Ahoy,
Petit retour perso au jour d'aujourd'hui (soit après avoir enchaîné tous les titres de la série en un an et en étant passionné par l'univers de la piraterie). Je sors d'une aprem sur le jeu, et au moment de quitter le port d'une île, la mer est vide, à l'exception d'un petit schooner espagnol que je déglingue en l'embrochant sans m'arrêter. Seulement, comme j'étais à 2,9 sur mon indice de recherche, détruire une coquille de noix au milieu de nulle part enclenche le 3e palier, et je me fais tuer pris en sandwich par deux navires chasseurs de pirates qui ont purement et simplement poppé devant moi. Je n'en ai vu qu'un seul via la caméra ingame, et je l'ai attaqué. Le temps de me rendre compte que le 2e m'allumait de l'autre côté, j'étais mort, et le jeu me fait respawn au milieu de nulle part (j'ai toujours pas compris comment le jeu organise ça à chaque mort du joueur), à des kilomètres du lieu de mon game over et de mon objectif, avec le même dialogue qui recommence en boucle entre Adewalé et Kenway à chaque transition de zone ou respawn, car j'ai une mission principale de disponible, même si je ne veux absolument pas y aller pour le moment... A ce moment j'ai fini par ragequit, et j'ai eu envie de décrire ma profonde contrariété avec le jeu, histoire de faire suite à mes pavés de cet été dans les topics des jeux précédents de la saga.
Je pirate les mers caribéennes depuis une quinzaine d'heure, et je dois dire que si j'aime beaucoup le jeu en soit (j'apprécie notamment que les collectibles et les activités annexes s'insèrent plutôt naturellement au jeu et à la vadrouille), la touche Ubisoft gâche encore une fois tout sur les détails et pose ce poids mort tout en haut de la formule, qui empêche Assassin's Creed de devenir une référence dans le jeu d'action en monde ouvert.
Pour Black Flag, cette touche de merde consiste donc à polir tout ce qui faisait l'immersion des séquences en navire d'Assassin's Creed 3, qui m'en avaient mis plein la gueule à l'époque, par leur réalisation mais aussi par la lourdeur et la lenteur du gameplay qui s'accordait parfaitement au combat naval de l'époque. Il fallait tourner tout le poids du navire, savoir prendre le vent (naviguer contre le vent était quasiment impossible), attendre que les vagues ne cachent plus la cible (au risque de tirer une bordée dans un mur d'eau et de voir les boulets couler sans toucher la cible), recharger les canons prenait du temps... bref, c'était vraiment stratégique, et chaque séquence proposait une approche un peu différente et travaillée (une poursuite dans un canal, un affrontement à un contre plusieurs, de la protection de marchand, des ennemis qui apparaissent pendant le combat, etc). Tout ça a disparu dans Black Flag, au profit d'un jeu complet sur le sujet, mais complètement dépouillé dans le fond et misant pas tellement non plus sur la forme. Un pur produit sorti en urgence pour combler une année sans sortie avant le gros morceau Unity/Victory (sans doute le vrai Assassin's Creed 4, déjà coupé en deux jeux), alors que Black Flag n'est qu'un DLC du 3 transformé en jeu complet, comme l'est sans doute Rogue, une reskin.
Entendons nous bien avant qu'on me dise que je suis maso de cracher sur Ubi en jouant à leurs jeux. J'aime beaucoup le jeu en soit, je le recommanderai à n'importe qui pour le sujet (car ça reste un rêve de gosse pour tous ceux qui se passionnent pour cette période historique) comme pour l'aspect "jeu d'aventure ouvert avec pleins de trucs à faire", à quiconque est assez grand public pour s'amuser sur un jeu à grosse production sans tiquer sur les détails que seuls les canards retiennent pour en faire un scandale par topic (experts CPC, je vous cassdédi ce pavé).
S'il est donc vrai que je n'ai pas encore beaucoup avancé dans les missions navales mises en scènes dans l'histoire principale (je dois rejoindre le fils Kidd à Tulum, après qu'il m'ait introduit les énigmes mayas, j'ai pas encore débloqué la plongée sous-marine, etc). Mais pour la partie free roam, ça devient vite redondant, au point que je joue au jeux par petites sessions tranquilles pour farmer en butant des navires pour récolter de la thune et améliorer le Jackdawn, tandis que quand je suis pas dans le jeu, je suis sur l'appli tablette pour débloquer les emplacements de navire, compléter la flotte et enchaîner les missions de l'app pour avoir des bonus in-game. Je dois dire que l'app marche d'ailleurs plutôt bien une fois synchro au jeu en temps réel (sauf la map GPS qui rame).
Pour en revenir au problème principal du jeu donc, c'est qu'au lieu de devenir un vrai jeu de pirate issus d'un Assassin's Creed expérimental, il est le produit d'une politique industrielle, celle du jeu boudin qu'Ubisoft veut débiter à l'année en plusieurs exemplaires (2 Assassin's Creed par an, et j'imagine que s'ils pouvaient faire pareil avec Far Cry, Watch Dogs ou Splinter Cell ils le feraient).
En résulte un jeu avec une skin de pirate et de bonnes sensations pour l'ambiance, grâce au trésor de guerre d'Ubisoft et sa taille gargantuesque lui permettant de mobiliser 300 personnes sur des détails aussi futiles mais géniaux que les crabes qui courent sur les plages, le changement de langues (espagnol, anglais) selon le pays qui occupe telle ou telle ville, ou les chants marins enregistrés pour le jeu. Mais en résulte du coup un Assassin's Creed classique avec son IA débile, ses problèmes de collision, ses bugs par dizaines, qui sont certes rigolos la première fois mais saoulant sur la durée (et qui font se demander comment on peut embaucher autant de monde et pondre des jeux aussi beaux, mais chier autant sur le QT et la QA du jeu et les finitions au nom de la sacro sainte deadline de release commerciale pour l'exercice fiscal), une violence qui ne s'assume pas (on tue et on assassine, brutalement en plus, et on est dans la piraterie du 17e, repaire de mecs sans foi ni lois, de bandits, etc... mais le sang est discret, les viscères et les membres coupés n'existent pas, ni les civils pillés, les viols, la violence psychologique, l'alcoolisme... non dans AC on est à fond dans le film d'aventure façon PotC avec les dialogues cliché et la zik épique en fond), et un navire... putain ils ont transformé le majestueux et lourd navire du 3 en tank tout terrain !
C'est vraiment le point qui me fait le plus chier. Cet arrondi des angles. Fini les détails donc je parlais à propos des séquences du 3. On fonce à toute berzingue grâce à la vitesse automatique, on pile en arrivant à un endroit ou un navire, on tourne à 90° sur place hyper facilement, la ligne de tir des canons est pas du hitscan, mais c'est tout comme (plus d'obstacles marins, durant les phases d'abordages on peut même tirer au mini canon à travers notre propre navire), lancer un navire à pleine vitesse sur les récifs le fera rebondie en nous enlevant de la barre de vie, etc... et je ne parle pas des bugs en pagaille qui deviennent de plus en plus réguliers à chaque nouvel épisode, celui-ci ne dérogeant pas à la règle. Problème de clipping (j'ai eu des NPC dans les villages qui poppaient une fois que j'arrivais à leur "hauteur"), portage PC de chie (je joue fluide... à 30 FPS. Sur un i5 et une GTX970, sérieusement. Si j'active pas la vsync, le framerate fait n'imp et c'est insupportable), voiles fantômes qui flottent dans le ciel après avoir coulé un navire, tables de ratio des loots totalement pétées qui font popper les caisses de loot et les naufragés partout comme si on était dans une piscine municipale surpeuplée, etc...
Des trucs qui nuisent grandement au jeu et à l'immersion du joueur, qui rappellent à chaque instant qu'on est dans un jeu (qui se présente en plus comme un jeu dans un jeu, car on est chez Ubi, rappelons le), et la promesse d'un monde ouvert à explorer et découvrir qui est finalement complètement faussée. Quand on a pas des zones purement et simplement bloquées dans le jeu (les fameux murs de lumière et désynchro de la série, du foutage de gueule pur et dur), c'est l'exploration qui n'est jamais récompensée. Les lieux, même si géographiquement uniques, sont des clonages en série. Des forts maritimes aux ilôts, des ruines mayas aux plantations avec leurs entrepôts à dévaliser. Une map et une minimap qui indiquent tous les collectibles et où les trouver, avec GPS possible.
Les Caraïbes de Black Flag sont belles et impressionnantes, mais n'ont ni mystère ni part d'ombre donnant envie de se lancer dans l'exploration d'une grotte trouvée au détour d'une falaise maritime ou dans un temple au fond d'une jungle mexicaine. On sait déjà qu'on y trouvera 3 coffres d'or, 2 boules de lumière, une bouteille de mer avec un message et un chant marin qui flotte. Il n'y a pas plus d'intérêt à chercher du loot avec 2000 collectibles qu'avec les quelques drapeaux du premier jeu.
Des collectibles sans envergure jusqu'à l’écœurement (qui se soucie des coffres pour 100 pièces quand on en touche dix fois la somme en attaquant les navires, ou des fragments d'animus justes présents pour aider à débloquer un cheat code graphique fastidieux), sans challenge, une map énorme mais trop souvent pareille, une absence totale de la guerre politique et militaire des 4 grands de l'époque comme le contexte de l'époque le présentait (et qu'on a dans quasi tous les jeux de pirates depuis Pirates!), un gameplay naval complètement pété et sans sensations (les vagues scélérates sont devenues minables, les tornades sont abusées, la météo change en une seconde), des navires sans équipage ni pilotes qui tournent en rond sur la map et ne prennent vie seulement que pendant le combat et l'abordage...
Les mécaniques de jeu vidéo et de scriptage de cette vie artificielle sont à nouveau présentes et de manière trop visible, peut-être encore plus qu'avant. A quoi sert de proposer une VF aussi mauvaise alors que de toute façon le background sonore du jeu n'est plus traduit (les NPC) et demeure multilingue ? Pourquoi les NPC sont encore plus buggés qu'avant, marchent dans les murs, ne réagissent plus quand on fait le fou autour d'eux en courant sur les murs (ou alors si mais cette fois ils s'enfuyent en hurlant comme si c'était les piétons teubés de Saints Row) ? Pourquoi le héros tue un assassin pour prendre sa place, mais découvre, presque par magie, qu'il est destiné à en être un et du jour au lendemain, prend en charge des missions pour la confrérie (comme celle des assassinats et défenses en mer, etc), alors qu'avant, il était (et reste) un pirate (ou un corsaire, parce que le jeu politiquement correct nous fait attaquer des navires militaires mais nous punit si on tue une chèvre, "un animal domestique"), si ce n'est pour le besoin de réinsérer l'IP Assassin's Creed dans un jeu vidéo qui aurait pu ne porter aucune trace de ce nom ?
Parce que Black Flag est un Assassin's Creed bien sûr. Parce que c'est ce qui se vend le plus chez Ubisoft. Et c'est aussi un pur produit conçu pour boucher un calendrier commercial, comme en attestaient déjà à l'époque les critiques pointant son scénario inerte, son manque de liant absolu avec la saga Ezio, l'histoire de Connor et le destin de Desmond et des assassins modernes, ou le chiffre IV réduit en timide symbole dans le logo qui mettait l'accent sur le sous-titre du Drapeau Noir. Cette schizophrénie se retrouve alors dans quasi chaque facette du jeu, et c'est bien là la résultante de mon dilemme sado-maso avec les jeux Ubisoft : j'adore la forme (faire évoluer dans des jeux d'aventure et d'action le joueur dans des périodes historiquement reconstituées), j'adore le fond (vouloir proposer un BTA mixant de l'infiltration et de la gestion grand public, parfois même écrire un beau film d'aventure et faire réfléchir sur le contexte historique que présente chaque opus), mais chacun de ces jeux est alourdi par le poids de cette IP, ce nom commercial, cette marque de fabrique, celle d'un emo à capuche qui doit représenter un assassin à qui on retire l'horreur de son métier pour le romancer en saga épique et mâchée par la culture hollywoodienne. Chaque Assassin's Creed serait un jeu bien meilleur s'il ne cherchait pas à rester un Assassin's Creed pour rester dans le canon commercial (et évidemment, c'est impossible, allez expliquer ça à des types comme la famille Guillemot). Et Black Flag (déjà rien que le titre seul pète sa mère) aurait été le jeu de pirate 3D ultime s'il avait été pensé, conçu, poli durant tout son développement, comme un jeu de pirate, et pas un Assassin's Creed.
J'encule des mouches à 21h un dimanche, mais je suis déception.