Le monde se divise en deux catégories. D’un côté il y a les gens raisonnables, et puis il y a les autres. Les gens raisonnables ont un objectif sensé, et tous leurs actes sont calculés pour être orientés utilement afin d’atteindre ce but précis que le sens commun qualifiera de « louable ». Les gens raisonnables font Science-Po pour devenir présentateur d’une chaine locale respectable et ils sont appréciés dans leur quartier. Leur hypocrisie est perçue comme une politesse, et s’ils doivent écraser ou flouer quelqu’un pour arriver à leurs fins ou pour simplement s’auto-persuader de leur bien-pensance, on dira alors qu’ils ont de l’audace.
Les autres, eux, sont incapables de se projeter dans un avenir de plus de deux semaines. Ils ont un goût prononcé pour les loisirs dits inutiles et la perte de temps dans des divertissements futiles. Ceux-là affectionnent l’absurde, la déstructuration interne, la violence uniquement lorsqu'elle est gratuite, et savent déceler la mélancolie poétique des échecs épiques qu’ils préfèreront aux froides victoires sans failles. Ils sont de pauvres hères presque anonymes, artistes inconnus, testeurs indépendants de jeux vidéo, ou bien encore moddeurs fous.
C’est bien de ces derniers dont il est question aujourd’hui puisque ces acharnés de Black Mesa dont on venait à mettre l’existence en doute vont finalement sortir leur refonte de Half-Life, d’ici deux petites semaines, près de 15 ans après la sortie du jeu originel. La poignée de fans surexcités qui y croyait encore est suivie de près par tous les plus nostalgiques dont la simple image du célèbre complexe et la vue d’un compte à rebours a suffi à serrer le petit cœur.
Bien sûr, chacun sait que tout ça ne tient pas à grand-chose et qu’il suffirait, par exemple, que Gabe Newell éructe un peu trop bruyamment après avoir englouti son sandwich commandé au mètre chez Souschemin pour qu’un grand reporter raisonnable l’interprète comme le lancement d’un ARG annonçant Half-Life 3. Les moddeurs retomberaient ainsi instantanément dans les abysses de l’oubli, coincés entre le néant et l’espace-Valve-time.
Heureusement, les petits gars de Black Mesa n’ont pas abattu toutes leurs cartes, ça aurait été trop simple. Ils sortiront donc la toute fin de l’aventure extraterrestre (Xeniènne pour être précis) de notre binoclard préféré « un jour ». Ah, angoisse de l’accomplissement, quand tu nous tiens…
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