L'Europe, c'était bien du temps de Joey Tempest, John Norum, John Levén et Tony Reno. Mais dés qu'on est passé à Jean Monnet, Winston Churchill, Robert Schuman et Konrad Adenauer, c'est devenu nul. D'abord, nous autres français d'esprit et de coeur, avons été contraints à une cohabitation malhabile avec nos ennemis d'antan. Comment un pays qui a deux cent quarante six variétés de fromage peut-il être ami de mangeurs de gigots à la menthe suceurs de thè ou d'amateurs de saucisses qui se pavanent avec leur "grösse B", je vous pose la question.
Non, laissez-moi vous le dire, l'Europe, c'est un affreux Frankenstein impropre à la vie: Son foie est anglais, ses parties génitales grecques, son ridicule petit postérieur rebondi italien, sa bedaine allemande, sa moustache roumaine et sa pilosité portugaise. On murmure même ces derniers temps que seule sa main serait française, mais ce sont de mauvaises langues irlandaises. Il vaut mieux Henrire qu'en pleurer.
En plus d'être disgracieux, ce Frankenstein est un dégonflé, il l'a encore prouvé avec le vote du 24 novembre dernier du Paquet Telecom.
Pour rappel, en 2006, l'Union européenne, consciente de ce que l'évolution rapide du marché et des technologies dans le secteur des communications électroniques - Internet, téléphonie fixe et mobile - nécessite une mise à jour de la législation européenne, a travaillé pour mettre au point plusieurs textes qui réforment le droit européen des communications électroniques. Ces textes sont regroupés sous l'appellation "Paquet Télécom". Il s'agit par exemple d'investir dans la nouvelle génération de réseaux, de créer un organe de régulateurs européens des télécommunications, de faciliter l'accès à des numéros d'urgence, la portabilité du numéro de téléphone etc.
Dans le cadre de ce paquet télécom, nos eurodéputés ont voté le 24 septembre 2008 un amendement (dénommé amendement 138 et présenté par Bono et Cohn-Bendit) veillant à ce "qu'aucune restriction à la liberté d'expression et d'information d'un citoyen ne soit prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire".
Cet amendement a fait l'objet de maintes péripéties, rappellées principalement ici.
Et il résulte du texte définitif, voté donc le 24 novembre, que l'Europe s'est dégonflée.
L'amendement 138, votée à plusieurs reprises par le Parlement européen à une écrasante majorité, a en effet finalement été abandonné par ce dernier au profit d'une disposition dite de "liberté sur internet" qui nous annonce que (je n'ai pas trouvé de traduction officielle du texte, je préfère donc le laisser intact en attendant qu'il soit traduit):
"Measures taken by Member States regarding end-users' access to or use of services and applications through electronic communications networks shall respect the fundamental rights and freedoms of natural persons, as guaranteed by the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms and general principles of Community law.
Any of these measures regarding end-users' access to or use of service and applications through electronic communications networks liable to restrict those fundamental rights or freedoms may only be imposed if they are appropriate, proportionate and necessary within a democratic society, and their implementation shall be subject to adequate procedural safeguards in conformity with the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms and with general principles of Community law, including effective judicial protection and due process. Accordingly, these measures may only be taken with due respect for the principle of presumption of innocence and the right to privacy. A prior fair and impartial procedure shall be guaranteed, including the right to be heard of the person or persons concerned subject to the need for appropriate conditions and procedural arrangements in duly substantiated cases of urgency in conformity with European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms. The right to an effective and timely judicial review shall be guaranteed."
ça claque, pas vrai ? Cependant, il en va en droit comme du reste, un long texte ampoulé cache parfois beaucoup de vide. L'amendement 138 initial était beaucoup plus court et beaucoup plus simple. Il disait clairement qu'aucune restriction ne pouvait être imposée au droit fondamental d'accès à internet, sans une décision judiciaire préalable.
Alors, que reproche-t-on à ce nouveau texte: Principalement, d'embrouiller les esprits : Le droit d'accès à internet est-il un droit fondamental ? Ce n'est plus aussi clair qu'avant : aujourd'hui, c'est la coupure qui doit se faire dans le respect des droits fondamentaux. Faut-il vraiment qu'un juge intervienne avant que la coupure ne soit prononcée ? Ce n'est plus aussi clair qu'avant. Le FAQ du parlement européen lui-même le dit d'ailleurs: "Quand une autorité judiciaire ou l'autorité administrative compétente veut couper l'accès à Internet d'un utilisateur, une procédure spécifique devra être suivie. Avant de voir leur accès à Internet coupé, les utilisateurs devront avoir la possibilité d'exposer leur cas et de se défendre avant qu'une décision ne soit prise. Et un appel sera possible."
Comme vous le voyez, une autorité administrative (donc, pas un juge) peut couper l'accès, à la condition qu'une procédure soit suivie au cours de laquelle l'internaute peut s'expliquer. En même temps, "un appel sera possible", ce qui laisse entendre une procédure judiciaire. Bref, ce n'est pas clair.
Tout ce bazar n'est pas encore en vigueur, mais posons nous la question: Et pour Hadopi 1 & 2, ça change quoi ? A nouveau, le FAQ du parlement européen est clair: à la question: "Est-ce que cela empêchera l'adoption de réglementations nationale telles que trois infractions et vous êtes coupés ?", le parlement répond:
"Pas nécessairement, mais toute loi devra prévoir des procédures avant qu'une autorité nationale puisse couper l'accès à Internet d'une personne. Cela ne pourra se faire automatiquement et sans qu'on lui donne au préalable la possibilité d'exposer son cas."
Hadopi II peut cependant poser un problème: car la coupure prononée par le biais de l'ordonnance pénale ne permet pas à l'internaute de s'expliquer. Pour ce faire, il faut qu'il conteste l'ordonnance devant le juge. La coupure prononcée par l'ordonnance serait donc contraire à la Directive européenne.
A moins que l'internaute ne décide d'user de son droit d'exposer ce qu'il pense de son cas devant la Haute Autorité elle-même, ce que lui permet l'article L331-21-1 du Code de la propriété intellectuelle. Dans ce cas, la procédure HADOPI pourrait alors être conforme à la Directive, mais je ne pense pas que beaucoup d'internautes se précipiteront dans les bras d'HADOPI avant que leur dossier ne parte au Ministère public.
La bataille n'est donc peut être pas tout à fait perdue.
Sinon, pour bien rassurer les gens, le Parlement ajoute dans son FAQ: "Les États membres seront libres, s'ils le souhaitent, de maintenir pour l'accès à Internet des garanties plus importantes que celles qui sont prévues par la législation de l'UE, c'est-à-dire qu'ils ne seront pas obligés d'édulcorer la législation existante qui octroie de telles garanties."
Oui vous avez bien lu, l'Europe autorise les Etats membres a être encore plus protecteurs des droits de l'internaute ! Sympa, vous ne trouvez pas ?
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