C'est le printemps, il fait beau, on est entre geeks, pourquoi ne pas parler de Q ? Mais non, pas du pépé qui fournit James Bond en gadgets, vous voyez très bien de quoi je veux parler, ne faites pas les hypocrites.
Mais comment bien parler de Q ? C'est une difficile tâche, et pourtant ce n'est pas sale. Je peux tenter l'humour, version Salace & Grossbit, mais est-ce bien raisonnable ? Je peux essayer d'évoquer la question avec gravité, mais la gravité fait tout pendouiller, ce qui n'est pas une bonne chose, vous en conviendrez. Je pourrais approcher la question d'un point de vue médical, mais qui a envie de jouer au docteur avec moi ? Personne. Alors ne me reste que la possibilité de vous parler de Q d'une façon juridique. Et plus précisément, de Q et de droit du travail.
C'est ainsi qu'un salarié, employé depuis le 27 février 1990 par la société COCA-COLA, a été licencié pour faute grave le 10 août 2004 en raison de la découverte sur son ordinateur portable de 480 fichiers à caractère pornographique. Vous conviendrez que c'est ballot de se faire choper si près des 500.
Une longue guerre judiciaire s'est alors déroulée, que la Cour de cassation vient de clôturer, en confirmant, fin 2010, que l’utilisation régulière, par un salarié, de sa messagerie pour la réception et l’envoi de documents à caractère pornographique et la conservation sur son disque dur d’un nombre conséquent de tels fichiers sont de nature à constituer, en présence d’une charte informatique intégrée au règlement intérieur, un manquement délibéré et répété du salarié à l’interdiction posée par la charte et sont, le cas échéant, constitutifs d’une faute grave.
Jusque-là me direz-vous, pas de quoi s'exciter; si le règlement intérieur de l'entreprise vous interdit de télécharger des documents pornos, et que vous les faites quand même, vous serez licencié pour faute grave et faudra pas venir pleurer.
Mais le problème de cette affaire c'est que l’employeur n’avait pas accepté, alors que le salarié lui avait demandé, que soit nommé un expert pour auditer le contenu de son ordinateur portable, ce qui aurait permis de savoir quand et par qui les messages auraient été enregistrés sur le disque dur et s’ils avaient été envoyés par des collègues ou téléchargés par l’intéressé sur des sites internet.
Car, ce brave salarié a plaidé que la présence des fichiers cochons sur son ordinateur n'était pas due à sa volonté de les conserver, qu’ils se sont automatiquement et, sans intervention de sa part, installés sur le disque dur et qu’il ignorait comment les supprimer.
Pourtant, la Cour d'Appel de Metz, et la Cour de cassation n'ont rien trouvé à redire à ce raisonnement, et ont jugé que « cependant ainsi que le fait observer l’employeur, ces fichiers n’ont pu, à l’insu du salarié, automatiquement s’enregistrer sur le disque dur, dans la mesure où étant joints à un courriel, leur destinataire peut, en répondant aux options qui lui sont proposées par une boîte de dialogue, soit seulement les ouvrir pour les lire, ou les visionner, soit déclencher la procédure d’enregistrement qui n’a aucun caractère automatique et dont la mise en œuvre requiert l’intervention de l’utilisateur ».
Mais, le problème c'est que ce raisonnement est faux ! En effet, lors de la réception des mails accompagnés de pièces jointes, les fichiers joints peuvent tout à fait être téléchargés automatiquement, si le téléchargement des fichiers joints n’est pas bloqué ou limité par le logiciel de messagerie.
Et ces fichiers joints sont stockés dans des répertoires du disque dur et il faut exécuter une manoeuvre spécifique pour les effacer. Et de nos jours, il y a toujours des personnes qui sont totalement nulles en informatique.
Sans compter que l'on pourrait imaginer des collègues mal intentionnés qui s'amuseraient à uploader par clé usb par ex, des fichiers pornographiques dans l'ordinateur d'un salarié, pour lui faire une bonne blague ou tout simplement pour l'embarrasser.
Que la Cour puisse considérer que la seule présence des fichiers pornos dans l'ordinateur d'un salarié suffit à le juger coupable d'avoir enfreint le règlement intérieur de l'entreprise, sans prendre le soin de chercher à déterminer par une expertise comment ils sont arrivés dans l'ordinateur, fait froid dans le dos.
On retrouve, me semble-t-il, toujours la même problématique du juriste confronté au monde de l'informatique: Les juges ont tendance à considérer qu'il suffit de constater la présence d'un fichier illégal dans un ordinateur pour en conclure de facto que c'est le propriétaire de cet ordinateur qui l'a téléchargé et l'a utilisé.
Et ça, ça fait peur.
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