Envoyé par
urkdum
Bonjour,
j'ai lu attentivement l'article de CPC en partenariat avec @si sur les "minorités" dans le jeu vidéo, et je suis assez déçu de l'angle adopté pour traiter ce sujet qui, je le sais depuis que je vous ai découvert sur le site d'@si avec l'émission sur le gamergate, vous tient à coeur.
Au-delà de la maladresse avec laquelle vous énumérez ces "minorités" en les plaçant sur un pied d'égalité (par exemple le fait d'être handicapé est en France un statut renouvelable tous les 3 ans et pas une condition, alors que le genre ou la couleur de peau d'une personne sont à priori défini à la naissance -dans la loi s'entend), ou qu'une "minorité" constitué de 50% de la population ne peut pas être abordée de la même manière qu'une autre "minorité" qui n'en représenterai que 5%, c'est surtout la manière que vous avez d'aborder cette problématique par rapport au jeu vidéo qui m'exaspère.
Vous insistez sur le fait que le JV a besoin d'inclure un public plus large qu'il le fait actuellement. Soit. Mais vous impliquez ensuite que cette inclusion passe nécessairement par une représentation dans les oeuvres de ces minorités. En gros, cela revient à dire que ma couleur de peau, mon sexe, ou ma sexualité déterminent les jeux auxquels je peux jouer sans me sentir exclu. Je ne peux m'identifier qu'à un personnage qui appartient à ou aux minorités qui me définissent (?) dans la vie réelle. (et en poussant le bouchon un peu plus loin, tout en se rapprochant du troll, cela pose la question : soit tous les gens qui aiment jouer Trevor dans GTA V sont des psychopathes schizophrènes, soit ceux appartenant aux minorités énumérées dans votre articles sont incapables de se décentrer comme le reste des joueurs).
Tout d'abord, par rapport à la norme dans les médias en général, c'est une vision assez trompeuse. On aura beau inclure telle ou telle minorité dans une oeuvre, il n'en reste pas moins que celle-ci recrée automatiquement une nouvelle norme à son échelle (qui influence une norme globale éventuellement) et que d'autres "minorités", soit préexistantes et non prises en compte,soit induites par cette nouvelle norme demeurent ou apparaissent. C'est un peu l'effet Assasin's Creed vs Jean-Luc Mélenchon. Pour le Gamer globalisé qui a une vague idée de la date de la révolution française il n'y a pas de parti-pris, mais pour le politicien se revendiquant d'une idéologie babouviste et robespierriste, c'est l'inverse. Créer un disclaimer éventuellement sincère sur la pseudo-objectivité d'une oeuvre, c'est renvoyer le problème à l'infini et ne jamais le résoudre (sauf en terme de cible qui s’agrandit).
De même, privilégier une approche "discrimination positive" dans l'industrie du JV semble une solution simpliste (et d'ailleurs la développeuse interviewée le fait remarquer ""il est très important pour moi de créer des jeux inclusifs, mais je ne suis pas sur que cela soit simplement la conséquence de mon identité"). Un modèle de type "des JV dont le héros est noir faits par des noirs pour des noirs" -remplacez noir par gay, lesbienne, handicapé, femme,arabe... selon votre liste- est de toute façons une vision de l'enfer sur terre pour un consommateur a peu près sain d'esprit.
Par ailleurs, appliqué à un produit culturel, je ne trouve pas que votre raisonnement soit pertinent. L'idée que tout JV se doit d'inclure une majorité de minorités est à mon avis nocive. Si on compare par exemple avec la diffusion des livres imprimés à la fin du moyen-age, le premier étant la bible (une peu le call of duty de 1453), sa parution a permis par la suite a d'autres oeuvres comme l'Eloge de la folie (1511) ou Pantagruel (1532), beaucoup moins consensuels d'apparaitre.
La création de l'un et de l'autre coexistent en fait -d'après moi- dans deux temps différents mais codépendants. (Aujourd'hui on pourrait avoir l'intelligence de s'épargner de bruler l'éditeur au passage - oh wait, a la place on fait un JV de tabassage).
La norme a besoin de la marge pour se définir et la marge n'existe en tant que telle que par rapport à la norme initiale (si on supprime cette norme initiale la marge devient à son tour une norme).
Enfin, et merci à toi d'avoir lu ce pavé, vous ne notez pas la grande spécificité du JV, qui est essentiellement et théoriquement le plus transgressif des médias, parce qu'il met le consommateur à la place d'acteur et non de simple complice assistant à la scène. Si je joue, c'est aussi pour pouvoir faire a des pixels ce que je ne peux pas ou ne veux pas faire dans la vraie vie. Les hétérosexuels vivant une idylle homosexuelle dans ME2 le font aussi précisément parce qu'ils sont hétérosexuels. Et selon qu'on lit au premier ou deuxième degré un jeu il peut être incroyablement ****-iste ou au contraire anti-****-iste. ( par exemple Bayonetta).
En définitive, vouloir défendre la diversité en l'obligeant à apparaître, c'est le meilleur moyen de la brider (sans jeu de mot), et de braquer les fanatiques totalitaires.
Au contraire, favoriser la compréhension des conflits qui peuvent apparaître au sein d'une logique forcément subjective, bien que collective, c'est reconnaître l'utilité et la place des marges dans l'élaboration d'une communauté fonctionnelle.
Ce que vous faites souvent, mais pas dans cet article, en cédant aux sirènes du communautarisme par un raccourcis logique désastreux.