Canard PC 315 : le magazine dont vous êtes le Heroes

[Grand_Maître_B]

@devn: ouaip; mais un article scientifique ou un tableau, ça ne se fabrique pas comme un JV et ça ne se vendait pas en dématérialisé du temps de Marx. Mais bon, hein, l'article est parti d'une blague entre Moquette, Sébum et moi alors, faut pas trop chercher non plus !

[Zebb]

Marrant, NoFrag a sorti récemment un article très intéressant assez proche mais complémentaire sur le sujet ... les grands esprits se rencontrent ?

http://www.nofrag.com/2015/mar/16/46717/

Et sinon rien à voir: il n'y a pas l'espoir de voir un jour Helldivers sur PC ?

[Netsabes]

C'est une commande de Sony, donc faut pas trop espérer.

[Grand_Maître_B]

Ah ouais marrant cet article de NoFrag ! Comme quoi, c'est manifestement dans l'air du temps.

[Zebb]

Alors que vous avez une taupe chez NoFrag! (et qui a posté juste avant toi, sans vouloir désigner qui que ce soit)

Vous pourriez être un minimum professionnel et magouiller comme il se doit! #sushigate

[purEcontact]

Petite "erreur", Heart of Thorns est une extension, pas une simple mise à jour.

Encore heureux, y'a pas beaucoup de mouches là où j'habite.

[Achille]

Ah ouais marrant cet article de NoFrag ! Comme quoi, c'est manifestement dans l'air du temps.

Votre article m'a intéressé, mais je n'en ai pas bien compris la conclusion qui se voulait logique sur l'absence de coût de revient Faudrait que je relise ailleurs que dans le tromé.

[Higgins]

Il faut le lire aux cabinets, on est beaucoup plus concentré.
Et puis de toute façon, il faut le lire aux cabinets.

[etienne3]

Dans le papier intitulé "Marx Attacks!" du N°315 de CPC, Grand Maître B prétend que les jeux video, en particulier sous leur forme dématérialisée, auraient "tué" Marx - au sens de sa critique du Capital.



Or on peut rapidement montrer qu'il n'en n'est rien, même si la forme immatérielle des JV ne pouvait évidemment être connue de Marx à l'époque où il a développé sa théorie critique.

Le concept de base du Capital est la "marchandise", définie précisément dans le Chapitre I du Livre I, en tant que produit matériel généré par du travail humain utilisant du capital (machines, équipements) détenu par les capitalistes.

Marx s'inspirant de la théorie Classique de la "valeur-travail" (Smith, Ricardo et les autres), il considère le capital comme étant lui-même du travail accumulé et "réifié" (transformé en chose), et de ce fait, toute marchandise est in fine le produit du seul travail humain - le "travail vivant" des ouvriers produisant la marchandise, et le "travail mort" incorporé dans le capital.

Par conséquent, tant qu'il existe une propriété du capital, et ce quel que soit le type de "marchandise" produit, il y a du profit et de l'exploitation capitaliste, à travers l'extorsion de plus value. Cette propriété s'applique tout autant à l'industrie du jeu video.

L'équation fondamentale du capitalisme est la suivante: A - M - A' (avec A'>A), qui résume le fait que le capitalisme renverse la fonction fondamentale de l'argent (qui est un intermédiaire des échanges), en utilisant la production de marchandises non pas comme une fin en soi, mais comme moyen de "faire de l'argent avec de l'argent". Dans l'échange traditionnel, l'équation de base de la circulation marchande est M - A - M', l'argent A servant simplement à échanger une marchandise M pour un autre M', mais de valeur - mesurée en temps de travail vivant et mort incorporé - IDENTIQUE.

Dans le capitalisme, le mécanisme d'exploitation des travailleurs permet de faire plus d'argent A' avec un investissement initial A, en utilisant la production de marchandise M comme intermédiaire. Ce mécanisme A - M - A' demeure EXACTEMENT de même nature dans la fabrication de biens immatériels comme les JV que pour la fabrication de chaises IKEA ou d'automobiles.

Les capitalistes de l'industrie du JV, c'est-à-dire les actionnaires et les prêteurs (banques et détenteurs d'obligations émises par les boites de JV), lorsqu'ils se rémunèrent sous forme de dividendes ou d'intérêts, font EXACTEMENT la même chose que les industries traditionnelles: ils payent l'ensemble des travailleurs qui contribuent à la fabrication du jeu (développeurs, programmeurs, musiciens, testeurs, marketeux, secrétaires, etc...) EN DESSOUS de la valeur réellement créée par ces derniers.

La différence avec le XIXe siècle est que le salaire de "subsistance" ou de "reproduction de la force de travail" au XXIe siècle comprend tout un tas de consommations permettant aux travailleurs de se divertir et de consommer tout un tas de trucs inutiles mais qui feront qu'ils seront contents de revenir bosser le lendemain et d'entretenir une famille de futurs travailleurs exploités - de ce point de vue, l'achat d'une console par exemple fait partie du salaire de "subsistance" d'un ménage, ce produit satisfaisant les enfants et les habituant à bien travailler à l'école, et ensuite à l'usine ou au bureau pour pouvoir à leur tour s'acheter ces biens de consommation - et d'autres comme des voitures, des IPads etc...
Ce qui fait que la plupart du temps, les salariés de l'industrie du JV - comme la plupart des salariés des services - sont aliénés et exploités mais ne s'en rendent pas compte: la plupart aiment leur travail et se contentent de leur salaire, du moment qu'il y a une table de ping-pong et qu'on peut venir en jean/T-Shirt au boulot.

MAIS ce salaire reste INFERIEUR à la valeur totale générée par les travailleurs, du fait même que les capitalistes continuent à prélever des profits - et donc une plus value prélevée sur le "surtravail" non payé par les employeurs capitalistes.

Par exemple si une boite de JV employant 200 salariés génère 24 millions de chiffre d'affaires (400 000 copies à 60 euros) pour un coût total de 19.2 millions, soit 4,8 millions d'euros de profit sur un jeu ayant demandé 3 ans de développement, chaque travailleur s'est fait sucrer 8000 euros par an par l'employeur capitaliste. En admettant que chacun soit en moyenne payé 2000 euros par mois charges comprises (ce qui fait une masse salariale de 14.4 millions sur 3 ans, les 4.8 millions restant étant des dépenses en capital), chaque travailleur a ainsi bossé gratuitement 3 mois par an - soit en gros 2 jours par semaine.
Si le jeu est un gros hit et se vend deux fois plus (à 800 000 exemplaires soit 48 millions de CA), le profit est alors de 28,8 millions, et là c'est 48 000 euros par an que les capitalistes (actionnaires et prêteurs) piquent aux salariés, qui bossent alors gratuitement les 2/3 de l'année!
Le schéma A - M - A' tourne à plein: c'est une grosse machine à cash pour les investisseurs, en vertu du fait que les salariés sont payés à un taux fixe - le salaire de "reproduction de la force de travail" - QUEL QUE SOIT le résultat de la boite - en dehors des rares dispositifs d'intéressement et de participation des salariés aux résultats.

Bien entendu, en cas de pertes, les capitalistes en sont pour leurs frais: c'est souvent ce qui est mis en avant pour défendre le profit ou la plus-value, le "risque" initial de l'investisseur. Concrètement, ça implique effectivement en cas de lourdes pertes que certains d'entre eux devront renoncer à quelques dizaines de villas avec piscines qu'ils n'auraient de toutes façon pas acheté.
Quand aux salariés, eux, ils se font tout simplement virer, et rejoignent ce que Marx appelle l'"armée de réserve industrielle", c'est-à-dire un volant de chômeurs très utile pour les capitalistes, qui force les travailleurs à accepter des bas salaires pour pouvoir travailler afin de subvenir à leurs besoins. La boucle est bouclée...


Le fait que les biens produits soient dans le cas des JV des biens immatériels, dont la reproduction et le stockage sont quasiment SANS COUT - à part les serveurs de Steam - ne change rien à l'affaire: ce n'est pas parce qu'il n'y a plus besoin d'ouvriers pour fabriquer CHAQUE reproduction du bien comme dans le cas de la production de tables, que la plus-value a pour autant disparu.

Certes, comme le dit Grand Maître B, les travailleurs du JV ne sont employés que pour une tâche UNIQUE, celle de la création d'un SEUL jeu, et n'interviennent plus dans sa reproduction et sa diffusion. Mais c'est évidemment pour cela que l'industrie du JV - comme tous les produits culturels (films, séries etc...) et les media (émissions de télé) - est une INDUSTRIE DE FLUX: de NOUVEAUX jeux sont sans cesse créés, permettant ainsi la reproduction infinie du schéma A - M - A'.

De ce point de vue, certe un peu plus abstrait, la production de JV ne se distingue aucunement de celles de tables ou de marchandises ordinaires: c'est à chaque fois un processus qui permet de fabriquer de l'argent avec de l'argent, en prenant pour support la dépense de travail humain payé en dessous de la valeur que celui-ci génère.

Contrairement à ce qu'affirme abusivement l'auteur du papier, jamais les notions de "surtravail" et de "plus value" ne se sont donc aussi bien portées que dans l'industrie du JV.

La meilleure preuve en est est que lorsque ces collectifs de travail que sont les salariés de l'industrie du JV sont incapables de générer du cash, eh bien ils se font virer comme n'importe quels prolétaires de base de l'industrie traditionnelle.



PS: voilà ce qui se passe quand un juriste se mêle d'économie: il écrit n'importe quoi, car les juristes sont généralement complètement nuls en éco.

[Kahn Lusth]

J'ai rien compris mais je veux bien.

[etienne3]

Pardon, je savais pas que t'étais là.

[Jeckhyl]

En tout cas les juristes sont plus faciles à lire que les économistes .

[Haraban]

Il ne viendrait pas d'insulter nos mères, là?

[Kahn Lusth]

Je sais pas. On fait quoi? Un pétage préventif des genoux?

[Haraban]

Oui, avec des figurines en fonte de grand maître B.
En direct sur la webcam de la rédac.

[Grand_Maître_B]

@etienne3 : Bon mon vieux, je ne sais pas si les juristes sont généralement complètement nuls en éco, mais les économistes (à considérer que tu en sois un) sont manifestement généralement complètement nuls en intelligence sociale, parce que ta façon d'écrire donnes juste envie de te claquer le beignet alors que normalement on devrait être enchantés de pouvoir s'enrichir d'une analyse sérieuse donnée à un article qui se voulait déconnant.

Ceci étant, certaines sociétés qui font des JV font des gros bénéfices, ça on est tous d'accord. Ce que je dis c'est que si je paye quelqu'un pour faire un objet que je ne vends pas et qu'ensuite je reproduis gratuitement cet objet pour le vendre (le jeu dématérialisé), et que cet objet je peux le vendre 1 € comme 60 € puisqu'il ne me coûte rien, ce n'est pas la même chose que si je paye quelqu'un pour fabriquer chaque objet que je vends, comme des chaises par exemple. Autrement dit, si d'un coup, par un miracle de la technique, je pouvais payer quelques gars en une fois pour fabriquer un meuble que je conserve comme l'objet zéro de ma production, et que je peux dupliquer ce bien gratuitement et le téléporter tout aussi gratuitement chez l'acheteur, chaque duplication/vente n'incorpore aucun (sur)travail, ni aucun coût de quelque sorte que ce soit.

Mais bon, à nouveau, c'était un article un peu déconne, et il y en aura d'autres, et ça ira de la recette juridique de la tarte dans la gueule, une spécialité de la rédac, à l'analyse épistémologique et algorithmique de la pensée freudienne par le prisme de la saga Far Cry. Je vous préviens, ça va piquer les yeux.

[zwzsg]

Le texte d’Étienne est moins long qu'un article de GMB, et bien plus pertinent. Venant de journalistes de CPC, je trouve triste de prétendre être incapable de comprendre les posts de plus de trois lignes sans gif.

Sinon, en fait, j'étais venu pour poster que ce canard m'a scandalisé par sa faute d'orthographe sur "comptoir" au début du guide sur Pillars of Eternity. Peut-être était-ce pour faire un jeu de mot qui m'a échappé, mais j'ai tout de même ressentie une vive douleur mentale.

Ainsi que par Victor Rugueux, qui non content d'écorcher TotalA en totalla sous prétexte d'une prétendue confusion avec les "novella", cite Planetary Annihilation mais pas Supreme Commander.

[Haraban]

Le texte d’Étienne est moins long qu'un article de GMB, et bien plus pertinent.

Il est peut-être plus pertinent, mais pour des gens qui n'ont pas une foutue notion d’économie, il est imbitable.
Je suis à peine capable de payer mes impôts personnellement et j'ai pourtant compris l'article de GMB.
On sent tout de suite que la "pertinence" du pavé de etienne3 est surement plus importante, mais le texte est aussi beaucoup trop inaccessible, c'en est rédhibitoire. La vulgarisation y est totalement absente, c'est pourtant la base de tout langage spécifique à un métier qui veut se faire entendre par un plus large public.