"La génisse a cela de beau qu'elle peut ruminer sans comprendre", écrivait Jacques Chirac dans son inoubliable chef-d'oeuvre "Le salaud de l'agriculture", mais ce n'était pas la meilleure façon de rendre hommage à la célèbre formule d'Anatole France, "La jeunesse a cela de beau qu'elle peut admirer sans comprendre".
Non, c'est Frédéric Mitterrand, homme de culture pas du tout physique, qui vient d'accomplir la prouesse de remettre au gout du jour cet auteur légendaire, grâce au décret 2010-1267 du 25 octobre 2010 relatif à la « Carte musique ».
Si le premier article nous apprend simplement que : "Afin de favoriser la consommation légale de musique en ligne, il est institué pour une durée de deux ans une aide à l'accès à la musique numérique dématérialisée. Cette aide est destinée à contribuer au financement de l'accès aux offres dénommées « Carte musique » dans les conditions précisées par les articles qui suivent", c'est le deuxième article qui précise que cette offre dénommée « Carte musique » est proposée "à des personnes dont l'âge ne peut être inférieur à 12 ans ni supérieur à 25 ans révolus et ayant leur résidence sur le territoire de la République" (article 2).
C'est donc bien aux djeuns de 12 à 25 ans que s'adresse le décret, alors, prenons un jeune au hasard et lisons-lui la suite de l'article 2: "L'aide est attribuée aux éditeurs de services de communication au public en ligne établis sur le territoire de la République, dans un Etat membre de l'Union européenne ou signataire de l'accord sur l'Espace économique européen proposant un accès à des offres de musique en ligne dans les conditions suivantes :
1° Les éditeurs qui souhaitent s'associer à l'opération proposent une offre dénommée « Carte musique » à des personnes dont l'âge ne peut être inférieur à 12 ans ni supérieur à 25 ans révolus et ayant leur résidence sur le territoire de la République ;
2° L'offre est composée d'œuvres musicales émanant des catalogues de plus de cinq auteurs, artistes-interprètes ou leurs ayants droit, et de plus de trois producteurs de phonogrammes ;
3° Lorsque l'offre est principalement composée de musique de variété, les éditeurs réservent, sur la page d'accueil de cette offre, une proportion substantielle des œuvres, dont l'exposition est assurée autrement que par la seule mention du titre, à des œuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France, notamment par l'exposition de visuels ou la mise à disposition d'extraits ;
4° L'offre bénéficie du label délivré par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet par application de l'article L. 331-23 du Code de la propriété intellectuelle ;
5° Les éditeurs de services contribuent au financement de l'offre à hauteur de 20 % de son montant, le montant pouvant être atteint grâce aux contributions des ayants droit. Cette contribution peut notamment porter sur les dépenses réalisées pour promouvoir l'offre ou prendre la forme de tarifs plus avantageux sur une ou plusieurs sélections d'œuvres composées d'une part significative d'œuvres de producteurs indépendants ou de durées d'abonnement supérieures en comparaison avec les autres offres du même éditeur."
Là déjà, le djeun habitué à Jackass 3D et autres Twiligtheries est perplexe, mais ne le laissons pas reprendre son souffle et enchaînons avec l'article 3:
"Le montant de l'aide est annuellement égal à la moitié des sommes perçues par l'éditeur de service en paiement d'une offre musicale répondant aux conditions de l'article 2 ci-dessus :
1° Il ne peut être supérieur à 5 millions d'euros par éditeur de services et par an ;
2° Il ne peut être supérieur à 25 euros par utilisateur de « Carte musique » et par an ;
3° L'aide est accordée dans la limite d'un million d'offres « Carte musique » par an.
Puis ajoutons immédiatement l'article 4 : "L'aide est attribuée, sur les crédits inscrits au budget du ministre chargé de la culture, par décision du ministre de la culture et de la communication sur le fondement d'une convention formalisant les engagements pris par l'éditeur de service, notamment ceux mentionnés au 5° de l'article 2. La convention précise les modalités du contrôle mis en œuvre pour s'assurer du respect des limites prévues à l'article 3."
Enfin, achevons la démonstration avec l'article 5 : "Les demandes d'aide sont adressées au ministre de la culture et de la communication accompagnées des documents suivants :
1° Les attestations fiscales et sociales émanant des administrations compétentes, permettant de constater la régularité de la situation de l'entreprise au regard de la législation fiscale et de la sécurité sociale ou, à défaut, une déclaration sur l'honneur de l'éditeur ;
2° Lorsque la demande est effectuée par un éditeur dont la demande de labellisation de l'article L. 331-23 du Code de la propriété intellectuelle susvisé est en cours d'instruction par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, l'éditeur atteste sur l'honneur que l'intégralité de l'offre de musique présente sur son site internet est proposée avec l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II du code de la propriété intellectuelle lorsqu'elle est requise et qu'il a sollicité auprès de la Haute Autorité l'attribution de ce label.
Les modalités de présentation des demandes d'aide sont établies par le ministre de la culture et de la communication. Le ministre de la culture et de la communication peut compléter et préciser la liste des pièces justificatives mentionnées ci-dessus."
Et voilà ! Regardez son oeil vitreux ! Le jeune admire sa carte musique, mais sans rien comprendre à son intérêt, c'est magnifique, merci à notre gouvernement de prouver ainsi qu'Anatole France était un visionnaire.
Pardon ? Et l'offre alors, à quoi correspond-elle vraiment ? Comment la carte musique permettra-elle de lutter efficacement contre le piratage ? Aucune idée, je dois être trop jeune, j'ai rien pigé.
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