu'il en parlerait mieux que moi. Et dans ce hit vidéoludique, le joueur pourrait tenter de s'abriter derrière le bouclier de la loi. Et puis, dés fois, ça ne marcherait pas du tout. Oui, comme pour eBay.


Épuisée, que dis-je, acculée, ayant tenté toutes les tactiques judiciaires possibles et imaginables, cette société tente son dernier va-tout en invoquant le statut d'hébergeur. Dans mon jeu, genre les Sims - lawyer extension meets Magic the Gathering online, la société eBay sortirait donc sa carte secrète "statut d'hébergeur/bouclier d'invincibilité" et les 4 filiales du luxe paniqueraient.


C'est que, voyez-vous, cette carte magique est incroyable : elle rappelle que l'article 6 de la fameuse loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, dispose que "Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne [...] ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites".


En conséquence, elles "ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicite ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible".


Oui, ce sont des grandes cartes, mais ça ne fait pas peur à Will Wright. Il faut savoir qu'avant cet article 6, le monde juridique se divisait sur la question de la responsabilité d'un hébergeur. Certains disaient que les considérer responsables de ce que les gens faisaient sur internet de l'espace qui leur était alloué était une hérésie, car les hébergeurs ne pouvaient pas tout contrôler. Que cela serait un frein à l'expansion d'internet. Que le coût de leur responsabilité impliquerait que une importante hausse des prix d'abonnement à leurs services. D'autres pensaient que les rendre responsables de ce que les gens faisaient des espaces alloués était le seul moyen de maîtriser un tant soit peu le cyberspace et d'éviter que l'endroit ne se transforme en un Mad Max numérique dans lequel les terroristes côtoieraient main dans la main les pédophiles.
Comme souvent, le législateur a coupé la poire en deux, à savoir que les hébergeurs ne sont pas responsables d'un acte illicite commis à leur insu, à l'inverse, leur responsabilité peut être mise en cause s'ils avaient eu connaissance de l'acte illicite et qu'ils n'ont rien fait pour l'empêcher.


eBay sort donc sa carte hébergeur et soutient ainsi qu'elle se contente de louer un espace pour qu'un vendeur et un acheteur puissent se trouver et qu'elle ne peut contrôler la légalité des millions de ventes qui sont ainsi conclues. Qu'en outre, elle prévient systématiquement ses membres des législations en vigueur, notamment en matière de lutte contre la contrefaçon.


Oui, mais les 4 demanderesses ont ainsi leur carte à jouer et les voilà invoquant une pluie d'arguments enflammés (un firewall argumentaire me souffle ce bon vieux Will) pour faire tomber la protection d'eBay.


C'est ainsi qu'elles plaident que eBay ne se contente pas d’effectuer une prestation de stockage, mais déploie une activité de courtier : "Attendu en effet qu’il est manifeste que eBay est un site de courtage et que les sociétés défenderesses [vous vous rappelez ? Il y a 2 eBay au procès, d'où le terme défenderesses au pluriel] ne peuvent bénéficier de la qualité d’intermédiaires techniques au sens de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique, car elles déploient une activité commerciale rémunérée sur la vente des produits aux enchères et ne limitent donc pas cette activité à celle d’hébergeur de sites internet qui permettrait à eBay de bénéficier des dispositions applicables aux seuls hébergeurs.".


Et la pluie de météores argumentationnels (oui, Will a la grande forme aujourd'hui) fait mouche, car le Tribunal tranche la question dans le sens des 4 filiales du luxe. Dans notre jeu à Will et à moi, lorsque le procès se termine, la justice apparaîtrait avec son glaive et, dans une cinématique à la RE 4 où il faut presser une succession de touches (je ne veux pas perdre le public casual), on pourrait lui faire exécuter une fatality du plus bel effet. Ou alors, je peux aussi m'allier avec le docteur kawashima et le joueur devrait, en un temps limité, reconstituer des phrases qui lui seraient présentés dans le désordre pour rétablir la sentence. le Joueur habile obtiendrait, dans le cas d'eBay, quelque chose comme cela:

"Attendu qu’ainsi le Tribunal constate que l’essence de la prestation de eBay est l’intermédiation entre vendeurs et acheteurs, que eBay met en place des outils destinés spécifiquement à assurer la promotion et le développement des ventes sur ses sites à travers des plates-formes, un "gestionnaire des ventes" avec création de "boutiques" en ligne, la possibilité de devenir "PowerSeller", que eBay est donc un acteur incontournable de la vente sur ses sites et joue un rôle très actif notamment par des relances commerciales pour augmenter le nombre de transactions générant des commissions à son profit, Attendu qu’il est démontré au travers des pièces et éléments fournis que eBay dispose d’un service commercial performant de courtage et constitue un acteur leader du commerce électronique, que ses prestations d’hébergement et de courtage sont indivisibles, car eBay n’offre un service de stockage des annonces que dans le seul but d’assurer le courtage, c’est-à-dire l’intermédiation entre les vendeurs et les acheteurs, et de recevoir la commission correspondante, Attendu en outre que le régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous le contrôle ou l’autorité de l’hébergeur comme c’est le cas en l’espèce, eBay agissant principalement en courtier et offrant un service qui, par sa nature, n’implique pas l’absence de connaissance et de contrôle des informations transmises sur ses sites, Attendu en conséquence que eBay, en sa qualité de courtier, ne bénéficie pas d’un statut dérogatoire au titre de sa responsabilité et relève donc, comme tout acteur du commerce, du régime commun de la responsabilité civile."


Oui, c'est peut-être trop hardcore finalement.


En gros donc, puisque eBay se rémunère sur les ventes, elle ne se contente pas d'être un simple hébergeur et par conséquent, elle perd le bénéfice de l'article 6.


Il ne reste plus au Tribunal qu'à constater que bien des produits se vendent par eBay en dehors des réseaux de distribution sélective mis en place par les sociétés du luxe, ce qui n'est pas bien difficile puisque les 4 demanderesses avaient des constats d'huissier à ce sujet, et la voilà condamnée aux très importantes sommes que nous connaissons.


Bon, après, comme dans tous bons jeux, le mien doit permettre au joueur qui a échoué de retenter sa chance sur la même partie. eBay a donc perdu une vie, mais il lui en reste encore: elle a donc fait appel.


La partie se rejouera donc et nous verrons si eBay a plus de succès !



Voir la news (1 image, 0 vidéo ) (http://www.canardpc.com/news-29369-ebay_vacille__une_pilule_rouge_pour_tout_comprendr e___la_suite_de_la____ah_ben_non__la_fin.html)

Gunthar Olafson
30/09/2008, 14h57
C'est marrant, tout le déroulement de cette procédure me semble étonnamment rapide quand on connaît la lenteur habituelle de la justice...

Darkfire8
30/09/2008, 15h48
C'est sur sur qu'un procès en révision bizarrement c'est plus lent ...

Grand_Maître_B
30/09/2008, 15h58
C'est marrant, tout le déroulement de cette procédure me semble étonnamment rapide quand on connaît la lenteur habituelle de la justice...

Disons que j'ai compressé la ligne temporelle pour la rendre plus digeste.

En réalité, la procédure s'est déroulée comme suit:

- Assignations des 22 septembre 2006 et du 2 octobre 2006
- conclusions du 26 avril 2007 d'eBay Inc. et eBay International AG
- conclusions en réponse du 13 septembre 2007 des 4 demanderesses
- conclusions du 20 décembre 2007 des sociétés eBay
- conclusions du 25 février 2008 à nouveau des sociétés eBay
- conclusions du 10 mars 2008 des 4 demanderesses
- conclusions du 7 avril 2008 des eBay
- conclusions du 14 avril 2008 des 4 demanderesses
- Audience de plaidoirie du 14 avril 2008
- Jugement du 30 juin 2008

Et oui, c'est long la justice.

Dar
30/09/2008, 16h12
Le suspens est à son comble, c'est trés bien tourné ca donne envie de connaitre la suite ;)

Yank31
30/09/2008, 16h30
Merci très cher Maître,


Dis moi j'ai quand même une question, du-moins me semble que ça bug à un moment :

Au niveau 6 de la LCEN, on me dit :

"En conséquence, elles 'ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée...' ".

Mais alors quid, je m'interroge, si l'exonération de responsabilité liée au statut d'hébergeur ne concerne que la matière pénale, mais alors... alors ne reste-t-il pas les autres natures de responsabilités ?

Ceci d'autant plus que dans un épisode précédant, je me souviens bien que les 4 mobs avaient excipés des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil, et que justement ça m'avait semblé louche, mais que le maître du jeu avait pourtant confirmé le bien fondé d'une telle attaque.

A ceci ajoutées les dispositions des articles 81 et suivants du Traité CE...

Et d'ailleurs même, la contrefaçon est codifiée dans le code de propriété intellectuelle isnt it ?


Tout ça pour dire : en quoi la resistance au pénal pouvait-elle interesser Ebay ? Puisque pour ce raid c'est manifestement du +civil resist qu'il faut ?


Nota bene : je sais que le bug n'est pas réellement génant en ce sens qu'on peut finir le niveau sans tomber dessus (d'ailleurs c'est le cas), mais bon, j'aimerai des éclaircissements.

Et congrats, hero !

Sampe
30/09/2008, 16h45
Et oui, c'est long la justice.
En l'espèce je ne trouve pas que la procédure ait été très longue, sachant que j'attends toujours un jugement pour un accident de voiture dont j'ai été victime en...2002.
Et encore je ne parle pas des autres péripéties judiciaires qui sont ponctuées de reports divers et variés que l'on subit par ailleurs.
Non, deux ans pour une grosse affaire, c'est peanuts, à croire que grands noms et gros sous accélèrent bizarrement la machine judiciaire.

Grand_Maître_B
30/09/2008, 16h50
Merci très cher Maître,


Dis moi j'ai quand même une question, du-moins me semble que ça bug à un moment :

Au niveau 6 de la LCEN, on me dit :

"En conséquence, elles 'ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée...' ".

Mais alors quid, je m'interroge, si l'exonération de responsabilité liée au statut d'hébergeur ne concerne que la matière pénale, mais alors... alors ne reste-t-il pas les autres natures de responsabilités ?

Ceci d'autant plus que dans un épisode précédant, je me souviens bien que les 4 mobs avaient excipés des dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil, et que justement ça m'avait semblé louche, mais que le maître du jeu avait pourtant confirmé le bien fondé d'une telle attaque.

A ceci ajoutées les dispositions des articles 81 et suivants du Traité CE...

Et d'ailleurs même, la contrefaçon est codifiée dans le code de propriété intellectuelle isnt it ?


Tout ça pour dire : en quoi la resistance au pénal pouvait-elle interesser Ebay ? Puisque pour ce raid c'est manifestement du +civil resist qu'il faut ?


Nota bene : je sais que le bug n'est pas réellement génant en ce sens qu'on peut finir le niveau sans tomber dessus (d'ailleurs c'est le cas), mais bon, j'aimerai des éclaircissements.

Et congrats, hero !

Tout d'abord, je suis super content de voir que vous suivez avec intérêt la chronique judiciaire, c'est génial.

Pour répondre à ta question, on va préciser à nos lecteurs que, effectivement, la responsabilité d'une personne peut être civile (contractuelle si la responsabilité vient d'un contrat, par exemple, ma responsabilité est engagée parce que j'ai reçu le paiement d'une vente mais je n'ai pas livré l'objet vendu), délictuelle si elle n'est pas issue d'un contrat, par exemple, je fais tomber par mégarde un pot de fleur sur quelqu'un et je le blesse légèrement) et/ou pénale (par exemple, on s'énerve et on se bastonne et l'un d'entre nous est blessé). a priori donc, il peut effectivement paraître étrange de s'abriter derrière un bouclier anti pénal (l'article 6) lorsqu'on est attaqué au civil (sur le plan délictuel comme c'est le cas dans l'affaire eBay, la violation d'un réseau de distribution sélective est délictuelle).

La réponse est la suivante: pour ne pas alourdir mes articles, je n'ai pas cité l'article 6 en son entier, dont le I.2 dispose que les hébergeurs "ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.".

C'est le I.3 qui dispose que les hébergeurs "ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.".

Par souci de rapidité, j'ai donc centré directement sur le I.3 car la contrefaçon étant un délit aussi pénal (et le Ministère public est d'ailleurs intervenu à l'audience par un réquisitoire qui n'ouvrait rien de bien intéressant pour cette chronique), eBay a tenté de se protéger sur tous les plans, civil et pénal et le pénal étant le plus grave, j'ai par réflexe, presque inconsciemment, mit en exergue celui-ci.

J'aurais pu citer les 2, mais c'est long. J'aurais pu aussi trouver une tournure pour englober les 2, mais c'est plus compliqué. Introduire la notion de civil/pénal pour ces articles n'avait guère d'intérêt, me semble-t-il, par rapport à la question générale du statut d'hébergeur et aux moyens dont eBay a usé pour se défendre.

Tout ceci me fait penser qu'on peut fonctionner dorénavant comme suit:
mes chroniques jurigeek resteront, je l'espère, simples et en même temps suffisamment pointues pour intéresser/instruire tout le monde.

Lorsqu'un d'entre vous à un doute ou ne comprend pas bien un point, je l'éclaircis (du moins, à nouveau, je l'espère) ce qui ouvre d'autres discussions qui peuvent être intéressantes. Et ainsi de suite, ça sera de plus en plus complexe, mais tant que ça intéresse des canards (bon après, faut pas qu'on soit que 3), c'est génial.

Grand_Maître_B
30/09/2008, 17h09
En l'espèce je ne trouve pas que la procédure ait été très longue, sachant que j'attends toujours un jugement pour un accident de voiture dont j'ai été victime en...2002.
Et encore je ne parle pas des autres péripéties judiciaires qui sont ponctuées de reports divers et variés que l'on subit par ailleurs.
Non, deux ans pour une grosse affaire, c'est peanuts, à croire que grands noms et gros sous accélèrent bizarrement la machine judiciaire.

ouhla, attends, il y a appel, après il y aura cassation puis peut être renvoi à une autre Cour d'appel....c'est loin d'être terminé, crois-moi!

laskov
30/09/2008, 17h14
déjà le dernier épisodes ? ouin quoi... peut étres une nouvelle saison ?

Yank31
30/09/2008, 17h16
Ah non mais en plus tu réponds desuite... bon ben c'est magnifique quoi.


Ok pour le patch 1.2, le coup du shield penal only me semblait étrange.

Merci pour tes éclaircissements, entièrement d'accord sur le fait qu'il ne faut pas surcharger tes articles. C'est juste que ça m'a titillé.


Bon et si j'ai bien compris faut que je recrute 3 potes pour pouvoir continuer à pinailler :p

Gunthar Olafson
30/09/2008, 17h21
Ok, ça a donc pris 2 ans pour l'instant, ça me semble plus normal... Rapide quand même, mais là j'avais l'impression que toute l'affaire avait été "réglée" en 2 semaines !


il y a appel, après il y aura cassation puis peut être renvoi à une autre Cour d'appel
Donc y'en a encore pour quelques années avant qu'ils payent si le jugement ne change pas à priori ?

Grand_Maître_B
30/09/2008, 17h35
Ok, ça a donc pris 2 ans pour l'instant, ça me semble plus normal... Rapide quand même, mais là j'avais l'impression que toute l'affaire avait été "réglée" en 2 semaines !


Donc y'en a encore pour quelques années avant qu'ils payent si le jugement ne change pas à priori ?

nope; le jugement est assorti de "l'exécution provisoire", ce qui signifie que, même si eBay fait appel, elle doit payer. En revanche, si eBay gagne ultérieurement, les 4 filiales de LVMH devront lui rembourser l'argent versé, avec intérêts bien sur.

Linque
30/09/2008, 17h49
On devine que le final round se déroulera sur la map "5 quai de l' Horloge" .
Sinon dans combien de temps la Cour d'appel statuera t-elle sur cette affaire ?
Quelque chose me dit que l'on aura pas de nouvel épisode à se mettre sous la dent avant longtemps.

flbl
30/09/2008, 19h23
Si j'ai bien compris, ebay a été débouté de sa défense parce que son service d'hébergement est indivisible de son activité de courtage, est ce qu'on peut en déduire que si l'activité d'hebergement pouvait être séparée de celle de courtage, ebay aurait pu profiter du bouclier fiscal légal pour hébergeur ?

Et autre demande de précisions, le jugement nous dit que ebay ne peut pas profiter de la protection de l'article 6 car les utilisateurs d'ebay agissent sous le contrôle ou l'autorité d'ebay:


eBay agissant principalement en courtier et offrant un service qui, par sa nature, n’implique pas l’absence de connaissance et de contrôle des informations transmises sur ses sites

Et là je ne vois absolument pas en quoi la nature du service fourni par ebay n'implique pas blabla... En fait il me semble que ce même argumentaire pourrait être utilisé en l'état envers n'importe quel hébergeur de contenu.

Grand_Maître_B
01/10/2008, 01h55
Si j'ai bien compris, ebay a été débouté de sa défense parce que son service d'hébergement est indivisible de son activité de courtage, est ce qu'on peut en déduire que si l'activité d'hebergement pouvait être séparée de celle de courtage, ebay aurait pu profiter du bouclier fiscal légal pour hébergeur ?

Et autre demande de précisions, le jugement nous dit que ebay ne peut pas profiter de la protection de l'article 6 car les utilisateurs d'ebay agissent sous le contrôle ou l'autorité d'ebay:



Et là je ne vois absolument pas en quoi la nature du service fourni par ebay n'implique pas blabla... En fait il me semble que ce même argumentaire pourrait être utilisé en l'état envers n'importe quel hébergeur de contenu.

Ok je m'en occupe, demain si je peux mais pas sûr, car j'ai un gros prud'hommes à plaider! :rolleyes:

Bootsy
01/10/2008, 14h27
Et celle la tu l'as faite grand maitre?

"Pourquoi, Mrs. Gutman, vos lettres commencent-elles toutes par "Cher David et Goliath"?" :p

Sampe
01/10/2008, 17h19
ouhla, attends, il y a appel, après il y aura cassation puis peut être renvoi à une autre Cour d'appel....c'est loin d'être terminé, crois-moi!
Oui ça je m'en doute, j'ai eu quelques cours de droit alors j'ai une idée du temps que ça peut prendre si tous les recours sont mis en oeuvre (dans le pire des cas la procédure pourrait même durer 15 ans si on va par là).
Mais 2 ans, pour une affaire de cette ampleur, je trouve ça rapide tout de même (surtout si on considère que ça fait presque 7 ans que j'attends un jugement en première instance).

Narushima
01/10/2008, 21h50
Merci pour cette chouette saga, Grand Maître; qui eu cru que les rouages de la justice puisse être intéressants ?
Par contre, et désolé si ça a déjà été dit, mais à quelle date aura lieu le procès en appel ?

Grand_Maître_B
01/10/2008, 23h42
Oui ça je m'en doute, j'ai eu quelques cours de droit alors j'ai une idée du temps que ça peut prendre si tous les recours sont mis en oeuvre (dans le pire des cas la procédure pourrait même durer 15 ans si on va par là).
Mais 2 ans, pour une affaire de cette ampleur, je trouve ça rapide tout de même (surtout si on considère que ça fait presque 7 ans que j'attends un jugement en première instance).

Crois en mon expérience, c'est ton cas qui est atypique. 7 ans pour un jugement, c'est rare et ne se justifie que pour les énormes affaires avec expertise etc....tu n'as pas de chance, la moyenne étant de 18 à 24 mois.


Merci pour cette chouette saga, Grand Maître; qui eu cru que les rouages de la justice puisse être intéressants ?
Par contre, et désolé si ça a déjà été dit, mais à quelle date aura lieu le procès en appel ?

Ouhla, on ne sait pas encore malheureux. Je dirais pas avant une bonne année au moins!

train
02/10/2008, 08h28
Tout d'abord, je suis super content de voir que vous suivez avec intérêt la chronique judiciaire, c'est génial.

Pour répondre à ta question, on va préciser à nos lecteurs que, effectivement, la responsabilité d'une personne peut être civile (contractuelle si la responsabilité vient d'un contrat, par exemple, ma responsabilité est engagée parce que j'ai reçu le paiement d'une vente mais je n'ai pas livré l'objet vendu), délictuelle si elle n'est pas issue d'un contrat, par exemple, je fais tomber par mégarde un pot de fleur sur quelqu'un et je le blesse légèrement) et/ou pénale (par exemple, on s'énerve et on se bastonne et l'un d'entre nous est blessé). a priori donc, il peut effectivement paraître étrange de s'abriter derrière un bouclier anti pénal (l'article 6) lorsqu'on est attaqué au civil (sur le plan délictuel comme c'est le cas dans l'affaire eBay, la violation d'un réseau de distribution sélective est délictuelle).

La réponse est la suivante: pour ne pas alourdir mes articles, je n'ai pas cité l'article 6 en son entier, dont le I.2 dispose que les hébergeurs "ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.".

C'est le I.3 qui dispose que les hébergeurs "ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.".

Par souci de rapidité, j'ai donc centré directement sur le I.3 car la contrefaçon étant un délit aussi pénal (et le Ministère public est d'ailleurs intervenu à l'audience par un réquisitoire qui n'ouvrait rien de bien intéressant pour cette chronique), eBay a tenté de se protéger sur tous les plans, civil et pénal et le pénal étant le plus grave, j'ai par réflexe, presque inconsciemment, mit en exergue celui-ci.

J'aurais pu citer les 2, mais c'est long. J'aurais pu aussi trouver une tournure pour englober les 2, mais c'est plus compliqué. Introduire la notion de civil/pénal pour ces articles n'avait guère d'intérêt, me semble-t-il, par rapport à la question générale du statut d'hébergeur et aux moyens dont eBay a usé pour se défendre.

Tout ceci me fait penser qu'on peut fonctionner dorénavant comme suit:
mes chroniques jurigeek resteront, je l'espère, simples et en même temps suffisamment pointues pour intéresser/instruire tout le monde.

Lorsqu'un d'entre vous à un doute ou ne comprend pas bien un point, je l'éclaircis (du moins, à nouveau, je l'espère) ce qui ouvre d'autres discussions qui peuvent être intéressantes. Et ainsi de suite, ça sera de plus en plus complexe, mais tant que ça intéresse des canards (bon après, faut pas qu'on soit que 3), c'est génial.

Je suis ébahi. Raconté et condensé de cette façon ça réconcilie avec un métier parfois méconnu ! Eh oui celui d'avocat demande du temps, de l'énergie, une grande souplesse intellectuelle et requiert une bonne connaissance de la stratégie. Bravo Grand Maître B ! Vivement la suite.:happy2:

Sampe
02/10/2008, 20h59
Crois en mon expérience, c'est ton cas qui est atypique. 7 ans pour un jugement, c'est rare et ne se justifie que pour les énormes affaires avec expertise etc....tu n'as pas de chance, la moyenne étant de 18 à 24 mois.

Je n'en doute pas une seconde, tu es bien mieux placé que moi pour pouvoir en parler ;)

flbl
02/10/2008, 23h26
Ok je m'en occupe, demain si je peux mais pas sûr, car j'ai un gros prud'hommes à plaider! :rolleyes:

Aujourd'hui on est déjà demain...

Eve
03/10/2008, 09h53
Décidément, je me dois de redire ce que d'autres canards on déjà dit, mais les articles de GMB sont vraiment bons.

Le découpage de l'affaire est très bien fait, ce qui participe à l'intérêt du lecteur, qui ne se voit pas envoyer un énorme pavé dans les gencives sans rien biter.

Si en plus GMB assure le SAV de ces articles en répondant aux interrogations canardesques sur le forums, n'est jetez plus ! Je signe. :)

Grand_Maître_B
03/10/2008, 10h43
Si j'ai bien compris, ebay a été débouté de sa défense parce que son service d'hébergement est indivisible de son activité de courtage, est ce qu'on peut en déduire que si l'activité d'hebergement pouvait être séparée de celle de courtage, ebay aurait pu profiter du bouclier fiscal légal pour hébergeur ?

Théoriquement oui, tu as raison. On appelle cela une interprétation a contrario. si ebay voit sa défense rejetée parce que son service d'hébergement est indivisible de son activité de courtage, a contrario, cela implique que si l'activité d'hébergement pouvait être séparée de celle de courtage, ebay aurait pu s'exonérer de toute responsabilité. Bon, après, faut voir concrètement ce que ça donne. A mon avis, en pratique, une activité comme celle d'ebay implique un cumul hébergeur/courtage. L'un ne va pas sans l'autre. Sauf si ebay ne se rémunérait pas sur les ventes bien sur, et se contentait de se rémunérer sur de la pub par exemple, et en offrant simplement un espace de rencontre vendeur/acheteur. Mais dans ce cas, ça ne serait plus ebay :rolleyes:



Et autre demande de précisions, le jugement nous dit que ebay ne peut pas profiter de la protection de l'article 6 car les utilisateurs d'ebay agissent sous le contrôle ou l'autorité d'ebay:
Et là je ne vois absolument pas en quoi la nature du service fourni par ebay n'implique pas blabla... En fait il me semble que ce même argumentaire pourrait être utilisé en l'état envers n'importe quel hébergeur de contenu.

Alors, reprenons ce que dit le jugement

"Attendu en outre que le régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous le contrôle ou l’autorité de l’hébergeur comme c’est le cas en l’espèce, eBay agissant principalement en courtier et offrant un service qui, par sa nature, n’implique pas l’absence de connaissance et de contrôle des informations transmises sur ses sites"

Le Tribunal considère donc que, c'est à nouveau sa qualité de courtier qui implique que ebay connaisse et contrôle les infos transmises sur son site. Pourquoi ? parce qu'en tant que courtier, il met en scène les ventes et se rémunère dessus. Prenant de l'argent sur chaque vente, ebay ne peut ignorer, elle est par hypothèse alertée par, les produits vendus.

en simplifiant donc: IF ebay est un courtier THEN ebay contrôle et surveille ce qui se vend, puisque c'est comme cela qu'elle gagne son argent THEN elle perd la protection de l'article 6 qui s'exclut d'elle-même, selon le texte même de l'article 6, lorsque l'hébergeur contrôle et surveille l'info. (oui, j'ai programmé des pong et des Tron en BASIC quand j'étais jeune :rolleyes: )

Et l'on voit donc que ce raisonnement ne peut s'appliquer à tous les hébergeurs, loin de là, puisqu'ils ne contrôlent jamais ni ne surveillent (ni même ne peuvent surveiller) l'utilisation que leurs clients font de l'espace qu'ils louent.

Jeckhyl
03/10/2008, 13h11
Disons que j'ai compressé la ligne temporelle pour la rendre plus digeste.

Un super-pouvoir que toute la rédac doit t'envier au moment des bouclages.

flbl
03/10/2008, 13h52
En fait je pensais plus à une sorte montage avec un cloisonnement des activités dans plusieurs sociétés "écran", avec une société qui s'ocupe de l'activité d'hébergement et une autre qui s'occupe de l'activé de courtage. Avec une magouille du type: la société qui s'occupe de l'activité d'hébergement facture le service à la société de courtage proportionnellement à son chiffre d'affaires. Du coup la société qui fournit l'hébergement profite du statut d'hébergeur et celle qui s'occupe du courtage n'a pas les moyens de payer.

Ça ne serait pas si surprenant que ça puisque d'une certaine manière c'est déjà ce qu'ils font avec paypal (qui engrange un pourcentage non négligeable des transactions de contrefaçons mais qui n'a pas été inquiétée au procès.)

Du point de vue technique, que ce soit une activité de courtage ou une activité d'hébergement, il s'agit de processus en majeure partie automatisée et pour contrôler ce qui s'y passe il s'agit d'un processus manuel. Qu'il s'agisse de contrôler de milliers de pages web de clients ou de milliers de pages web d'annonce de vente, la problématique reste plus ou moins la même: ce n'est pas possible de le faire à la main.

Je reste dubitatif quand aux jugements basés sur la LCEN, déjà zadig vs google vidéo ça avait donné lieu à une dérive du même ordre*. A quand une formation technique obligatoire pour l'organe judiciaire appelé à statuer sur des faits en rapports avec internet et l'informatique ?

* Pour qui n'ont pas suivi cette affaire là, zadig à constaté qu'une de leurs production était disponible sur google vidéo, ils notifient, google enlève le contenu prestemment, quelqu'un réuploade la vidéo sur google vidéo, ils renotifient, google retire dans la foulée mais zadig assigne google au tribunal qui décide que google a été notifié ue fois de la présence du contenu et qu'en conséquences il devait faire en sorte que ce contenu ne puisse pas être remis en ligne (impossible avec la net neutrality, impossible sans DRM, impossible sans transformer complètement internet en un énorme organe centralisé de surveillance et de contrôle de tout ce qui s'y passe).

Grand_Maître_B
03/10/2008, 15h29
En fait je pensais plus à une sorte montage avec un cloisonnement des activités dans plusieurs sociétés "écran", avec une société qui s'ocupe de l'activité d'hébergement et une autre qui s'occupe de l'activé de courtage. Avec une magouille du type: la société qui s'occupe de l'activité d'hébergement facture le service à la société de courtage proportionnellement à son chiffre d'affaires. Du coup la société qui fournit l'hébergement profite du statut d'hébergeur et celle qui s'occupe du courtage n'a pas les moyens de payer.

Ça ne serait pas si surprenant que ça puisque d'une certaine manière c'est déjà ce qu'ils font avec paypal (qui engrange un pourcentage non négligeable des transactions de contrefaçons mais qui n'a pas été inquiétée au procès.)

Du point de vue technique, que ce soit une activité de courtage ou une activité d'hebregement, il s'agit de processus en majeure partie automatisée et pour contrôler ce qui s'y passe il s'agit d'un processus manuel. Qu'il s'agisse de contrôler de milliers de pages web de clients ou de milliers de pages web d'annonce de vente, la problématique reste plus ou moins la même: ce n'est pas possible de le faire à la main.

Je reste dubitatif quand aux jugements basés sur la LCEN, déjà zadig vs google vidéo ça avait donné lieu à une dérive du même ordre*. A quand une formation technique obligatoire pour l'organe judiciaire appelé à statuer sur des faits en rapports avec internet et l'informatique ?

* Pour qui n'ont pas suivi cette affaire là, zadig à constaté qu'une de leurs production était disponible sur google vidéo, ils notifient, google enlève le contenu prestemment, quelqu'un réuploade la vidéo sur google vidéo, ils renotifient, google retire dans la foulée mais zadig assigne google au tribunal qui décide que google a été notifié ue fois de la présence du contenu et qu'en conséquances il devait faire en sorte que ce contenu ne puisse pas être remis en ligne (impossible avec la net neutrality, impossible sans DRM, impossible sans transformer complètement internet en un énorme organe centralisé de surveillance et de contrôle de tout ce qui s'y passe).

Exact. Ton montage pourrait fonctionner...sauf si quelqu'un prouve que c'est un montage, et que derrière se cache la même entité. Mais d'expérience, je peux t'assurer que prouver la fictivité d'une personne morale c'est ultra galère. Donc ton idée pourrait bien tenir la route.

Quant à ton autre point, rappelons ce que dit la loi

"Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile [ou pénale] engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible."

La loi impose donc à un hébergeur qui est alerté par un contenu illicite de retirer les données ou en rendre l'accès impossible. Donc, si google vidéo est alerté d'une vidéo illicite, qu'il la supprime, qu'elle est re-uploadé etc...il viole la loi française qui lui impose d'en rendre l'accès impossible.

Ce n'est donc pas une dérive mais une application de la loi. Après, tu peux dire que le législateur dérive, lui, qu'il ne comprend pas les difficultés qu'un hébergeur comme google vidéo ou youtube rencontre pour surveiller etc... D'une, à mon avis c'est pas tout à fait vrai, je pense qu'il y a des moyens technologiques de surveiller les données qui sont connues par l'hébergeur comme étant illicites, mais ça coûte bcp d'argent et les hébergeurs n'ont pas envie de payer pour ça et en outre, cela peut dériver vers une surveillance générale du web à laquelle je suis violemment hostile.

De deux, nous entrons dans un champ politique qui n'intéresse pas la rubrique Jurigeek. J'ai déjà bien à faire avec les lois applicables, si en plus on discute de leur pertinence, je suis cuit :rolleyes:

flbl
03/10/2008, 19h02
Mon idée, mon idée, c'est vite dit, elle me vient des magouilles d'Alexandre Fur et du cas pere-noel.fr (http://www.paranos.com/entreprises/perenoel.html). Il parait aussi que ça partie des choses qu'on apprends à faire dans les grandes écoles. :ninja:

Tût tût cher maitre, là il me semble que vous faites une erreur d'interprétation, quand le texte parle de "rendre l'accès impossible" c'est pour les cas où pour une raison ou une autre, il n'est pas possible à l'hébergeur de supprimer l'objet du litige, il mette en place un moyen technique pour empêcher le public d'y accéder. En plus il y a un "ou" qui laisse le choix entre les deux solutions et google a respecté la loi en appliquant le premier choix.

Il n'appartient pas à l'hébergeur de mettre en oeuvre des moyens pour empécher qu'un contenu soit à nouveau remis en ligne, je rappelle l'alinéa 7 Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

Mais quand je parlais de dérive je pensais surtout à l'alinéa 5 qui dit clairement que la localisation précise de l'objet du litige est requise pour qu'on puisse considérer qu'il y a connaissance du fait litigieux.

Mais tout ça est bien mieux expliqué dans cet article de juriscom (http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=976).

Grand_Maître_B
03/10/2008, 23h12
Tût tût cher maitre, là il me semble que vous faites une erreur d'interprétation, quand le texte parle de "rendre l'accès impossible" c'est pour les cas où pour une raison ou une autre, il n'est pas possible à l'hébergeur de supprimer l'objet du litige, il mette en place un moyen technique pour empêcher le public d'y accéder. En plus il y a un "ou" qui laisse le choix entre les deux solutions et google a respecté la loi en appliquant le premier choix.

Il n'appartient pas à l'hébergeur de mettre en oeuvre des moyens pour empécher qu'un contenu soit à nouveau remis en lign je rappelle l'alinéa 7 Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

Mais quand je parlais de dérive je pensais surtout à l'alinéa 5 qui dit clairement que la localisation précise de l'objet du litige est requise pour qu'on puisse considérer qu'il y a connaissance du fait litigieux.

Mais tout ça est bien mieux expliqué dans cet article de juriscom (http://www.juriscom.net/actu/visu.php?ID=976).


Mmmm, je ne suis pas d'accord ^_^ D'abord l'alinéa 7 est justement écarté quand l'hébergeur a connaissance d'un contenu illicite, donc pas la peine de l'invoquer dans ce cas. Et tu imagines la plaidoirie ? Dire que l'hébergeur, qui est informé de ce qu'un contenu est illicite doit l'effacer, mais qu'il n'a pas l'obligation d'empêcher que le contenu apparaisse à nouveau ? Autant dire que dans ce cas, la loi qui oblige l'hébergeur à effacer le contenu illicite ne sert à rien (car évidemment, n'importe quel gogol peut remettre un contenu illicite en permanence, aussitôt effacé). Quand au "ou" de la loi, ce n'est ni à toi, ni à moi de l'interpréter mais au juge. et ce dernier peut très bien décider que ce n'est pas un ou alternatif mais subsidiaire. c'est : l'hébergeur doit effacer les données illicites ou les rendre impossibles d'accès (notamment si, justement, les effacer ne sert à rien parce que les données sont ré-uploadées en permanence).

En résumé, l'esprit de la loi est de s'assurer de ce que l'hébergeur fasse tout ce qui est en son pouvoir pour écarter du public l'accès à des données illicites. Se contenter de dire "je les ai effacées mais elles sont revenues ce n'est pas ma faute" n'a pas marché et, à mon avis, n'aura que peu de chances de marcher devant un tribunal, car ça baffoue trop le sens de la loi.

Mais à nouveau, ne perdons pas de vue que tout peut se plaider devant un juge et que c'est à lui de décider. Donc ton argumentation pourrait être soutenue, tout comme celle de juriscom au sujet de l'article 6 I 8 de la LCEN. A mon avis, elle a peu de chance de passer pour les raisons que je décrivais, mais comme a dit l'autre "sur un malentendu, ça peut marcher" :)

flbl
04/10/2008, 01h14
C'est vrai que c'est au juge qu'incombe la tâche de l'interprétation de la loi, et nul doute ô grand maîîître que vous êtes plus à même que moi de savoir ce qu'il en mais pour m'être intéréssé de prêt et avoir pris part active à tout ce qui touche à la legislation et à Internet depuis l'affaire d'Estelle contre Valentin, j'ai suivi de très prêt le déroulement des événements qui ont transformé le projet de loi Fontaine en LCEN.

Aussi, je me permets de replacer ce texte dans son contexte et de faire un petit retour en arrière quand face l'absurdité du texte, les FAI et hébergeurs avaient annoncé leur intention de débrancher tous les services lié à internet (chat, forums, sites persos, etc.).

Je suis formel sur l'intention du texte concernant la non-obligation des hébergeurs d'empêcher un contenu d'être remis en ligne, ça fait partie des exigences des FAI et hebergeurs pour lesquelles ils ont obtenu raison après la rencontre de leurs réprésentants avec le gouvernement (rencontre dont ont été tenus à l'écart les internautes et les associations les représentants).

La phrase qui modulait ainsi les disposition de l'alinéa 7: «Toutefois, [ils] mettent en oeuvre les moyens conformes à l'état de l'art pour empêcher la diffusion de données constitutives des infractions», modulation qui couvrait sans conteste le cas de remise en ligne d'un contenu illicite, a heureusement été retirée du texte de loi final. Mais rien n'a été ajouté pour couvrir le cas d'un contenu qui serait remis en ligne, une pratique qui a semble t'il pas été envisagée.

Car il ne faut pas oublier que ce texte de loi est une vieillerie datant d'avant youtube et de l'explosion sur le net et en France des modèles communautaires "2.0" qui l'a rendu inadapté, pour ne pas dire obsolète pour de nombreux usages qui sont devenus monnaie courante.

C'est là un des gros défaut de la loi face à Internet, elle est beaucoup trop rigide pour être cohérente face à un média en perpétuelle évolution et dont les mécanismes changent rapidement.

Et comme le montre le cas de google vidéo qui se retrouve responsable et condamné pour quelque chose qui n'est pas de son fait contre lequel elle ne peut rien faire sinon fermer son service, les craintes de l'époque se retrouvent confirmée et cette loi sert à soutirer de l'argent aux acteurs d'internet qui en ont.

Mais pour en revenir à la discussion, je suis formel l'esprit de cette loi n'est pas (ou plutôt n'est plus) d'obliger l'hébergeur à empêcher qu'un contenu soit remis en ligne, c'est en fait tout le contraire (et je ne suis pas le seul à le penser et à le dire: lien french-law.net (http://french-law.net/google-video-held-liable-for-the-copyright-infringement-of-tranquility-bay-tgi-paris-19-octobre-2007.html#t4)), mais un certain nombres de décisions commencent à former une jurisprudence qui va effectivement dans ce sens.

Pour la petite anecdote, la première tentative d'insérer la notion d'empêcher l'accès au contenu remonte à la loi du 1er août 2000 qui avait fait suite à l'affaire altern et avait été déclaré non conforme à la consititution par le conseil constitutionnel, comme quoi avec un peu de temps et de persévérance...

« - si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu ;
- [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 2000-433 DC du 27 juillet 2000]

Et je rajoute "quads et oliviers" parce que j'ai subi un traumatisme récent et que mon thérapeute me conseille d'exterioriser pour aider à surmonter.

Grand_Maître_B
04/10/2008, 11h41
C'est vrai que c'est au juge qu'incombe la tâche de l'interprétation de la loi, et nul doute ô grand maîîître que vous êtes plus à même que moi de savoir ce qu'il en mais pour m'être intéréssé de prêt et avoir pris part active à tout ce qui touche à la legislation et à Internet depuis l'affaire d'Estelle contre Valentin, j'ai suivi de très prêt le déroulement des événements qui ont transformé le projet de loi Fontaine en LCEN.

Aussi, je me permets de replacer ce texte dans son contexte et de faire un petit retour en arrière quand face l'absurdité du texte, les FAI et hébergeurs avaient annoncé leur intention de débrancher tous les services lié à internet (chat, forums, sites persos, etc.).

Je suis formel sur l'intention du texte concernant la non-obligation des hébergeurs d'empêcher un contenu d'être remis en ligne, ça fait partie des exigences des FAI et hebergeurs pour lesquelles ils ont obtenu raison après la rencontre de leurs réprésentants avec le gouvernement (rencontre dont ont été tenus à l'écart les internautes et les associations les représentants).

La phrase qui modulait ainsi les disposition de l'alinéa 7: «Toutefois, [ils] mettent en oeuvre les moyens conformes à l'état de l'art pour empêcher la diffusion de données constitutives des infractions», modulation qui couvrait sans conteste le cas de remise en ligne d'un contenu illicite, a heureusement été retirée du texte de loi final. Mais rien n'a été ajouté pour couvrir le cas d'un contenu qui serait remis en ligne, une pratique qui a semble t'il pas été envisagée.

Car il ne faut pas oublier que ce texte de loi est une vieillerie datant d'avant youtube et de l'explosion sur le net et en France des modèles communautaires "2.0" qui l'a rendu inadapté, pour ne pas dire obsolète pour de nombreux usages qui sont devenus monnaie courante.

C'est là un des gros défaut de la loi face à Internet, elle est beaucoup trop rigide pour être cohérente face à un média en perpétuelle évolution et dont les mécanismes changent rapidement.

Et comme le montre le cas de google vidéo qui se retrouve responsable et condamné pour quelque chose qui n'est pas de son fait contre lequel elle ne peut rien faire sinon fermer son service, les craintes de l'époque se retrouvent confirmée et cette loi sert à soutirer de l'argent aux acteurs d'internet qui en ont.

Mais pour en revenir à la discussion, je suis formel l'esprit de cette loi n'est pas (ou plutôt n'est plus) d'obliger l'hébergeur à empêcher qu'un contenu soit remis en ligne, c'est en fait tout le contraire (et je ne suis pas le seul à le penser et à le dire: lien french-law.net (http://french-law.net/google-video-held-liable-for-the-copyright-infringement-of-tranquility-bay-tgi-paris-19-octobre-2007.html#t4)), mais un certain nombres de décisions commencent à former une jurisprudence qui va effectivement dans ce sens.

Pour la petite anecdote, la première tentative d'insérer la notion d'empêcher l'accès au contenu remonte à la loi du 1er août 2000 qui avait fait suite à l'affaire altern et avait été déclaré non conforme à la consititution par le conseil constitutionnel, comme quoi avec un peu de temps et de persévérance...


Et je rajoute "quads et oliviers" parce que j'ai subi un traumatisme récent et que mon thérapeute me conseille d'exterioriser pour aider à surmonter.

hé hé, j'apprécie ton enthousiasme. Cet échange me permet d'expliquer à nos amis canards que le métier d'avocat, c'est surtout l'échange contradictoire. Je ne suis pas là pour dire la loi, c'est le rôle du juge. je suis là pour convaincre le juge d'une interprétation de la loi favorable pour mon client, c'est une nuance terrible. Et mon travail dans ces forums est surtout de vous éclairer sur des jurisprudences importantes dans notre domaine (comme pour le cas d'ebay), sans les critiquer obligatoirement (bien que je le pourrais, car je suis aussi docteur en droit et donc habilité à émettre des avis de doctrine B) ).

Alors résumons: si j'étais coté ayant droit, je plaiderais ce qui a été plaidé et j'ajouterais en argument fondamental que, quelles que soient les arguments développés de l'autre côté de la barre (c'est à dire par toi :) ), cela prive la loi de tout effet. Car, à nouveau, quelles que soient les raisons invoquées, si l'hébergeur se contente d'effacer des données illicites sans se préoccuper de leur retour instantané, le public y a donc toujours accès. Or, la loi a pour but d'empêcher l'accès du public à un contenu illicite sur lequel l'hébergeur a été alerté, point barre. Pour l'instant, vu le jugement rendu dans l'affaire google vidéo, je gagnerais ;)

Si j'étais coté google vidéo, je tournerais fort probablement autour de l'argumentation que tu expliquais. J'éviterais une approche trop textuelle de la lettre de la loi, que les juges n'apprécient pas toujours. Ces derniers visent surtout à ce que la loi ait l'effet souhaité par le législateur. Mais dans l'ensemble, j'irais dans ton sens je pense.

Maintenant, mon avis juridique perso c'est que ton analyse de la loi, et celle d'autres d'ailleurs, m'apparaît la priver, comme je le disais, de tout effet. Si j'étais ayant droit, que j'alertais google vidéo de ce qu'une vidéo me cause du tort, qu'il l'efface, que je la revois dans la minute qui suit, que je les recontacte, qu'il l'efface à nouveau mais que je la revois encore dans la minute qui suit, je ne me sens pas protégé par la loi qui pourtant, est faite pour ça, du moment que j'ai alerté l'hébergeur. Alors, on peut me dire tout ce qu'on veut, invoquer les travaux parlementaires et les procédures en référé à loisir, il n'empêche que la loi ne me sert à rien, si l'hébergeur n'est pas condamné à rendre l'accès impossible aux données illicites que je lui indique .

Après, n'oublions pas que je n'ai ni raison ni tort, pas plus que toi. Pour cela, il faudrait que nous soyons dans un procès et qu'un juge me donne définitivement raison/tort pour que je crie victoire/défaite :rolleyes:

En tous les cas, à nouveau, j'apprécie votre enthousiasme à tous ainsi que nos échanges. Continuons dans cette voie.

flbl
04/10/2008, 13h49
Je suis tout à fait d'accord, cette loi dans son esprit originelle est nulle (dans le sens "privé de tout effet") pour les sites de type google vidéo, c'est ce que je voulais dire en la disant inadaptée et obsolète.

Je ne sais pas si ça se pratique, mais si j'avais eu à défendre cette affaire, j'aurais amené l'avocat de la partie adverse à amener cet argument pour ensuite aller complètement dans son sens pour conclure qu'au vu des changements et de la situation actuelle on ne peut statuer sur ce cas et qu'il faut renvoyer la balle au législateur pour qu'il revoit sa copie. Tout en ça argumenté avec avis d'experts et en montrant comment youtube à significativement changé l'usage d'internet, et en rappelant que dans l'affaire altern la cour d'appel a donné raison à Valentin Lacambre sur l'impossibilité matérielle de vérifier tous les contenus à tout instant.

Le juge m'aurait probablement débouté en disant qu'un tribunal n'est l'endroit pour ce genre de chose et mon client aurait probablement été condamné, j'aurais perdu confiance dans la justice de mon pays et fini errant sans but le long des trottoirs où je passerais le reste de ma vie à ne pas dire "cay tro pinjuste (http://www.altern.org/alternb/defense/calimoreau)" pour ne pas qu'on me demande des centaines de milliers d'euros pour contrefaçon. The End.

Ou alors je serais passé du coté obscur et aurait démarré une activité de consultant en société écran à vocation de contourner la loi française, une méthode qui a fait ses preuves puisque c'est celle utilisée pour le financement des par... , mais je m'égare dans un tout autre sujet.

Revenons à notre discussion car j'ai une question: la jurisprudence va dans le sens de l'obligation d'émpêcher qu'un contenu précédemment signalé soit mis à nouveau à disposition, oui mais pour combien de temps ? et une même société peut elle être à nouveau condamnée pour le même contenu ? Et cette obligation est elle cessible ? Qu'est ce qui empêche un ayant droit à mettre lui même à disposition son contenu protégé pour ensuite attaquer l'hébergeur en justice ?

Souvenirs, souvenirs:

Les récentes prises de position tant du Conseil d'État que de la Commission Européenne, en plus des réactions politiques à l'arrêt dont il est ici question, montrent un début de consensus: il s'agirait de ne jamais faire porter à un fournisseur d'hébergement la responsabilité des contenus qu'il héberge tant qu'il n'en a pas connaissance, et au moins à une obligation de moyens envers la Justice lorsqu'il en a connaissance.

On peut supposer qu'un texte sur ces bases soit bientôt proposé par le législateur. Pourtant il semble qu'un tel texte, qui voudrait préciser les responsabilités d'un secteur d'activité qui n'existait pas voilà 5 ans et qui est en perpétuelle et rapide évolution soit rapidement rendu obsolète. Il s'agirait donc d'une réponse législative donnée dans l'urgence alors que le besoin d'un débat de société rendu nécessaire par l'existence, pour la première fois, d'un moyen technique permettant l'exercice complet du droit inaliénable à la liberté d'expression est évident.
tiré de http://www.altern.org/alternb/defense/faq.html