A Noël, ma mère se laisse pousser la moustache. Non attendez, je me trompe. Je veux dire, Noël Mamère se laisse pousser la moustache. Voilà. Ben quoi ? Il s'est rasé la lèvre supérieure ? Non ? Je dis donc la vérité. Pardon ? Quel rapport dans le contexte ? Aucun, si ce n'est le plaisir de parler de moustaches et de Noël, cette période festive où il est coutume de s'offrir des cadeaux et de se réunir en famille autour d'une dinde, non, mais oh, je ne vous permets pas de parler comme ça de Mammaire, vous voulez qu'elle ait les glandes ? De parler comme ça de ma mère, je veux dire, zut, je m'embrouille.
Comme je le disais donc, la coutume de passer Noël en famille en s'offrant des cadeaux est solidement enracinée et pèse, comme chaque année, sur votre moral. Et bien, mes amis, pourtant moi, je peux sans aucune vergogne passer ma nuit du 24 décembre à claquer mon argent du mois dans un club de strip-tease, plutôt que d'offrir contraint et forcé à ma belle-mère le dernier aspirateur à la mode.
Et cela, grâce à la toute-puissance du droit ! Allez, bonnes fêtes et....
Ah, vous voulez mon secret ? Bon, allez, ça sera mon cadeau pour 2011, je vais vous libérer des chaînes de la coutume.
Tout d'abord, il faut bien comprendre que toute coutume est un usage, un comportement, qui est répété par une population d'un territoire précis dans une grande période de temps, au point d'être accepté comme ayant force de loi. Mais ce n'est pas une loi, parce qu'une loi est créée par les institutions de l'État, et se pense volontairement comme telle, et se trouve bien évidemment écrite, pour qu'elle puisse être lue, apprise et comprise par tous. Tandis qu'une coutume résulte des comportements répétitifs d'une population, elle ne répond pas à une volonté déterminée et n'est évidemment pas écrite. D'ailleurs, mon tailleur me le dit souvent, "une fois n'est pas costume", alors bon.
La coutume était importante en France jusqu'à la Révolution et l'on en trouvait dans toutes les régions françaises. Par exemple, en Corse, l'influence de Gênes et la pauvreté expliquent pourquoi l'usage de la division des immeubles était très répandu, et ce, à une époque où le concept de copropriété n'existait pas. Le propriétaire du rez-de-chaussée élevait les murs, et laissait le soin à un maître charpentier de placer la toiture, en contrepartie de la propriété du dernier étage. C'était un comportement coutumier et le maître charpentier devenait propriétaire en vertu de cette coutume.
Autre exemple: en Bretagne, il existait une coutume au temps jadis, qui disait, qu'en matière commerciale: "La preuve, qui est faite par deux témoins est suffisante...". On amenait deux témoins au tribunal jurant que oui,oui, ça c'est bien passé comme ça, et ça suffisait à prouver le bien-fondé de sa prétention. Et puis, la Révolution française est arrivée, des têtes ont roulé et la production du droit est devenue monopole des institutions étatiques. Pourtant, aujourd'hui encore, certaines lois reconnaissent la valeur des us et coutumes.
Par exemple, l'article 2511 du Code civil prévoit que, sur le territoire de Mayotte, les droits collectifs immobiliers consacrés par la coutume ne sont pas soumis à immatriculation. Quant à l'article L.511-3 du Code rural et de la pêche maritime, il institue des chambres départementales d'agriculture qui ont notamment pour mission de "grouper, coordonner, codifier les coutumes et usages locaux à caractère agricole". Et une fois ces usages codifiés, ils sont soumis à l'approbation des départements. Et n'oublions pas l'article L.3244-1 du Code du travail qui dispose que "dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites " pour le service " par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement".
Moralité, en raison du monopole étatique de la création de la loi, seules les coutumes reconnues par une loi sont encore applicables aujourd'hui. Les autres n'ont pas plus de valeur juridique que votre habitude, pourtant répétée sur une grande période de temps, de reluquer les décolletées des femelles Klingon dans une redif de Star Trek TOS.
Et donc, mes amis, secouez vos chaînes, car la coutume de passer Noël en famille en s'offrant des cadeaux n'est reprise par aucun code ! Vous vivez sous le joug d'une fausse obligation, libérez-vous et vous aussi, passez vos fêtes au club privé des Deux Boules sur les Champs Élysée. En plus, avec un nom pareil, on ne pourra pas vous reprocher de ne pas rester fidèle à l'esprit de Noël.
Bonnes fêtes à tous !
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