Oh, je le sais très bien : vous avez une piètre opinion de la profession d'avocat. Pour vous, un avocat, c'est un fruit dont le client n'est pas toujours bien défendu. Pour vous, un avocat c'est un drôle d'oiseau, aux dents de requin, un vautour à la robe noire et, quand il est très sportif, vous ne dites pas qu'il a un beau corps, mais qu'il est un corbeau.
Votre mesquinerie, légendaire, vous pousse même à vous moquer de la guaca toute molle d'un avocat. C'est horrible, mais vous avez le droit le plus absolu de le penser. Méfiez-vous, toutefois, de ne pas vous laisser piéger.
Des escrocs peuvent en effet profiter de la basse opinion que vous avez des avocats pour vous truander. Sachez que ma profession est encadrée par des règles de comportement, impératives à respecter, et que les avocats ne peuvent pas faire tout et n'importe quoi. Tenez, par exemple, prenez ces internautes allemands qui utilisaient Megaupload. Ils reçoivent depuis peu des lettres de prétendus avocats qui les menacent franchement d'un procès, sauf pour eux d’acquitter, dans l’heure, une certaine somme. Ces faux avocats réclament entre 50 et 150 €, payables de tout de suite. Ils préviennent qu’à défaut, ils saisiront la justice et réclameront 10.000 €.
La France, pour l’instant, n'est pas encore touchée, mais les arnaques étant plutôt bien pensées, soyons vigilants. Alors sachez que, si vous recevez ce genre de courrier, vous n'avez pas à y donner suite : en aucun cas un avocat n'a le droit de vous réclamer de l'argent de cette façon.
En effet, le Règlement intérieur national encadrant la profession d'avocat, précise en son article 8 que :
"Si un différend est susceptible de recevoir une solution amiable, avant toute procédure ou lorsqu’une action est déjà pendante devant une juridiction, l’avocat ne peut prendre contact ou recevoir la partie adverse qu’avec l’assentiment de son client. A cette occasion, il rappelle à la partie adverse la faculté de consulter un avocat et l’invite à lui en faire connaître le nom. Il s’interdit à son égard toute présentation déloyale de la situation et toute menace. Il peut néanmoins mentionner l’éventualité d’une procédure. L’avocat, mandataire de son client, peut adresser toute injonction ou mise en demeure à l’adversaire de ce dernier. La prise de contact avec la partie adverse ne peut avoir lieu qu’en adressant à cette partie une lettre, qui peut être transmise par voie électronique, en s’assurant préalablement de l’adresse électronique de son destinataire, rappelant la faculté pour le destinataire de consulter un avocat et l’invitant à lui faire connaître le nom de son conseil ."
Il est exact que certains de mes confrères, dans des affaires de propriété intellectuelle, ont cru possible de menacer de présumés pirates d'une action judiciaire, contre paiement d’une somme d'argent. L'un d'entre eux, dans une affaire célèbre (pour le jeu Call of Juarez), avait ainsi réclamé 400 € à des milliers d'internautes, suspectés d'avoir téléchargé le jeu. Le Conseil de Discipline du Barreau de Paris l'a condamné pour avoir volontairement omis d'inviter les destinataires de ses courriers à consulter un avocat, ce qui constitue une violation des obligations déontologiques de la profession. Sa formulation avait été jugée agressive et destinée à provoquer des paiements alors que, toute présentation déloyale de la situation et toute menace, sont strictement interdits par le Règlement intérieur national.
Concrètement, pour que vous puissiez considérer qu’une lettre émane réellement d'un avocat, il doit, dans son courrier, vous inviter à consulter l’un de ses confrères, vous prévenir qu'un procès pourrait vous être intenté, mais sans autres menaces. Enfin il doit vous préciser qu’il laisse la porte ouverte à un règlement amiable, préalable à l'action judiciaire, sans mentionner une somme précise.
Vous voilà prévenus !
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