Canard BD : L'Amérique, 2° service

[kilfou]

Etrange comme le thème que j'ai trouvé la dernière fois se rappelle à moi, comme si je l'avais pas assez traité. Ou alors c'est un manque total d'idées de ma part et c'est une façon facile de vous faire croire que j'ai bossé. Comme vous préférez. Donc, l'Amérique, encore.

Attaquons par l'emblème, l'indémodable western. J'en ai lu quelques-uns depuis la dernière fois, mais je ne vous ferai pas le coup de réactualiser un article, ça non.
Junk (ie camelote, dites-moi que vous l'aviez pas vu venir) est un western spaghetti donc point de héros, juste une belle bande de salopards braqueurs qui se retrouvent 15 ans après la fin de leur équipe de truands, pour une mystérieuse chasse au trésor dans des montagnes enneigées. Sauf que cette chasse n'est qu'un appât, lancé par le chef pour découvrir qui des 6 a trahi il y a 15 ans... Sur cette base fertile en coups de filles à affection monnayable (©Boulon) par Nicolas Pothier, Brüno se déchaîne au dessin. Magnifié par les couleurs en aplat de Laurence Croix, j'apprécie son approche très personnelle et ne vois personne d'autre avec une patte pareille, ce qui devient rare. C'est d'autant plus à saluer que tout ce que j'ai lu de lui est diablement réussi, alors que les sujets sont très différents (Nemo, son adaptation de 20000 lieues sous les mers, fourmille d'inventivité, son Atar Gull pendant la traite des noirs avec Nury fait froid dans le dos, et son Commando Colonial pendant la Seconde Guerre mondiale avec Appollo est une perle.) Junk dans sa version intégrale rejoint donc mes westerns favoris et je meurs d'envie de mettre la main sur Tyler Cross, tout juste sorti.

Junk, intégrale des 2 tomes, Brüno et Pothier, Glénat Treize Etrange, 112 pages, 20€
10 planches du tome 1 sur BDGest.

Une autre spécialité des Etats-Unis d'Amérique, ce sont bien évidemment les comics de super-héros. J'ai déjà parlé du duo Jeph Loeb et Tim Sale chez la Distinguée Concurrence, mais cette fois c'est chez Marvel que ça se passe, et ce pour leur première collaboration. Wolverine / Gambit : Victimes offre une relecture moderne (et mutante) de Jack l'Eventreur. Le cajun va aller enquêter à Londres sur d'étranges meurtres et la seule piste lui laisse à penser que le criminel est le griffu canadien... Si Jeph Loeb n'a pas la place qu'il avait sur ses Batman pour déployer une intrigue à rallonge, il profite toutefois des 4 épisodes pour tisser un scénario d'enquête agréable à lire. Le dessin de Sale, s'il ne profite pas du papier brillant, est déjà sûr et est porté par un découpage très dynamique. Une bon petit one-shot très plaisant à lire.

Wolverine / Gambit : Victimes, Sale et Loeb, Panini Comics 100% Marvel, 104 pages, 12€

Dépaysement total de lieux et d'ambiance avec Paco les mains rouges. Les bagnes de Guyane, aux débuts du XX° siècle environ. Un jeune instituteur coupable d'un crime passionnel, échappe de peu à la guillotine, mais uniquement pour se retrouver sur le bateau menant à Cayenne et à Saint-Laurent du-Maroni. Et c'est un euphémisme géant de dire que ça va se passer comme sur des roulettes... Paco est un album de parti-pris : associer le dessin plutôt enfantin (et uniquement dans les tons ocres) de Sagot à un récit aussi noir est surprenant mais fonctionne à merveille, laisser le lecteur se démerder avec les expressions argotiques du milieu est courageux et Vehlmann a choisi de conduire son récit à la première personne, via un dialogue du perso principal, mais avec qui ? Peut-être est ce l'homme qu'aime Paco ? Va savoir... Toujours est il que le bouquin est prenant, et que c'est dommage de n'avoir la suite et fin que plus tard, même si l'épais cahier graphique rempli de crobards console un peu.

Paco les mains rouges, Vehlmann et Sagot, Dargaud, 54 pages, 16€

Hasard des lectures, le livre suivant a aussi de très chouettes bonus et traite de l'homosexualité également. Enfin, pas vraiment, mais je vais y revenir. 1864, Géorgie. La guerre de Sécession bat son plein, et le jeune Louis Paugham, enrôlé de force dans l'armée sudiste, est désigné pour surveiller la deadline, cette ligne servant de clôture fictive dans les prisons en plein air. Louis va alors se retrouver confronté à un soldat noir, nordiste, fier et mutique. Il en tombe instantanément amoureux, et sa vie va s'en trouver changée. Ce n'est pas vraiment une bluette homo que propose Laurent-Frédéric Bollée, mais plutôt l'impact des choix (ou des non-choix) qu'un homme doit faire dans sa vie. Pour ma part, j'ai trouvé ça très bien écrit, émouvant et sonnant juste, mais il faut croire au coup de foudre. Et j'ai été encore plus conquis par les dessins de Christian Rossi, qui livre des planches tout simplement sublimes. Fourmillant de détails sans perdre en lisibilité, servies par des couleurs étincelantes, c'est un régal permanent pour les pupilles.

Deadline, Bollée et Rossi, Glénat, 96 pages, 18€50
15 planches et une interview (à ne pas lire avant l'album de préférence) chez BDGest.

Et pour boucler ce Canard BD, une bande dessinée documentaire, genre qui a la cote depuis un moment. Revenants reste tout à fais dans le thème et s'intéresse aux vétérans US de la seconde guerre d'Irak. Enfin, il le traite par la bande, puisque c'est plus à la production du documentaire d'Olivier Morel sur le sujet, L'Âme en sang, que s'intéresse Maël. Ce n'en est donc pas l'adaptation, mais ce livre relate les hésitations du réalisateur, les rencontres avec ces hommes et femmes brisés par le syndrôme du stress post-traumatique, l'impact qu'a le tournage sur eux. C'est dur à lire, tant l'humanité perdue de ces victimes non comptées peut toucher. Le dessin de Maël, aérien et tremblotant (sa série avec Kris Notre-Mère la Guerre est à lire également), convient particulièrement bien à ces scènes d'écorchés vifs.

Revenants, Morel et Maël, Futuropolis, 120 pages, 19€
18 planches chez BDGest.

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[Fenrir]

En voyant le titre j'espérais une chronique de Tyler Cross, mais finalement Junk a l'air pas mal du tout aussi !

[Flad]

Le Wolverine/Gambit a l'air plutôt sympathique, je pense que je vais faire le détour par une librairie rapidos.

Merci Kiflou.

[lian]

Pas super enthousiaste sur le Junk personnellement. Mais je n'ai pas envie de développer - et ça ne servirait à rien, Brüno a ses fans transis et rien n'est plus sourd qu'un fan.

[Teto]

Pas super enthousiaste sur le Junk personnellement. Mais je n'ai pas envie de développer - et ça ne servirait à rien, ... .

Dans ce cas, inutile de poster.

[kilfou]

Pas super enthousiaste sur le Junk personnellement. Mais je n'ai pas envie de développer - et ça ne servirait à rien, Brüno a ses fans transis et rien n'est plus sourd qu'un fan.

C'est dommage je trouve. J'aime son travail, mais je crois pas être un fan transi (je crois pas être un fan transi de qui que ce soit d'ailleurs... )

Ah si, de la Brigade Chimérique.