A chaque début janvier, les mêmes clichés reviennent et je croise immanquablement un tocard qui me demande quelles sont mes résolutions. Cette année, afin de rester fidèle à ma réputation de mauvais garçon, j'ai décidé de répondre que j'ai choisi comme résolution le 1080p, parce que le HD ready c'est so yesterday. En général, ça douche les ardeurs imbéciles du tocard susnommé et la conversation se meurt dans un silence gêné.
Mais au fond, tout au fond, sous mon petit cœur de Paul ou de Pierre, je ne sais jamais à qui je l'ai emprunté, se cache une âme de midinette et j'ai envie de crier que j'ai pris la résolution d'aimer, non non, pas vous, mais le prochain, que dis-je, mon prochain ; mieux encore, mon prochain lointain. Et comme je suis d'humeur partageuse, je vais même prendre la résolution de vous aider, vous aussi, à aimer votre prochain lointain.
Tenez, prenons par exemple, la Suède, j'ai envie de vous la faire aimer. Pourquoi ? Qu'est ce que je trouve de si génial aux suédois ? Hormis leurs femmes et leurs petits pains, vous voulez dire ? Ah ! Mais c'est simple, Dolph Lundgren et leur ouverture d'esprit qui les pousse à accepter, non seulement un parti politique pirate, mais même, tenez vous bien, une Eglise pirate.
C'est ainsi que l'Église du « Kopimisme », créée en 2010, vient, après deux tentatives infructueuses, de se voir accepter par l’État suédois en tant qu'association religieuse qui revendique 3000 membres répartis dans plusieurs pays. Il faut bien admettre que la Suède reconnaît facilement les religions, quelles qu’elles soient. Mais quand même, une religion qui ne relie à aucune divinité et dont le seul crédo est « Copiez, téléchargez, partagez » parce que la copie est un sacrement, ça force le respect. Et d'ailleurs, son leader spirituel Isak Gerson, dans le communiqué que vous pourrez lire ici http://kopimistsamfundet.se/blog/2012/01/04/det-missionerande-kopimistsamfundet-erkanns-av-svenska-staten/ (en anglais en bas de la page) s'en félicite chaudement.
Ah ! mais je vous vois venir. Vous vous demandez si la France reconnaîtrait aussi facilement un tel mouvement religieux. Et même, vous poussez la curiosité intellectuelle à vous demander comment la France traite, d'un point de vue juridique, les cultes religieux. Non ? Pas du tout même, vous vous en tapez le coquillard ? Je vais quand même vous répondre.
En France, comme vous le savez, l’Eglise et l'Etat sont séparés depuis une loi célèbre du 9 décembre 1905. Du coup, l'Etat ne reconnaît aucun culte officiel et chacun est libre d'exprimer sa foi comme il l'entend, et ce n'est pas l'article 1er qui me dira le contraire, puisqu'il dispose que "la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.". Donc, nous pourrions sans problème mettre sur pied notre Eglise française du Djidaille ? Eh bien cela sera compliqué.
Si nous voulons nous réunir entre amis pour prier Mark Hamill, pas besoin de structure. Mais, si nous voulons vraiment être reconnus comme culte, il va y avoir du boulot. Et l'intérêt n'est pas que symbolique. Si l’État reconnaît, ce qu'on appelle "la grande capacité cultuelle", cela signifie que le culte bénéficiera de nombreux avantages, principalement fiscaux : droit de recevoir des dons manuels et des legs sans fiscalité, exonération de la taxe foncière, de la taxe d'habitation, de l'impôt sur le revenu, aides indirectes à la construction d'édifices du culte etc.
Alors comment faire ?
- Tout d'abord, l’État français ne reconnaît pas des "églises", mais des associations pour l'exercice des cultes. (Titre IV de la loi de 1905). L'association devra être créée « pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte » (article 18 de la loi) et devra « avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte » (article 19 de la loi). Donc, pour vénérer Gouddha, le Dieu hindou du fromage, il faut créer une association dont l'objet sera exclusivement cultuel.
Mais, vous vous doutez bien que, pour que l’État reconnaisse à votre association la grande capacité cultuelle il faut d'autres critères :
- Ainsi, l'objet cultuel doit être réel, c'est à dire que le culte doit reposer sur la croyance ou une foi en une divinité ; également, que les fidèles soient assez nombreux et qu'ils participent vraiment à l'expression de leur foi. Les arrêts du Conseil d’État en la matière laissent apparaître que des critères d'universalité et d'ancienneté d'un culte sont analysés. Sur ce point par exemple, vous voyez que l’Église du Kopimisme ne pourrait se voir reconnaître par l’État Français la grande capacité cultuelle, puisque aucune divinité n'est concernée et qu'elle date de 2010.
- Et le culte ne doit pas troubler l'ordre public. Ainsi, par exemple, si le culte implique que ses fidèles ne peuvent pas voter, doivent refuser les transfusions sanguines ou épouser plusieurs conjoints ou, encore, faire des sacrifices humains, il ne se verra pas reconnu par l’État la grande capacité cultuelle. En gros, le culte ne doit pas impliquer que les fidèles violent la loi. Ici également, l’Église du Kopimisme, reposant sur la violation des lois de propriété intellectuelle, ne pourrait se voir reconnaître la grande capacité cultuelle.
- Enfin, le culte ne doit pas tendre à des dérives sectaires vis à vis de ses fidèles : les Pouvoirs publics enquêtent sérieusement à ce sujet, par l'intermédiaire de la Mission Interministérielle de Vigilance contre les Dérives Sectaires. Les Renseignements Généraux tiennent également une liste des sectes potentiellement dangereuses.
En résumé : il n'est pas interdit de pratiquer, en privé, la religion de son choix, aussi farfelue soit-elle. Faire reconnaître, par l’État français, à sa religion le caractère de culte et bénéficier des conséquences qui en découlent est un autre problème.
Ainsi, l’Église du Kopimisme ne m'apparaît pas répondre à plusieurs critères nécessaires à la reconnaissance étatique de la grande capacité cultuelle. Et, même un mouvement comme celui du Jediisme http://fr.wikipedia.org/wiki/Jediisme aurait des difficultés à bénéficier de la grande capacité cultuelle. Bien que centrée sur une divinité (la Force étant une forme de dieu panthéiste), bénéficiant d'une communauté importante dans le monde (500.000 adhérents revendiqués quand même et 3 temples officiels aux USA et en GB), ne troublant pas l'ordre public, ni ne dérivant vers des pratiques sectaires (le Code Jedi n'est pas bien méchant me semble-t-il), le Conseil d’État pourrait retenir à son encontre un manque d'ancienneté, la religion étant née en 2001, et d'universalité: Elle n'est pratiquée que dans quelques pays dans le monde. Enfin, en France, nous n'aurions sans doute pas assez de fidèles vraiment actifs.
La Suède est donc bien plus ouverte sur la question des Églises que la France et cela me permet de bonnes tranches de rigolade à l'idée qu'une Église du Kopimisme puisse vraiment être reconnue. Et se marrer, de nos jours, c'est important. Allez, reprenez avec moi le cri d'amour du Caribou suédois : Greeeeetagarbooooooo !
A chaque début janvier, les mêmes clichés reviennent et je croise immanquablement un tocard qui me demande quelles sont mes résolutions. Cette année, afin de rester fidèle à ma réputation de mauvais garçon, j'ai décidé de répondre que j'ai choisi comme résolution le 1080p, parce que le HD ready c'est so yesterday. En général, ça douche les ardeurs imbéciles du tocard susnommé et la conversation se meurt dans un silence gêné.
Mais au fond, tout au fond, sous mon petit cœur de Paul ou de Pierre, je ne sais jamais à qui je l'ai emprunté, se cache une âme de midinette et j'ai envie de crier que j'ai pris la résolution d'aimer, non non, pas vous, mais le prochain, que dis-je, mon prochain ; mieux encore, mon prochain lointain. Et comme je suis d'humeur partageuse, je vais même prendre la résolution de vous aider, vous aussi, à aimer votre prochain lointain.
Tenez, prenons par exemple, la Suède, j'ai envie de vous la faire aimer. Pourquoi ? Qu'est-ce que je trouve de si génial aux Suédois ? Hormis leurs femmes et leurs petits pains, vous voulez dire ? Ah ! Mais c'est simple, Dolph Lundgren et leur ouverture d'esprit qui les pousse à accepter, non seulement un parti politique pirate, mais même, tenez-vous bien, une Eglise pirate. C'est ainsi que l'Église du « Kopimisme », créée en 2010, vient, après deux tentatives infructueuses, de se voir accepter par l’État suédois en tant qu'association religieuse qui revendique 3000 membres répartis dans plusieurs pays. Il faut bien admettre que la Suède reconnaît facilement les religions, quelles qu’elles soient. Mais quand même, une religion qui ne relie à aucune divinité et dont le seul crédo est « Copiez, téléchargez, partagez » parce que la copie est un sacrement, ça force le respect.
Et d'ailleurs, son leader spirituel Isak Gerson, dans le communiqué que vous pourrez lire ici (en anglais en bas de la page) s'en félicite chaudement. Ah, mais je vous vois venir. Vous vous demandez si la France reconnaîtrait aussi facilement un tel mouvement religieux. Et même, vous poussez la curiosité intellectuelle à vous demander comment la France traite, d'un point de vue juridique, les cultes religieux. Non ? Pas du tout même, vous vous en tapez le coquillard ? Je vais quand même vous répondre.
En France, comme vous le savez, l’Eglise et l'Etat sont séparés depuis une loi célèbre du 9 décembre 1905. Du coup, l'Etat ne reconnaît aucun culte officiel et chacun est libre d'exprimer sa foi comme il l'entend, et ce n'est pas l'article 1er qui me dira le contraire, puisqu'il dispose que "la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.". Donc, nous pourrions sans problème mettre sur pied notre Eglise française du Djidaille ? Eh bien cela sera compliqué. Si nous voulons nous réunir entre amis pour prier Mark Hamill, pas besoin de structure. Mais, si nous voulons vraiment être reconnus comme culte, il va y avoir du boulot.
Et l'intérêt n'est pas que symbolique. Si l’État reconnaît, ce qu'on appelle "la grande capacité cultuelle", cela signifie que le culte bénéficiera de nombreux avantages, principalement fiscaux : droit de recevoir des dons manuels et des legs sans fiscalité, exonération de la taxe foncière, de la taxe d'habitation, de l'impôt sur le revenu, aides indirectes à la construction d'édifices du culte, etc. Alors comment faire ?
- Tout d'abord, l’État français ne reconnaît pas des "églises", mais des associations pour l'exercice des cultes. (Titre IV de la loi de 1905). L'association devra être créée « pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte » (article 18 de la loi) et devra « avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte » (article 19 de la loi). Donc, pour vénérer Gouddha, le Dieu hindou du fromage, il faut créer une association dont l'objet sera exclusivement cultuel. Cela ne pose aucune difficulté, puisque l'Etat doit accepter toutes les associations. Mais, enregister une association cultuelle ne suffit pas à faire de vous un culte reconnu. Vous vous doutez bien que, pour que l’État reconnaisse à votre association la grande capacité cultuelle il faut d'autres critères :
- Ainsi, l'objet cultuel doit être réel, c'est-à-dire que le culte doit reposer sur la croyance ou une foi en une divinité ; également, que les fidèles soient assez nombreux et qu'ils participent vraiment à l'expression de leur foi. Les arrêts du Conseil d’État en la matière laissent apparaître que des critères d'universalité et d'ancienneté d'un culte sont analysés. Sur ce point par exemple, vous voyez que l’Église du Kopimisme ne pourrait se voir reconnaître par l’État Français la grande capacité cultuelle, puisque aucune divinité n'est concernée et qu'elle date de 2010.
- Le culte ne doit pas troubler l'ordre public. Par exemple, si le culte implique que ses fidèles ne peuvent pas voter, doivent refuser les transfusions sanguines ou épouser plusieurs conjoints ou, encore, faire des sacrifices humains, il ne se verra pas reconnu par l’État la grande capacité cultuelle. En gros, le culte ne doit pas impliquer que les fidèles violent la loi. Ici également, l’Église du Kopimisme, reposant sur la violation des lois de propriété intellectuelle, ne pourrait se voir reconnaître la grande capacité cultuelle.
- Enfin, le culte ne doit pas tendre à des dérives sectaires vis-à-vis de ses fidèles : les Pouvoirs publics enquêtent sérieusement à ce sujet, par l'intermédiaire de la Mission Interministérielle de Vigilance contre les Dérives Sectaires. Les Renseignements Généraux tiennent également une liste des sectes potentiellement dangereuses.
En résumé : il n'est pas interdit de pratiquer, en privé, la religion de son choix, aussi farfelue soit-elle. On peut même créer une association cultuelle dans ce but. Mais faire reconnaître, par l’État français, à sa religion le caractère de culte et bénéficier des conséquences qui en découlent est un autre problème.
Ainsi, l’Église du Kopimisme ne m'apparaît pas répondre à plusieurs critères nécessaires à la reconnaissance étatique de la grande capacité cultuelle. Et même un mouvement comme celui du Jediisme aurait des difficultés à bénéficier de la grande capacité cultuelle. Bien que centrée sur une divinité (la Force étant une forme de dieu panthéiste), bénéficiant d'une communauté importante dans le monde (500.000 adhérents revendiqués et 3 temples officiels aux USA et en GB), ne troublant pas l'ordre public, ni ne dérivant vers des pratiques sectaires (le Code Jedi n'est pas bien méchant, me semble-t-il), le Conseil d’État pourrait retenir à son encontre un manque d'ancienneté, la religion étant née en 2001, et d'universalité: elle n'est pratiquée que dans quelques pays dans le monde. Enfin, en France, nous n'aurions sans doute pas assez de fidèles vraiment actifs. La Suède est donc bien plus ouverte sur la question des Églises que la France et cela me permet de bonnes tranches de rigolade à l'idée qu'une Église du Kopimisme puisse vraiment être reconnue. Et se marrer, de nos jours, c'est important, alors, il faut aimer la Suède.
Allez, reprenez avec moi le cri d'amour du Caribou suédois : ChrisProoooooooolls !
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