Eh oui, décidément cela devient une habitude : je voudrais évoquer avec vous un jeu moche, mais énorme et magnifique. Certains connaissent sûrement les deux premiers opus de Dominions. Le troisième vient de sortir et se hisse sur les épaules de ses prédecesseurs. Je précise en guise d'introduction que je ne vais pas trop entrer dans les détails dans cette approche du jeu, parce que ça demanderait des dizaines de pages.
Dominions, c'est un jeu de stratégie tour par tour, situé dans un univers de fantasy. Mais c'est pas un petit truc à la Heroes, ou encore à la Age of Wonders, ni même à la Fantasy General ; c'est un truc énorme. On parle de 60 nations jouables, d'environ un millier de sorts, de centaines d'objets à découvrir ou à forger soi même, mais comme chacun sait, la quantité ne fait pas la qualité. Abordons un peu le jeu en lui même.
Dans Dominions, tout est basé sur un concept : celui, justement, tiens, c'est fou, de "dominion", c'est à dire de domination religieuse. Ce sont des religions qui s'affrontent dans une guerre sans merci.
Tout commence donc par la création d'un avatar dont le but va être de devenir le dieu unique de l'univers dans lequel va se dérouler la partie. La création de ce personnage est une part énorme du jeu, les possibilités de spécialisation et les choix des formes (dragon, monolithe, homme, gargouille, liche, pieuvre, que sais-je encore, tout le bestiaire de la mythologie y est ou à peu près) sont considérables.
Certains avatars correspondent parfaitement à certaines nations ; par exemple, la nation de R'lyeh (clin d'oeil à Lovecraft), qui vit entièrement sous l'eau, a intérêt à choisir un avatar qui respire sous l'eau, et qui se spécialise dans la magie de l'eau. En général le bon sens facilite le choix d'un avatar, même si des combinaisons originales sont toujours possibles. Il faut aussi définir sa religion et l'influence qu'elle aura sur les terres où elle est en vigueur. Par exemple, une religion pourra privilégier les sacrifices humains. Les terres sur lesquelles elle a prise vont vite se dépeupler, fournissant alors une masse de ressources pour une armée de morts vivants, par exemple. Ou alors la religion va créer un climat très froid, qui va avantager ma nation de géants nordiques. Bref, il faut réfléchir, s'adapter. On choisit aussi la puissance de sa religion, à savoir sa capacité à se répandre plus ou moins facilement sur les territoires adjacents.
Une fois le prétendant créé (avec, en tête, l'idée du type de nation que l'on va choisir), on passe au choix de la nation. Il y en a des dizaines, des aquatiques, des géantes, des amphibiennes, des simiesques, des volcaniques, des souterraines, des volantes, des morts-vivantes... Loin des clichés de la fantasy habituelle (pas d'orcs, pas d'elfes, pas de hobbits, et ça fait du bien), les développeurs ont créé un univers bien à eux à partir de multiples références mythologiques. Rassurez vous, ça reste très cohérent, et c'est en partie ce qui fait le charme du jeu.
Puis on crée une carte aléatoire, ou on en choisit une prédessinée (certaines sont vraiment magnifiques), et c'est parti. La carte est divisée en provinces qu'il va falloir conquérir. On peut le faire de deux manières : par la force du bras, en recrutant des hordes de fanatiques ; ou alors par la force de l'esprit, en répandant sa religion et en annihilant celle des autres. La force du bras, évidemment, prend assez vite le dessus, avoir une armée est en effet indispensable pour survivre contre les autres religions, qui ne se privent pas d'envoyer leurs hordes de géants taper à votre porte. Mais la magie est très puissante, et lorsqu'ils sont bien spécialisés, deux ou trois prêtres peuvent envoyer bouler à eux seuls une armée entière. Cela dépend, évidemment, de la nation que l'on joue ; certaines sont basées sur la magie, d'autres, non.
Chaque tour, le nombre d'actions possibles est impressionant. On peut recruter des unités (normal), construire des batiments, utiliser ses mages pour faire de la recherche, ou encore, une fois la connaissance nécessaire atteinte, pour forger des objets magiques très puissants, que l'on peut donner à n'importe quelle unité. Ca a l'air très anodin comme ça. Mais il y a une foultitude de sorts et d'objets. Et une foultitude d'avatars qui ont chacun leurs capacités spéciales. Hop, imaginons la fourberie suivante : je choisis comme avatar un personnage qui a la capacité d'avoir un corps vaporeux (ce qui confère un bonus à l'évitement). Je le spécialise en altération. Après quelques tours de recherche, il peut alors jeter un sort qui lui permet d'esquiver 50% des coups. J'entreprends des recherches en construction afin de pouvoir forger des objets magiques. Paf, je lui fabrique un anneau qui rajoute 50% à l'esquive. Pif, je lui fabrique une épée qui draine la vie. Pouf, je lui fabrique une armure qui régénère sa vie. Résultat : mon avatar est devenu une bête à tuer, je l'envoie seul contre des armées entières pour imposer mon idée de la religion : la mort pour tous sauf pour moi. Il se promène sur les champs de batailles, est quasiment intouchable, se régénère, tue tout le monde. Bon, évidemment, c'est de la théorie : les autres nations ne se privent pas de faire pareil, et d'employer des contre stratégies. Car aussi incroyable que cela puisse paraître le jeu est parfaitement (presque) équilibré et aucune stratégie, notamment en multijoueur, n'est imbattable.
Les combats se déroulent d'une manière un peu originale : on doit organiser et programmer les actions de chacun de ses groupes (que l'on définit comme on veut : un commandant, une escouade d'archers, une escouade de gros bourrins, une petite escouade de mages) avant la bataille. Par exemple, je prévois que mes mages resteront en arrière et jetteront des sorts pour améliorer la précision de mes archers, que je vais placer sur les côtés ; ma cavalerie sera sur les flancs et je lui dirai d'attaquer les lignes arrières de l'ennemi ; etc... Tout cela se fait avant la bataille. On peut ensuite en regarder un résumé animé, souvent cruel quand tout n'a pas fonctionné comme on le souhaitait.
Je vais m'arrêter là, pourtant je n'ai fait qu'effleurer la surface de ce qu'est Dominions 3. En effet de nombreuses choses viennent encore pimenter les parties, notamment grâce à ce troisième opus. On peut choisir de commencer avec un avatar qui dort, et va se réveiller au bout de 30 tours, ce qui débloque des points pour améliorer sa religion ; trois âges sont disponibles, où les conditions de jeu sont différentes ; les cartes peuvent être générées aléatoirement ; etc etc...
C'est en multijoueur que le jeu prend toute sa saveur, même si pour ce troisième volet l'IA a été grandement améliorée. Les tactiques de fourbe sont légion. La musique est superbe.
Mais il y a des défauts. Les graphismes : c'est moche, enfin pas vraiment moche : ça a son charme, mais bon le jeu n'aurait pas choqué en 95 je pense. L'interface n'est pas évidente d'accès au début ; par contre plus on la pratique, plus elle le devient (pratique). Les débuts sont très difficiles, on ne comprend rien, on ne sait pas trop quoi faire, on est submergé par les options. Un tutorial très complet a été ajouté à la demo de Dominions 3, qui permet de se faire la main tranquillement. Il faut aussi choisir une nation pas trop dure à jouer au début (certaines demandent de faire des trucs pas possibles, sacrifier des vierges pour obtenir telle quantité de sang à tel moment, etc...), pas trop basée sur la magie. Je conseille Niefelheim, Ulm, ou Man.
C'est tout en anglais. Et enfin, le pire de tout, le prix : 55 dollars. C'est énorme, c'est presque plus cher qu'un jeu "commercial" normal. Evidemment, c'est un investissement plutôt rentable si vous accrochez au jeu : bon nombre de joueurs ne jouent qu'à ça, en multi, depuis plus de trois ans, des compétitions sont organisées, et on n'a jamais fini d'apprendre sur ce jeu. C'est vraiment passionnant. Le mieux à faire, c'est de télécharger la démo, et d'essayer le jeu ; de lire les forums anglais, pour se faire une idée. Si, comme moi, vous relancez la démo cinquante fois pour voir si vous pouvez faire en sorte que votre avatar massacre à lui tout seul la nation ennemie, si vous cherchez à optimiser votre recherche, si vous vous demandez comment invoquer cette hydre gigantesque en moins de quinze tours, bref, si vous vous prenez au jeu, c'est du tout bon : lancez vous.
Je vous file les liens qui vous permettront de voir tout ça de plus près :
Informations générales
La demo
Forums anglais
Forums français (Cyberstratège, les plus actifs "dominateurs" de la communauté française)
La vache c'est long ce que j'ai écrit. Quel nerd.